On parle beaucoup des variants britannique, sud-africain ou brésilien. Mais des centaines d’autres ont été détectés depuis le début de la pandémie. Et une dizaine sont suivis parce qu’ils sont potentiellement problématiques. Voici comment s’y retrouver dans le monde des variants du SARS-CoV-2, le coronavirus responsable de la COVID-19.

Des centaines de variants

La liste est interminable. On y trouve non seulement le B.1.1.7 (le variant britannique), le B.1.351 (le variant sud-africain) et le P.1 (le variant brésilien), mais aussi des variants beaucoup plus rares, qui vont jusqu’à la lettre Z.

« Il y a plusieurs systèmes de classification du SARS-CoV-2, mais la classification Pango est la plus utilisée », explique Sandrine Moreira, spécialiste de la question à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Le système fonctionne ainsi : chaque fois qu’un nouveau groupe homogène de variants apparaît, on ajoute un point. Et après trois points, on passe à une nouvelle lettre.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE SANDRINE MOREIRA

Sandrine Moreira, spécialiste de la biogénomique des agents infectieux à l’Institut national de santé publique du Québec

Pourquoi Pango ? « Le nom complet est Pangolin, l’animal qui aurait été impliqué dans l’adaptation de ce coronavirus à l’humain », dit Mme Moreira.

À noter, des centaines de variants ont été proposés, nommés, puis abandonnés, soit parce qu’ils étaient des doublons de variants existants, soit parce qu’ils ont été finalement jugés trop peu différents de leur prédécesseur.

Surveillance rehaussée

Les autorités de santé publique publient une liste de variants « à surveillance rehaussée » ou « préoccupants », souligne Mme Moreira.

« À l’INSPQ, on en a quatre: ceux du Brésil, de la Grande-Bretagne, de l’Afrique du Sud et du Nigeria. Il y a aussi d’autres variants à l’étude qu’on va peut-être inclure sur cette liste à surveillance rehaussée. Ce sont des variants qui sont soit plus transmissibles, soit plus graves. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Andrés Finzi, virologue à l’Université de Montréal

Voici quelques données sur des variants « préoccupants » de l’INSPQ.

Royaume-Uni : Le variant britannique représente 90 % des cas de variants au Québec. Selon une étude britannique, le risque d’hospitalisation pourrait être supérieur d’un tiers et la celui d’en mourir deux fois supérieur, par rapport à la souche initiale apparue à Wuhan. Il est aussi plus transmissible, étant probablement responsable de la flambée des cas au Québec ce printemps. Mais pour le moment, rien n’indique qu’il soit capable d’échapper au système immunitaire d’une personne vaccinée, précise le virologue Andrés Finzi, de l’Université de Montréal.

Afrique du Sud : Aussi plus transmissible, mais pas plus mortel, il échappe à certains composants du système immunitaire. « Au début, on vérifiait si les anticorps des patients vaccinés ou qui avaient été infectés étaient capables de neutraliser le virus, dit M. Finzi. La neutralisation était moins bonne avec les variants. Mais le système immunitaire a d’autres manières de lutter contre le SARS-CoV-2 et il y a maintenant plusieurs études qui montrent que les vaccins sont aussi efficaces contre les variants. Nous en avons publié une. » Que pense M. Finzi de l’étude israélienne qui a montré, au début du mois d’avril, que le vaccin était moins efficace contre le variant sud-africain ? « Il n’y a pas de données sur la gravité, mais je pense qu’il y a une aussi bonne protection des vaccins contre les cas graves de COVID-19 avec les variants. » M. Finzi note aussi que l’étude israélienne se trouve sur le site de prépublication MedRxiv, sans comité de révision. Aussi, une étude publiée récemment dans la revue Lancet Respiratory Medicine montre que les gens qui sont réinfectés par le SARS-CoV-2 après une première infection sont plus souvent asymptomatiques. Selon M. Finzi, cela pourrait expliquer les résultats de l’étude israélienne.

PHOTO MICHAEL DANTAS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Terrain où sont enterrées des victimes de la COVID-19 au cimetière Notre-Dame d’Aparecida à Manaus, au Brésil

Brésil : Également plus transmissible et plus mortel, il est aussi moins susceptible d’être neutralisé par les anticorps d’une personne vaccinée ou qui a déjà eu la COVID-19, selon une étude brésilienne publiée sur MedRxiv. Selon M. Finzi, l’étude de Lancet Respiratory Medicine pourrait aussi expliquer ce résultat. Cette étude a été faite sur 3500 recrues des Marines américains de 18 à 20 ans.

Nigeria : Ce variant est apparu en février et s’est répandu comme une traînée de poudre au Nigeria, ce qui laisse penser qu’il est plus transmissible. Il n’existe aucune étude, même sur MedRxiv, sur le variant nigérian.

