La semaine dernière, les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) du gouvernement américain ont admis formellement que le SARS-CoV-2, coronavirus causant la COVID-19, pouvait parfois se transmettre par voie aérienne. Le même jour, des spécialistes de la question ont publié dans la revue Science un appel à augmenter le seuil généralement admis de la taille des gouttelettes respiratoires pouvant former des aérosols.

« Les CDC pensent que la majorité de la transmission de la COVID-19 ne se fait pas de manière aérienne », explique Donald Milton, spécialiste des aérosols à l’Université du Maryland, l’un des auteurs du commentaire publié dans Science. « Nous pensons que même à courte distance, en deçà de deux mètres, la transmission est aérienne, en aérosols, et non sous forme de gouttelettes projetées. Il y a moins de concentration de virus dans les aérosols au-delà de deux mètres, mais il faut voir la transmission aérienne comme un continuum. »

Pourquoi cela est-il important ? « Parce qu’il y a plus de virus dans une particule aérosolisée que dans une gouttelette projetée », dit M. Milton.

L’aérosol est formé par l’éclatement d’une bulle, ce qui concentre la matière physique, y compris le virus. Donc, paradoxalement, il y a plus de virus dans une petite particule aérosolisée que dans un postillon qui ne voyage pas dans les airs.

Donald Milton, spécialiste des aérosols à l’Université du Maryland

Les auteurs du commentaire de Science affirment que les particules respiratoires peuvent être aérosolisées jusqu’à 100 micromètres, alors que les normes actuelles considèrent que cette limite est de 5 micromètres.

« Les normes actuelles datent des années 30 et ne tiennent pas compte des avancées de notre compréhension des aérosols, à partir des travaux industriels dans les facultés de génie, dit M. Milton. Il y a eu cet été une rencontre organisée par les Académies nationales des sciences des États-Unis, qui a réuni les experts des aérosols de tous les domaines, qui a permis d’uniformiser les connaissances. »

Ventilation dans les lieux clos

Faut-il donc s’inquiéter ? « Je dirais qu’il va falloir commencer à penser davantage à la ventilation et au type d’activités qui a lieu dans un lieu clos », explique la coauteure Melissa McDiarmid, spécialiste de la santé du travail à l’Université du Maryland.

« Les CDC, dans leurs lignes directrices de lundi [5 octobre], ont repris la recommandation qu’ils faisaient en février à propos de la transmission par voie aérienne, poursuit-elle. Cette recommandation avait été abandonnée en mars à la demande des hôpitaux parce qu’il manquait de masques N95 pour les soignants. Alors on a adhéré au mythe qu’il n’y avait pas de transmission aérienne. Il va falloir penser à protéger les soignants avec des N95 ou des masques équivalents dans d’autres situations que les procédures générant des aérosols, comme une intubation. Je ne dis pas qu’il faudra des N95 partout dans un hôpital, mais certainement dans la chambre d’un patient atteint de la COVID-19. »

Et ailleurs ? « Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de risques au-delà de deux mètres dans un lieu bien ventilé, dit M. Milton. Mais si vous allez par exemple dans un cours de yoga bikram et qu’il y a de la buée sur les fenêtres, ça veut dire qu’il y a un problème de ventilation et qu’il y a beaucoup de transmission aérienne. Le masque ordinaire protège, mais tout est une question de concentration. La bonne nouvelle, c’est que c’est un virus qui semble avoir besoin d’une concentration élevée pour infecter, et qu’il est peu transmis par le contact avec des surfaces infectées, par les fomites. »

M. Milton va-t-il lui-même dans les commerces ? « Nous faisons livrer la plupart de ce dont nous avons besoin. Quand je vais dans un commerce, je mets un masque et me désinfecte les mains à l’entrée et à la sortie, et je passe une lingette sur le panier. »

Lave-t-il son épicerie ? « Non, dit M. Milton. Il y a peu de transmission par contact, par fomites. »

Pourquoi alors passe-t-il une lingette sur son panier d’épicerie ? « C’est probablement une exagération, dit M. Milton. J’imagine que ça me fait sentir bien, en contrôle. »