Chez les moins de 60 ans, les cas de COVID-19 grave sont rares parmi les personnes infectées. Encore plus chez les vaccinées. Et s’il était possible de détecter plus tôt les patients à risque d’une version grave de la maladie pandémique ? Aux quatre coins du monde, notamment à Montréal, des chercheurs planchent pour trouver des signes précurseurs.

Biomarqueurs

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE STRASBOURG

Le DSeiamak Bahram

« Le principal prédicteur du risque d’avoir une forme grave de COVID-19 est l’âge », explique Seiamak Bahram, de l’Université de Strasbourg. « Les patients âgés ont plus de risques. Mais on voit aussi des formes graves chez les adultes plus jeunes. Il faut trouver une manière de prédire qui aura une forme grave. Ce sera un biomarqueur, soit une molécule présente dans le sang ou l’urine du patient, soit une mutation génétique qui prédispose aux formes graves. Avec des biomarqueurs, on pourra surveiller de plus près les patients à risque et les intuber plus rapidement, si c’est nécessaire. »

Le DBahram est l’auteur principal d’une étude publiée à la fin d’octobre ayant discerné une mutation génétique humaine augmentant le risque de COVID-19 grave chez les moins de 50 ans. L’étude de l’immunologue français a été faite auprès de 300 patients de moins de 50 ans hospitalisés pour la COVID-19 au printemps 2020, dont la moitié ont séjourné aux soins intensifs. La mutation génétique la plus prometteuse pour prédire le risque de COVID-19 grave est aussi impliquée dans certains cancers. Un médicament appelé « anticorps monoclonal » est testé pour contrer ces cancers.

Quatre avenues

La recherche de biomarqueurs prédisant le risque de COVID-19 grave est compliquée par les succès de la vaccination. « Il y a moins de patients graves maintenant, alors les études cliniques sont plus compliquées », dit le DBahram. Mais les travaux qui ont déjà été faits par des dizaines de chercheurs aux quatre coins du monde ont permis de trouver différentes avenues, selon Donald Vinh, infectiologue du Centre universitaire de santé McGill. Il a justement déposé une demande de brevet pour un biomarqueur prédisant la COVID-19 grave.

Première avenue : indices de la maladie

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le DDonald Vinh, infectiologue du Centre universitaire de santé McGill

Les premiers biomarqueurs détectés révèlent directement la gravité de l’état du patient. « Mais ce n’est pas si utile, le patient est déjà très malade, observe le DVinh. Par exemple, on prend la protéine C réactive, qui est un biomarqueur reflétant l’inflammation. En général, plus on est malade, plus le taux de CRP est élevé. Mais on peut avoir besoin d’un traitement anti-inflammatoire ou alors d’un traitement antiviral. Ou alors on peut avoir un taux de CRP élevé avec d’autres maladies, comme l’arthrite. »

Deuxième avenue : système immunitaire

Le biomarqueur détecté par le DVinh, décrit dans une étude publiée par la revue Cell Press, est un cocktail de cellules d’ADN libérées par des cellules malades du corps humain, avant que l’état grave du patient ne devienne évident. Il s’agit d’une réponse initiale du système immunitaire.

Troisième avenue : génétique virale

Dans la revue Cell Discovery, des chercheurs chinois ont détecté une signature génétique spécifique au SARS-CoV-2, le coronavirus responsable de la COVID-19, quand il pénètre avec un grand succès dans les cellules d’un patient. « C’est un biomarqueur qui indique que le virus s’est bien implanté dans un patient », confirme le DVinh.

Quatrième avenue : génétique humaine

C’est la découverte du DBahram : une mutation génétique qui prédispose à avoir une forme grave de la COVID-19. « C’est la prochaine étape de la médecine, la médecine moléculaire », explique le DVinh.

Grippe

Même si les biomarqueurs prédisant la COVIV-19 grave ne sont jamais utilisés en clinique parce que les vaccins restent efficaces, ces travaux ne sont pas perdus, selon le DVinh. « On a le même problème avec la grippe, par exemple. Certains patients ont des formes graves, mais on ne sait pas lesquels seront touchés, dit l’infectiologue montréalais. Tout le travail qu’on fait maintenant sur ces biomarqueurs des formes graves de la COVID-19 pourra bénéficier aux autres maladies et à d’autres pandémies, si elles apparaissent. »