Les membres des Premières Nations sont plus susceptibles d’être victimes d’une crise cardiaque à un plus jeune âge que les autres Canadiens, indique une étude.

Cette étude, sans doute la première du genre, a été publiée en décembre dans le Journal canadien des médecins d’urgence. Elle révèle notamment que l’âge moyen des victimes autochtones de crise cardiaque est de 46 ans, soit 19 ans de moins que les autres Canadiens.

La recherche n’a porté que sur les victimes résidant dans la zone de desserte des ambulances du Royal University Hospital de Saskatoon, en Saskatchewan, mais son auteur principal, le Dr Philip Davis, soupçonne qu’elle met en évidence un problème beaucoup plus large.

J’ai travaillé au Québec, en Nouvelle-Écosse, en Ontario et en Alberta. C’est la même chose partout. Toutefois, nous n’avons pas les données.

Le Dr Philip Davis

Un arrêt cardiaque décrit une condition où le cœur cesse de battre. Il est souvent mortel. Il est couramment causé par une crise cardiaque, elle-même provoquée par le rétrécissement des vaisseaux sanguins qui fournissent de l’oxygène et des nutriments au cœur. Cependant, la plupart des crises n’entraînent pas d’arrêt cardiaque.

Wes Lambert, de la Première Nation Flying Dust, figure parmi les jeunes victimes d’un arrêt cardiaque. Il se souvient que son cœur a littéralement arrêté de battre lors de ses noces, il y a une quinzaine d’années. Il n’avait que 50 ans.

« Je me suis levé pour monter sur l’estrade et je n’y suis jamais arrivé », raconte-t-il.

L’équipe du Dr Davis examine actuellement les données concernant toutes les victimes de crise cardiaque admises au Royal University Hospital, qui dessert le nord-ouest de la Saskatchewan. À l’instar de l’étude publiée en décembre, les résultats préliminaires démontrent que les membres des Premières Nations ont tendance à être victimes d’une crise cardiaque 10 ans plus jeunes que les autres Canadiens.

Il est connu que les facteurs de risque menant à une crise cardiaque, comme le diabète, le tabagisme et l’hypertension artérielle, sont plus élevés au sein de la population autochtone. Un rapport de l’Agence de la santé publique du Canada mentionne que le taux de diabète est de trois à cinq fois plus élevé pour les membres des Premières Nations vivant dans des territoires autochtones que pour la population en général.

Pourtant, M. Lambert, qui travaille dans une mine de potasse, ne souffrait ni d’hypertension ni de diabète. Il ne fumait pas non plus. Ses médecins ont attribué son arrêt cardiaque à des anomalies électrolytiques, peut-être attribuables aux longues heures de travail dans les mines.

Des problèmes alimentaires

Les experts, notamment ceux de l’Organisation mondiale de la santé, attribuent cet écart à des taux plus élevés de pauvreté et à un accès limité à la nourriture.

Un article publié dans le Lancet en décembre 2019 indiquait que les épiceries des territoires autochtones vendaient moins de fruits, de légumes, de viande et de produits laitiers que les collectivités voisines. La nourriture y est souvent plus chère, jusqu’à deux fois la moyenne nationale à certains endroits.

Des appels ont été lancés depuis des années pour la création d’une base de données nationale détaillant le taux élevé d’arrêts cardiaques au sein de la population autochtone et leurs causes sous-jacentes. En mars 2020, le Dr Steven Lin et des collègues écrivaient dans le Journal canadien des médecins d’urgence qu’il était « nécessaire de mettre en place une stratégie nationale pour combler les lacunes dans les connaissances concernant les décès provoqués par des problèmes cardiaques chez les peuples autochtones. »

Selon l’étude du Dr Davis, le taux de survie à un arrêt cardiaque est similaire chez les Premières Nations et les autres Canadiens : environ 15 %.

Marcia Mirasty, directrice principale de la santé et du développement social du Meadow Lake Tribal Council, qui représente neuf territoires autochtones du nord-ouest de la Saskatchewan, note que de nombreuses collectivités ont réalisé des progrès vers une alimentation plus saine en encourageant les potagers, les serres scolaires ainsi que les méthodes traditionnelles de chasse, de pêche et de préparation des repas.

« Beaucoup de jeunes ne trouvaient pas ces choses intéressantes, mais maintenant ils fument le poisson, sèchent la viande et préparent de la soupe au lapin. Nos connaissances autochtones refont surface », souligne Mme Mirasty.