Les effets secondaires des vaccins contre la COVID-19 ont fait la manchette ce printemps. Est-ce que ceux qui ont eu des effets secondaires plus prononcés hésiteront à recevoir la deuxième dose ? Les spécialistes de l’hésitation vaccinale pensent que oui.

Les effets secondaires

Les effets secondaires après un vaccin sont courants, mais très rarement graves. « On peut se sentir moche le jour après, mais la plupart du temps, ce sera une douleur au bras », explique Maryse Guay, spécialiste des vaccins à l’Université de Sherbrooke. Mais comme cette fois une grande partie de la population se fait vacciner en même temps, on en parle davantage.

Beaucoup de gens ont eu des vaccins en bas âge, puis plus rien. Alors on parle de gens qui ne sont pas habitués à recevoir des vaccins. Quel sera leur comportement ? Jusqu’à maintenant, ça va bien, mais il faudra voir comment l’hésitation vaccinale évoluera entre la première et la deuxième dose.

Maryse Guay, spécialiste des vaccins à l’Université de Sherbrooke

Jusqu’à maintenant, l’hésitation vaccinale était essentiellement étudiée par rapport aux parents qui ne font pas vacciner leurs enfants, ou par rapport aux employés du secteur de la santé qui ne se font pas vacciner contre la grippe.

« Et pour le vaccin contre la grippe, l’efficacité est parfois assez faible, donc il est difficile de savoir à quoi est due exactement l’hésitation vaccinale, dit la Dre Guay. C’est sûr que la peur des effets secondaires peut jouer un rôle, mais il n’est pas clair que le fait d’avoir eu personnellement des effets secondaires d’un vaccin augmente l’hésitation vaccinale. »

Les effets rares

L’une des rares études portant sur l’influence des effets secondaires sur l’hésitation vaccinale a été publiée en 2019 dans la revue Scientific Reports par des statisticiens indiens et canadien.

« Notre analyse montre que les effets secondaires rares mais sévères d’un vaccin ont un effet dissuasif important, mais pas les effets secondaires rares mais sévères de la maladie que prévient le vaccin », explique Chris Bauch, de l’Université de Waterloo, qui est l’un des coauteurs de l’étude.

« C’est paradoxal mais assez représentatif de ce que les opposants aux vaccins disent, quand ils minimisent par exemple les dangers des maladies infectieuses. C’est pour ça qu’il était important de bien quantifier les conséquences des caillots qui ont été liés au vaccin AstraZeneca. »

L’analyse de M. Bauch était basée sur une simulation informatique reprenant des données de sondages lors de la vaccination contre la pandémie de grippe H1N1 en 2009.

« Il y a, à ma connaissance, une seule étude qui a étudié avec des données réelles l’hésitation vaccinale liée aux effets secondaires, dit M. Bauch. Elle a été publiée en 1999 et portait sur la vaccination contre l’influenza, ce qui est problématique étant donné la faible efficacité de ces vaccins, particulièrement à l’époque. »

Cette étude de 1999, publiée dans la revue Preventive Medicine, concluait que la crainte des effets secondaires arrivait au deuxième rang dans les facteurs influençant la décision de se faire vacciner, tout juste après l’efficacité du vaccin. Fait à noter, le nombre de participants qui avaient déjà eu des effets secondaires après un vaccin était faible, parce que très peu s’étaient récemment fait vacciner. Cela avait empêché de déterminer l’influence concrète des effets secondaires sur l’hésitation vaccinale.

L’effet « nocebo »

Il est bien établi que plus de gens auront des effets secondaires après un vaccin si on leur dit de s’y attendre, note Winfried Rief, psychologue de l’Université de Marbourg, au nord de Francfort, qui a récemment publié dans la revue médicale américaine Journal of the American Medical Association (JAMA) un essai sur l’hésitation vaccinale et les effets secondaires.

« On appelle cela l’effet nocebo, dit M. Rief. On va mettre sur le dos du vaccin un mal de tête ou un coup de fatigue qui serait arrivé de toute façon. Et l’anxiété peut causer des malaises et de la fatigue, aussi. »

La solution de M. Rief est de dire aux patients que s’ils ont des effets secondaires, c’est un signe que le vaccin fonctionne. « Quand on se fait vacciner, on a une activation du système immunitaire, dit M. Rief. C’est normal d’avoir des effets physiologiques. »

Apathie

PHOTO EMILY ELCONIN, REUTERS

Des billets pour un match de baseball des Tigers de Detroit sont offerts aux personnes qui se font vacciner au Fox Theater, à Detroit.