Les variants en chiffres

10 % des variants détectés au Québec à la fin de mars sont sud-africains
0,1 % des variants détectés au Québec à la fin de mars sont brésiliens
0,05 % des variants détectés au Québec à la fin de mars sont nigérians
0,5 % des variants détectés en Israël chez les personnes non vaccinées sont sud-africains
5,4 % des variants détectés en Israël chez les personnes vaccinées sont sud-africains

Sources : INSPQ, MedRxiv

Problèmes potentiels

Une autre catégorie s’appelle « variants d’intérêt ». « C’est une liste plus longue, il y en a une dizaine à l’INSPQ, dit Mme Moreira. Ce sont des variants sous surveillance simple, parfois avec un intérêt régional. On hésite parfois à les publier parce que ces listes changent souvent. »

New York : un variant (B.1.526) est suivi depuis décembre comme variant d’intérêt par les Centres de contrôle des maladies (CDC) des États-Unis. Il est « potentiellement » moins vulnérable aux anticorps monoclonaux, un type de médicament contre la COVID-19, et aux vaccins.

Brésil : Un autre variant brésilien, P2, est aussi suivi par les CDC, depuis avril 2020. Lui aussi est « potentiellement » moins vulnérable aux anticorps monoclonaux, un type de médicament contre la COVID-19, et aux vaccins.

Californie : ici aussi, il s’agit de deux variants (B.1.427/429), mais les CDC n’ont pas encore daigné les inclure dans la liste des variants d’intérêt. Les autorités médicales du Golden State rapportaient à la mi-février qu’ils représentaient la moitié des variants séquencés, mais depuis, elles s’inquiètent plutôt de l’arrivée au début du mois d’avril en Californie du variant indien, B.1.617.

Inde : Appelé B.1.617, le variant indien est apparu l’automne dernier. Au Québec, un premier cas a été signalé cette semaine dans la région de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. Le patient qui a contracté ce variant aurait été déclaré positif il y a deux semaines, et il avait reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19 il y a environ deux mois. Les autorités sanitaires britanniques, pays où le variant indien circule depuis février, ont indiqué en début de semaine qu’il est encore trop tôt si ce variant a des caractéristiques inquiétantes au chapitre de la transmissibilité ou de la résistance aux traitements ou aux vaccins. Il n’est pas encore sur la liste des « variants d’intérêt » des CDC.

Les Centers for Disease Control ont aussi une catégorie appelée « de haute conséquence », pour les variants capables d’échapper aux tests, aux vaccins ou aux médicaments contre la COVID-19. Pour le moment, elle est vide.

Immunité de groupe

PHOTO RONEN ZVULUN, REUTERS

Un adolescent reçoit son vaccin contre la COVID-19 à Tel-Aviv, en Israël.

Si les variants sont plus transmissibles ou mortels, mais qu’ils sont vaincus par les vaccins, le problème qu’ils posent ne sera-t-il pas rapidement résolu ? Pas nécessairement, parce qu’une plus forte transmissibilité fait grimper le seuil d’immunité de groupe au-delà duquel même les personnes non vaccinées ont peu de risques d’être infectées.

Selon Benoît Mâsse, épidémiologiste à l’Université de Montréal, les variants seraient de 50 % à 100 % plus transmissibles que les souches de la première vague. « Alors le seuil d’immunité collective n’est plus de 70 %, mais de 90 % maintenant avec des variants plus contagieux. » Selon M. Mâsse, par contre, quand de 35 % à 40 % de la population sera vaccinée, la situation sanitaire devrait commencer à s’améliorer.

Souche ou variant ?

Au début de la pandémie, les épidémiologistes se sont inquiétés de l’apparition de nouvelles « souches » plus transmissibles, virulentes ou résistantes du SARS-CoV-2, puis ont été rassurés parce que le coronavirus semblait stable. En décembre, le premier « variant », britannique, a été détecté.

Pourquoi « variant » plutôt que « souche » ? « C’est vrai, on parle de souches de grippe ou de VIH, dit Mme Moreira. Chaque spécialité a ses termes. En génomique, un variant est une mutation ponctuelle, mais en virologie, un variant est un sous-type de virus, alors qu’une souche est le type de virus qu’a un individu. Pour le SARS-CoV-2, ce sont les virologues qui l’ont emporté, on utilise leur terminologie. »

Une version précédente de ce texte indiquait qu'il y avait cinq variants dans la liste de surveillance rehaussée de l'INSPQ. Également, on y attribuait erronément à la Californie le surnom de Sunshine State, qui est celui de la Floride. Nos excuses.