Le réchauffement de la planète provoque une évolution chez certaines espèces d’oiseaux, selon une nouvelle étude australienne. Établir un lien causal entre climat et évolution est cependant très difficile. Une autre étude établit d’ailleurs un lien entre le braconnage et l’augmentation de la proportion d’éléphants nés sans défenses.

Becs plus grands

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE SARA RYDING

Sara Ryding

Des chercheurs de l’Université Deakin, à Victoria, en Australie, ont analysé une centaine d’espèces d’animaux, surtout des oiseaux. Ils ont conclu que leurs becs ou leurs queues étaient devenus entre 1 % et 10 % plus grands à cause du réchauffement de la planète. « C’est frappant que ce soit arrivé à autant d’espèces en si peu de temps, quelques décennies », explique Sara Ryding, auteure principale de l’étude, en entrevue des antipodes. « Plus il fait chaud, plus ces animaux ont besoin d’évacuer de la chaleur par leurs appendices. »

Les pinsons de Darwin

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Le pinson de Darwin, Geospiza fortis

L’une des espèces mises de l’avant par l’étude de Mme Ryding est Geospiza fortis, un « pinson de Darwin » qui vit dans les Galapagos et dont le bec est plus grand quand il fait plus chaud. Les données qu’elle a utilisées ont été colligées par Marc-Olivier Beausoleil, de l’Université McGill.

« C’est un oiseau très étudié parce qu’il habite des îles très isolées et qu’on a des données depuis Darwin », dit M. Beausoleil.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL

Marc-Olivier Beausoleil

Les perroquets de l’Australie

De 4 % à 10 % : augmentation de la taille du bec des perroquets australiens depuis 1871, selon une étude de 2015 reprise par Sara Ryding

Source : Journal of Biogeography

La règle d’Allen

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Joel Asaph Allen

L’étude de Mme Ryding est basée en partie sur la « règle d’Allen », énoncée au XIXsiècle par le zoologiste américain Joel Asaph Allen. Cette règle postule que les animaux à sang chaud ont un corps avec une plus grande surface dans les climats chauds, afin d’évacuer la chaleur de leur corps, et une plus petite surface dans les climats froids, pour éviter de perdre de la chaleur.

Attribution

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE PLYMOUTH

Camille Parmesan

Établir un lien de causalité entre les changements climatiques et l’évolution d’une espèce animale pose un problème semblable à un autre, davantage discuté. Cet autre « problème d’attribution » consiste à lier des extrêmes de chaleur ou de froid, ou encore des tempêtes hors de l’ordinaire, au réchauffement de la planète. « Établir qu’une canicule est liée aux changements climatiques est très difficile, mais c’est encore plus compliqué avec l’évolution », explique Camille Parmesan, biologiste de l’Université de Plymouth, en Angleterre, qui publie des études sur l’évolution et les changements climatiques depuis 15 ans.

« Avec la météo, on a de la physique. Mais avec les animaux, on a les effets sur les proies et les prédateurs, les limites de la physiologie, l’influence des précipitations et plusieurs autres variables. Et dans un écosystème – une prairie, par exemple –, il peut y avoir une différence de 25 °C entre les endroits à l’ombre et au soleil. Établir un lien de causalité est vraiment compliqué. » M. Beausoleil souligne, par exemple, que le bec du Geospiza fortis des Galapagos varie en fonction des cycles El Niño et La Niña, qui influent sur les précipitations. Quand il pleut moins, les noix sont plus dures, et donc les oiseaux ont des becs plus longs et durs pour percer la coque des noix.

Migration

L’autre difficulté de l’« attribution » de changements au climat est que les animaux peuvent migrer vers d’autres cieux. « En général, quand on parle d’évolution, on parle d’une population à un endroit donné, dit Mme Parmesan. Il se peut que cette évolution soit causée par la migration vers une autre région des individus moins bien adaptés à un climat plus chaud. »

Musaraigne et guillemot

PHOTO TIRÉE DU SITE DE TOURISME YUKON

La musaraigne cendrée

Il n’y a pas, pour le moment, de données montrant une évolution d’animaux canadiens liée au réchauffement de la planète. « Mais on a des données montrant un allongement de la queue de la musaraigne cendrée en Alaska, toujours pour refroidir le corps durant les canicules, dit Mme Ryding. Alors, c’est probablement la même chose au Canada. »

La musaraigne cendrée

40 % : longueur de la queue de la musaraigne cendrée par rapport à son corps

Source : Journal of Animal Ecology

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNION EUROPÉENNE

Le guillemot de Brünnich

Des chercheurs de l’Université McGill ont démontré l’été dernier dans le Journal of Experimental Biology que le guillemot de Brünnich, une espèce présente dans l’Arctique canadien, avait une faible tolérance à la chaleur (notamment une température corporelle maximum peu élevée) ainsi qu’une faible capacité de sudation et d’augmentation du métabolisme pour se défendre de la chaleur.

Le guillemot de Brünnich en chiffres

43,3 °C : température corporelle maximale du guillemot de Brünnich

Source : Journal of Experimental Biology

Les défenses d’éléphant

Le réchauffement de la planète n’est pas la seule portion de l’activité humaine qui a des répercussions sur l’évolution des espèces. Une étude de 6920 changements physiques observés chez des animaux, publiée par M. Beausoleil sur le site de prépublication BioRxiv, montre que la chasse et la pêche ont les plus grandes répercussions. Ces activités sont suivies par l’introduction de nouvelles espèces dans un écosystème et, plus généralement, par les modifications d’un écosystème.

Justement, à la mi-octobre, des chercheurs britanniques et du Mozambique ont démontré dans la revue Science que le braconnage avait fait augmenter de 2,5 fois la proportion de femelles dénuées de défenses en ivoire durant la guerre civile mozambicaine, entre 1977 et 1992. Le gouvernement communiste et la guérilla antimarxiste se finançaient tous deux en vendant l’ivoire des défenses d’éléphant, dont la population a baissé de 90 % durant cette période.

Les éléphantes sans défenses

PHOTO TIRÉE DU SITE DE SHANE CAMPBELL-STATON

Le biologiste Shane Campbell-Staton, de l’Université Princeton, l’un des auteurs de l’étude dans la revue Science, avec une éléphante dénuée de défenses endormie au Mozambique

18 % des éléphantes du Mozambique étaient dénuées de défenses en 1975

51 % des éléphantes du Mozambique étaient dénuées de défenses en 1992

33 % des éléphantes du Mozambique nées après 1992 étaient dénuées de défenses

Source : Science