(Montréal) Un nouveau projet auquel ont participé des chercheurs montréalais a mené à la cartographie la plus complète jamais réalisée des variations génétiques qui permettent à la bactérie responsable de la tuberculose de résister aux traitements les plus fréquemment utilisés pour la combattre.

Cela pourrait permettre d’identifier avec précision la souche de la bactérie dont est porteur le patient, pour ensuite choisir le traitement le plus susceptible de l’anéantir.

La tuberculose fait plus de morts à travers le monde chaque année que n’importe quels autres virus, parasite ou bactérie — à part, évidemment, le SRAS-CoV-2.

Ces données-là nous permettent « de beaucoup mieux comprendre comment fonctionne la résistance aux antituberculeux, qui est un problème de plus en plus criant », a dit le docteur Simon Grandjean-Lapierre, un médecin du CHUM qui fait partie du consortium de recherche.

« La résistance aux antituberculeux dans les dernières décennies, ça a vraiment émergé de façon rapide », a-t-il ajouté.

Mené par l’Université d’Oxford, le Comprehensive Research Prediction for Tuberculosis International Consortium a récolté 15 211 échantillons cliniques de la bactérie M. tuberculosis dans 27 pays sur cinq continents.

L’Organisation mondiale de la santé a recommandé que tous les nouveaux patients à qui on diagnostique une tuberculose soient testés pour une résistance aux antituberculeux. Cependant, a dit docteur Grandjean-Lapierre, « les méthodes traditionnelles sont laborieuses et elles sont concentrées dans des laboratoires de référence qui sont centraux ».

En revanche, précise-t-il, les méthodes génétiques ont le potentiel d’être délocalisées, de se rapprocher du patient et d’être démocratisées, « comme ça a été le cas avec certains médicaments », et ce, même dans un pays aussi défavorisé que Madagascar, où le projet a été réalisé.

Cette initiative s’inscrit dans la mouvance de la médecine personnalisée ou de la médecine de précision. Cette tendance lourde de la médecine depuis quelques années prévoit que le traitement sera choisi en fonction des caractéristiques génétiques du patient et de sa maladie, et devrait un jour reléguer aux oubliettes l’ancienne stratégie du « traitement unique pour tous ».

Si l’impact du projet sera évidemment surtout ressenti dans des pays où la tuberculose est omniprésente, comme Madagascar, on ne doit pas perdre de vue que la maladie est aussi rencontrée dans des pays développés comme le Canada, notamment au sein des populations autochtones ou immigrantes.

« Si la situation se détériore ailleurs, et puis que la résistance émerge ailleurs, eh bien les cas auxquels on va faire face et qu’on va diagnostiquer chez nous et qui sont à risque de transmettre chez nous s’ils ne sont pas pris en charge adéquatement, ce sont des cas qui sont de plus en plus difficiles à traiter », a évoqué le docteur Grandjean-Lapierre.

Le séquençage de l’ADN de la bactérie permet de tester non seulement la résistance, mais aussi d’investiguer la transmission, a-t-il souligné. Si le génome complet d’une bactérie est identique à celui d’une autre bactérie provenant d’un autre patient, cela suggère fortement qu’il y a un évènement de transmission qui doit être confirmé.

Le même outil permettrait donc aussi de faire de la surveillance, d’identifier les éclosions, puis d’agir plus rapidement en cas d’éclosion. Cette possibilité fait d’ailleurs l’objet d’un projet parallèle au CHUM et à Madagascar.

« Au Canada, même si on n’a pas beaucoup de transmission domestique de tuberculose, ça serait une avancée intéressante d’être capable de façon prospective, à l’échelle nationale, d’évaluer si on fait face à de la transmission locale, et puis de pouvoir mettre en place les mesures de santé publique nécessaires », a conclu le docteur Grandjean-Lapierre.