Autre lueur d’espoir : la plupart des gens qui ne se font pas vacciner à l’âge adulte le font par « apathie » plutôt que par opposition généralisée aux vaccins, note Kevin Schulman, interniste spécialiste de l’organisation des soins à l’Université Stanford qui vient de publier un essai sur la question dans le JAMA.

« On a vu avec les vaccins contre la COVID-19 qu’on peut augmenter le taux de vaccination avec de petits gestes, en donnant en cadeau, par exemple, un joint de marijuana, dit le DSchulman. Si quelqu’un change d’idée à propos d’un vaccin à cause d’un joint, il n’est pas fondamentalement opposé aux vaccins. Il est ce qu’on appelle en marketing un retardataire [late adopter]. Le fait de ne pas se faire vacciner n’est pas le fruit d’une réflexion cognitive. Alors je ne crois pas que les effets secondaires, ou quelque attribut du vaccin, joue un grand rôle. C’est simplement une activité qui sort de l’ordinaire. »

Éviter les effets secondaires

Des chercheurs travaillent par ailleurs à réduire le risque d’effets secondaires en donnant des vaccins différents en fonction de la génétique des patients.

« On utilise cette approche avec les médicaments depuis longtemps, par exemple en oncologie », explique Gregory Poland, directeur du groupe de recherche sur les vaccins de la prestigieuse clinique Mayo au Minnesota, qui a publié de nombreuses études sur la question.

On sait aussi qu’il faut donner des doses plus fortes de certains médicaments, par exemple certains calmants, à des patients qui ont des caractéristiques génétiques rares. La même chose se produit nécessairement avec les vaccins.

Gregory Poland, directeur du groupe de recherche sur les vaccins de la clinique Mayo

« On pourra sous peu réduire les effets secondaires en se fiant à des tests génétiques, et aussi augmenter l’efficacité des vaccins, ajoute-t-il. Il y a une foule de publications sur des marqueurs génétiques liés aux effets secondaires et à l’efficacité des vaccins. »

Le DPoland cite par exemple des études sur des couples de jumeaux montrant que ces phénomènes sont héréditaires, et d’autres sur un effet auto-immunitaire rare du vaccin contre l’hépatite B, qui a déjà permis de privilégier certains vaccins pour certaines populations ayant un haut taux d’un marqueur génétique associé à cet effet secondaire.

Mesurer l’efficacité d’un vaccin

PHOTO AARON FAVILA, ASSOCIATED PRESS

Un travailleur de la santé scelle un sac de fioles utilisées du vaccin Pfizer.

Une autre avenue est de dévoiler rapidement après un vaccin aux patients si le vaccin a fonctionné et si son effet va durer longtemps. Le biostatisticien Peter Gilbert, du centre de recherche sur le cancer Fred Hutchison à Seattle, est en train d’analyser les taux d’anticorps de 1600 personnes qui ont reçu le vaccin contre la COVID-19 de Moderna, pour trouver une manière de prédire l’effet d’un vaccin.

« L’objectif principal est de trouver une manière fiable et plus rapide d’approuver un vaccin, dit M. Gilbert. Mais on pourrait aussi savoir si une personne n’a pas réagi à un vaccin, et lui en donner un autre immédiatement. Ça pourrait rassurer certaines personnes. »

L’hésitation vaccinale en chiffres

De 12 à 14 %
Proportion de la population canadienne qui ne veut pas se faire vacciner contre la COVID-19

De 15 % à 18 %
Proportion de la population américaine qui ne veut pas se faire vacciner contre la COVID-19

31 %
Proportion des Canadiens opposés au vaccin contre la COVID-19 qui le recevraient pour pouvoir voyager

1,5 %
des enfants canadiens n’ont jamais reçu de vaccin

Sources : Angus Reid, Pew, THIA (Association canadienne de l’assurance voyage), RMTC (Relevé des maladies transmissibles au Canada)