(Ottawa) Calculer les concentrations du coronavirus dans les eaux usées est une recherche scientifique en pleine croissance.

Le virus est présent dans les déchets organiques avant même qu’un patient ne sache qu’il soit atteint.

L’analyse des eaux usées était une pratique inexistante au Canada avant la pandémie, mais plus d’une vingtaine d’universités font des recherches dans ce domaine. Au moins sept villes et les Territoires-du-Nord-Ouest publient des analyses de leurs eaux usées.

Par exemple, l’Université d’Ottawa et le centre local de recherche et de santé pédiatrique du Centre hospitalier pour enfant de l’est de l’Ontario présentent des données quotidiennes. Un niveau de signal élevé dans les eaux usées peut prévenir la Santé publique d’une poussée de cas plusieurs jours à l’avance, comme cela est arrivé pendant le week-end pascal.

« Les pointes des données montaient vraiment haut, relate Rob Delatolla, un professeur associé en génie civil de l’Université d’Ottawa. Ce n’était pas de bons augures, mais cela reflétait en quelque sorte ce qui se passait vraiment dans la ville. »

Les analyses étaient bons prophètes. Le nombre de nouveaux cas à Ottawa a récemment grimpé de 150 à plus de 250 par jours.

Le Pr Delatolla fait partie du Groupe consultatif national de recherche mis en place par le Réseau canadien de l’eau, tout comme deux chercheurs de l’Université McGill et de la Polytechnique, Dominique Frigo et Sarah Dorner, qui ont uni leurs efforts et participé à la première phase de l’étude interlaboratoire de la Coalition eaux usées COVID-19, Pierre Payment, du Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, de l’Université du Québec, Peter Vanrolleghem, de l’Université Laval et Viviane Yargeau, de McGill.

La Coalition est née afin de coordonner et de suivre tout le travail de recherche qui a commencé à émerger l’an dernier lorsque la relation entre la COVID-19 et les eaux usées a attiré l’attention des scientifiques.

« L’objectif immédiat est de pouvoir aider la santé publique au Canada », dit la directrice générale du Réseau canadien de l’eau Bernadette Conant.

Le système mis au point par l’équipe de l’Université d’Ottawa n’est toutefois pas infaillible. En mars, l’analyse laissait prévoir une amélioration de la situation.

« La fonte des neiges a affecté l’analyse », explique le Pr Delatolla.

L’analyse a été affectée par la quantité d’eau supplémentaire, l’excès de sel et de sable et par un nouveau système de traitement qui retient certaines eaux usées au printemps afin de ne pas submerger la station d’épuration.

Le Pr Delatolla dit que les choses sont revenues à la normale.

Mme Conant raconte que l’idée de chercher la présence de la COVID-19 dans les eaux usées est née aux Pays-Bas où des recherches étaient déjà menées pour établir des liens entre des virus et les eaux usées.

Un portail en ligne énumérant les recherches menées par l’Université de la Californie à Merced montre que 248 universités à l’échelle mondiale font des recherches dans ce domaine. Pas moins de 70 « tableaux de bord » dans 50 pays publient régulièrement des données de la COVID-19 dans les eaux usées.

Le portail, appelé « COVIDPoops19 », a son propre compte Twitter illustré par l’icône d’une… crotte

Mme Conant dit que la recherche est toujours en cours de développement. Selon elle, elle devrait jouer un rôle précieux dans l’analyse des tendances épidémiologiques dans des endroits à haut risque comme les établissements de soins de longue durée et les prisons.

Le Réseau a aussi formé un groupe consultatif en santé publique qui, selon son site internet, « va se pencher sur la façon dont les données générées par la surveillance des eaux usées seront partagées avec les décideurs en santé publique ». On y retrouve notamment Patrick Levallois, de l’Université Laval et de l’Institut national de la Santé publique.