L’automne dernier, des câbles qui soutenaient le célèbre télescope d’Arecibo, à Porto Rico, ont cédé. Un groupe d’astrophysiciens de l’île américaine se mobilisent pour le reconstruire.

Le projet

Plus de champ de vision, grâce à un émetteur plus manœuvrable. Plus de puissance, donc une meilleure résolution des images des objets célestes observées. Et une capacité de prédiction accrue des tempêtes solaires pouvant affecter les satellites et les missions spatiales habitées. Tels sont quelques-uns des objectifs de l’ambitieux projet de Télescope d’Arecibo de prochaine génération, déposé en catastrophe au début de l’année par les responsables de l’observatoire actuel d’Arecibo. « Nous avons eu, jusqu’en 2016 à Porto Rico, le plus grand radiotélescope au monde. Il faut absolument conserver cette expertise », explique Abel Méndez, de l’Université de Porto Rico à Arecibo. « Il devient de plus en plus difficile de construire de nouveaux télescopes, à cause de l’acceptabilité sociale des travaux nécessaires. Nous devons profiter du site pour garder cette capacité en Occident. » Le projet du nouveau télescope a été présenté en mars aux autorités américaines, et des conférences de discussion réunissant les organismes subventionnaires et les astronomes des universités américaines devaient avoir lieu cet été. « Personne n’y croyait, dit M. Méndez. Ça fait plusieurs années qu’un manque de financement menait l’observatoire droit dans le mur. Il a fallu l’effondrement pour qu’on se rende compte de l’importance d’Arecibo. Tous les astres sont alignés pour que la reconstruction soit autorisée. »

PHOTO FOURNIE PAR L’OBSERVATOIRE D’ARECIBO

L’observatoire d’Arecibo après la rupture d’un premier câble en août 2020

L’accident

Construite au début des années 1960, la structure de l’observatoire a été endommagée par deux tremblements de terre, en 2014 et 2017. Mais il a fallu attendre 2020 pour que deux des quelque 20 câbles soutenant la plateforme d’instrumentation de 900 tonnes cèdent. « Il se peut que l’ajout de nouveaux instruments, très lourds, en 1997, ait fragilisé la structure », dit M. Méndez. L’évènement, il y a un an, a endommagé la coupole et forcé une réévaluation de l’avenir de l’observatoire d’Arecibo par la Fondation nationale pour la science (NSF) américaine. Un rapport à la mi-novembre a conclu qu’il fallait le démolir. Deux semaines plus tard, début décembre, les autres câbles ont cédé et la coupole d’instrumentation est tombée sur la coupole.

Regardez des vidéos de l’écroulement de l’observatoire d’Arecibo (en anglais)

PHOTO FOURNIE PAR FAST

Le télescope chinois FAST

Les avantages d’un émetteur

Robert Lamontagne, astrophysicien à l’Université de Montréal, confirme que l’observatoire d’Arecibo est encore très utile à la science. « Il est capable d’émettre, ce qui n’est pas le cas de tous les radiotélescopes, dit M. Lamontagne. Ça le rend capable d’observer la haute atmosphère et l’ionosphère ainsi que les objets du Système solaire avec le signal de retour. On peut aussi penser à la surveillance des astéroïdes. » Le Radiotélescope sphérique de cinq cents mètres d’ouverture (FAST) de la Chine a détrôné Arecibo comme plus grand radiotélescope au monde, mais les tensions avec l’empire du Milieu peuvent rendre un radiotélescope aux États-Unis intéressant, note M. Lamontagne. Un autre radiotélescope, le Réseau d’un kilomètre carré, situé en Afrique du Sud et en Australie, est en construction et sera en théorie plus grand que FAST, mais comme il s’agit d’un réseau d’une centaine d’antennes, il a une moins bonne résolution dans certains cas. La construction du télescope d’Arecibo de prochaine génération pourrait prendre 10 ans. « L’équipe de conception envisage donc deux projets plus petits et plus rapides, soit en réutilisant les miroirs qui sont encore bons, soit en construisant une petite coupole », explique M. Méndez, qui est spécialiste de l’habitabilité des exoplanètes. « Il est important de maintenir l’expertise technique à Porto Rico. »

PHOTO FOURNIE PAR L’OBSERVATOIRE D’ARECIBO

La construction de l’observatoire d’Arecibo

Trois découvertes grâce au télescope d’Arecibo

Exoplanète : La première exoplanète découverte, en 1992, l’a été grâce à Arecibo. Il s’agissait d’un hasard : un entretien de la coupole forçait l’observation d’une seule zone du ciel. Il s’agissait de deux planètes en orbite autour du pulsar PSR B1257+12, situé à 2300 années-lumière dans la constellation de la Vierge. Un pulsar est une étoile tournant très vite et émettant des signaux périodiques. Nobel : Arecibo a même reçu un prix Nobel, en 1993, pour l’observation en 1974 de preuves indirectes des « ondes gravitationnelles », un phénomène prédit par Albert Einstein, mais jamais observé directement avant 2015. Cette observation en 1974 était un pulsar en orbite autour d’une autre étoile. Extraterrestres : En 1974, deux astronomes américains, Frank Drake et Carl Sagan, ont écrit un message qui a été envoyé depuis Arecibo vers l’amas globulaire M13, situé à 22 000 années-lumière de la Terre. Un amas globulaire est une concentration très élevée d’étoiles. Ce message de 1679 bits inclut des informations sur la Terre et les connaissances humaines.

Missiles soviétiques

Au départ, l’observatoire d’Arecibo a bénéficié de la crainte des missiles soviétiques, après le lancement du satellite Spoutnik en 1957. Le département de la Défense a accordé du financement pour le projet, consacré à l’observation de la haute atmosphère, dans le but de détecter ces missiles. Par la suite, deux améliorations majeures, dont l’une qui a ajouté le célèbre « dôme grégorien » au-dessus de la soucoupe pour augmenter la quantité d’instruments disponibles, ont eu lieu en 1974 et 1997. Des coupes majeures au financement de l’observatoire ont été pratiquées il y a une douzaine d’années, quand sa responsabilité est passée de l’Université Cornell à l’Université de Floride centrale, mais elles ont été amenuisées par un contrat à court terme de détection d’astéroïdes pouvant potentiellement menacer la Terre.

Arecibo dans la culture populaire

En 1995, le télescope d’Arecibo devenait une base cachée sous un lac cubain dans Golden Eye, un film de James Bond. Son antenne devait contrôler un satellite militaire russe volé par des criminels.

Regardez un extrait de Golden Eye (en anglais)

L’observatoire Arecibo a tenu son propre rôle en 1997 dans le film Contact, avec Jodi Foster. Elle y incarnait une astronome détectant un message extraterrestre à l’observatoire.

Regardez un extrait de Contact (en anglais)

Arecibo en chiffres

10 millions US : Coût initial de la construction de l’observatoire d’Arecibo entre 1960 et 1963

33 millions US : Coût des améliorations à l’observatoire d’Arecibo en 1974 et 1997

450 millions US : Coût estimé du télescope d’Arecibo de prochaine génération

30 à 50 millions US : Coût estimé du démantèlement de l’observatoire d’Arecibo

12 millions US : Budget annuel de fonctionnement annuel d’Arecibo jusqu’en 2010

2 millions US : Budget de fonctionnement annuel de l’observatoire d’Arecibo en 2020-2023

Source : observatoire d’Arecibo