Des singes vaccinés contre le VIH avec un vaccin expérimental à ARNm ont réussi à développer une certaine réponse immunitaire contre le virus, révèle une étude américaine publiée jeudi dans la revue Nature Medicine. Mais si les auteurs de l’expérience, parmi lesquels se trouvent des chercheurs montréalais, qualifient leur approche de « prometteuse », leurs résultats rappellent combien le développement d’un vaccin contre le sida est beaucoup plus complexe que celui contre la COVID-19.

L’étude a été menée par des chercheurs américains de la société Moderna et de l’Institut national des allergies et maladies infectieuses (NIAID), auxquels s’est jointe une équipe du Centre de recherche du CHUM, représentée par le professeur au département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal Andrés Finzi.

Depuis la découverte du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) en 1983, la recherche d’un vaccin contre le virus suscite tour à tour espoir et déceptions. Plus d’une centaine de vaccins ont été développés, mais moins d’une dizaine ont fait l’objet d’études d’efficacité.

La technologie de l’ARN messager, qui s’est avérée fort efficace pour combattre la COVID-19, pourrait-elle servir à concevoir un vaccin efficace contre le sida ? L’auteur principal de l’étude, Paolo Lusso, chef du département pathogenèse virale du NIAID, écrit dans son article que sa recette « représente une approche prometteuse pour le développement d’un vaccin contre le VIH ».

Comment reconnaître l’intrus

Pour que le système immunitaire puisse combattre un virus, il doit apprendre à le reconnaître. Dans le cas du vaccin contre la COVID-19, par exemple, le vaccin permet aux cellules de défense de reconnaître la protéine S, le spicule qui pointe à la surface du SARS-Cov-2.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Andrés Finzi, chercheur en immunologie au CHUM

Le problème avec le VIH, c’est notamment que son enveloppe varie énormément, le rendant très difficile à repérer. « On a appris avec les années que l’enveloppe du VIH est comme une boule d’énergie. Il suffit de la regarder pour la voir changer de forme », dit Andrés Finzi. L’enveloppe du VIH est couverte de glycanes – un assemblage de sucres – qui permettent au virus d’échapper à la vigilance du système immunitaire. « Un peu comme la cape d’invisibilité d’Harry Potter », illustre M. Finzi.

Il faut donc trouver un moyen d’imiter les glycoprotéines de cette enveloppe pour enseigner au système immunitaire à reconnaître le VIH. Les anticorps qui seront développés doivent particulièrement viser le « domaine de liaison au récepteur » (le RBD), soit l’élément de l’enveloppe du virus qui lui permet d’entrer dans les cellules humaines pour les infecter.

Le vaccin développé comporte deux composantes d’ARNm : l’une qui vise l’enveloppe du VIH, et l’autre la protéine appelée « Gag », la composante structurelle du virus. Il a ainsi l’avantage, contrairement aux autres vaccins testés jusqu’ici, de présenter au système immunitaire une particule virale très semblable au VIH, mais évidemment sans son caractère infectieux.

Les singes macaques vaccinés ont reçu près d’une dizaine de doses sur une année – oui, c’est beaucoup, reconnaissent les chercheurs – pour entraîner leur système immunitaire, avant d’être exposés au virus. Comme les primates ne sont pas vulnérables au VIH-1, qui infecte les humains, les chercheurs ont utilisé un virus différent mais similaire, le VIH simien (SHIV).

Après exposition au virus, les anticorps ont effectivement été générés par le système immunitaire des singes vaccinés, et le risque d’infection par exposition a diminué de 79 %, ont observé les chercheurs.

Mais ces résultats encourageants sont assombris par un élément important : la protection vaccinale peine à se maintenir sur une longue durée. Quarante jours après la vaccination, le virus avait déjà réussi à contourner les défenses immunitaires de plus de la moitié des singes vaccinés.

Bref, dit le chercheur Finzi, « il ne suffit pas de générer les bons types d’anticorps, encore faut-il qu’on puisse les maintenir dans le temps. Et on en est loin ».

D’autres vaccins à ARNm

La société Moderna a d’autres vaccins à ARNm contre le VIH dans ses cartons. Deux d’entre eux font d’ailleurs l’objet d’essais cliniques de phase 1 sur des humains depuis cet automne. Leur mode de fonctionnement est cependant différent de la méthode employée par Paolo Lusso.

Andrés Finzi prend l’analogie d’une clé qu’on enfonce dans une serrure. Pour que la porte s’ouvre, il faut avoir à la fois la bonne clé et l’énergie pour la tourner dans la serrure. Les vaccins à l’essai tentent d’ouvrir la porte du VIH avec une clé tronquée – une partie de l’antigène. Le vaccin développé par le DLusso a l’avantage de présenter une « clé complète » au système immunitaire pour qu’il reconnaisse l’antigène.

Mais est-ce que ce sera suffisant ? La recherche suscite beaucoup d’espoirs, reconnaît Andrés Finzi. « Mais on n’est pas sorti du bois. Il y a des signaux prometteurs, mais ça ne veut pas dire qu’on a quelque chose d’efficace en ce moment. »