Les vaccins fonctionnent moins bien chez les personnes âgées. Depuis une dizaine d’années, des vaccins ciblant spécifiquement cette tranche d’âge sont apparus, mais n’ont pas été adoptés au Québec. Ces recherches prennent une importance cruciale durant la pandémie de COVID-19.

Vieillissement du système immunitaire

La mémoire du système immunitaire faiblit avec l’âge, et même en l’absence de maladies chroniques, la réponse aux vaccins diminue en vieillissant. « C’est ce qui explique que les personnes âgées sont particulièrement à risque pour les infections comme la grippe, mais le problème est rendu plus aigu par le fait qu’une hospitalisation pour une pneumonie a des effets beaucoup plus graves, sur le plan cognitif et sur la mobilité, chez les patients âgés », explique George Kuchel, un Montréalais qui dirige le Centre du vieillissement de l’Université du Connecticut et qui a publié plusieurs fois sur le sujet.

Des vaccins adaptés…

Une demi-douzaine de vaccins provoquant une réponse plus forte visent maintenant spécifiquement les personnes âgées. « Parfois, il peut s’agir d’une dose plus forte, d’autres fois, d’un adjuvant qui augmente l’effet immunitaire », dit Birgit Weinberger, de l’Université d’Innsbruck, en Autriche, qui a publié en 2018 dans la revue Immunity and Aging une synthèse des connaissances sur la vaccination à l’âge d’or. « Il semble aussi que la vaccination intradermale plutôt qu’intramusculaire soit plus efficace, pour des raisons qu’on comprend mal. »

Même pour la COVID-19 ?

IMV, une entreprise de Québec qui développe un vaccin contre la COVID-19 avec l’Université Dalhousie, à Halifax, dispose d’une technologie qui transporte le vaccin dans une zone du corps humain où la réponse est particulièrement forte : jusqu’à 25 fois plus grande que le minimum réglementaire pour l’homologation de certains vaccins. « Nous sommes habitués à travailler avec les personnes âgées, parce que notre marché au départ était la vaccination oncologique », affirme le PDG d’IMV, Frédéric Ors. IMV inclura donc 50 % de personnes âgées dans ses essais cliniques de phase 1/2 pour le vaccin contre la COVID-19, qui ont été acceptés par Santé Canada et commenceront d’ici la fin de l’année.

Une dose plus forte contre la grippe

L’un des vaccins antigrippaux les plus utilisés pour les personnes âgées est le Fluzone, qui contient une dose de virus quatre fois plus grande que les vaccins normaux. Or, il n’est pas recommandé par l’Institut national de santé publique du Québec. « Les preuves qu’il y a réellement moins de cas ne sont pas très fortes, explique Maryse Guay, spécialiste de la vaccination à l’Université de Sherbrooke. Depuis quelques années, d’ailleurs, on ne recommande pas la vaccination antigrippale pour les gens de moins de 75 ans qui sont en bonne santé. » George Kuchel, de l’Université du Connecticut, s’est dit « très surpris » que le Québec n’utilise pas le Fluzone. « Ici, c’est le standard », dit le DKuchel. En Ontario, le Fluzone est fourni à quiconque le désire et a plus de 65 ans, note la chercheuse Janet McElhaney, de Health Science North, à Sudbury. La Dre Guay relève que le Québec a souvent raison dans ses choix de vaccination. « Un bon exemple est la vaccination contre le pneumocoque des enfants, on a utilisé trois doses dès le début, plutôt que quatre, et avec l’argent économisé. On a pu commencer la vaccination contre la varicelle, dit la Dre Guay. Maintenant, tout le monde est descendu à trois. »

Effets secondaires

Les rougeurs plus importantes des vaccins à forte dose comme le Fluzone ont suscité dans certains milieux des inquiétudes sur la vaccination pour les personnes âgées. « Mais en réalité, il y a moins de réactions secondaires chez les personnes âgées, parce que leur système immunitaire est moins fort », dit la Dre Weinberger, d’Innsbruck. « L’impression d’effets secondaires plus grands est uniquement liée à la dose plus forte, et on parle de rougeurs et de douleurs au bras », dit le DKuchel.

Exclus des essais cliniques

À la mi-septembre, une étude publiée par la revue JAMA Internal Medicine a déploré qu’aucun des essais cliniques de vaccins contre la COVID-19 n’avait de personnes âgées parmi ses participants. Selon la Dre Weinberger, cela est normal pour les essais cliniques de phase 1, quand on détermine si le vaccin est sécuritaire. « On va prendre des gens en très bonne santé pour minimiser les risques. Pour les études d’efficacité, si on commence à prendre plusieurs catégories d’âge, il faudra augmenter de manière significative le nombre de cobayes. On pourrait peut-être essayer d’avoir plus d’animaux de laboratoire âgés dans les essais précliniques, mais la biologie des humains est tellement différente que je ne suis pas sûre que ça vaut le coup. »

L’inflammation liée à l’âge

Une autre conséquence du vieillissement qui est souvent citée dans les travaux sur la vaccination des personnes âgées est l’inflammation liée à l’âge, ou inflammaging, une augmentation de la quantité de molécules inflammatoires chez toutes les personnes âgées. Comme l’inflammation est impliquée dans la réponse immunitaire, plusieurs chercheurs pensent que l’inflammaging joue un rôle dans l’affaiblissement du système immunitaire et dans l’efficacité plus faible des vaccins. La question fait toutefois débat. Les recherches sont compliquées par le fait que l’inflammaging n’est pas proportionnel à l’âge chronologique, mais à l’âge biologique – le vieillissement des cellules du corps – et qu’on n’a pas pour le moment de mesure acceptée de l’âge biologique.

COVID-19 et grippe en chiffres

16 % des décès liés à la grippe surviennent chez les 50 à 65 ans

16 % des décès liés à la COVID-19 surviennent chez les 50 à 65 ans

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73 % des décès liés à la grippe surviennent chez les plus de 65 ans

78 % des décès liés à la COVID-19 surviennent chez les plus de 65 ans

SOURCE : CDC