(Washington) Quatre mois après le début de l’épidémie de COVID-19, le gouvernement américain a créé l’espoir mercredi en rapportant qu’un médicament naguère développé contre Ebola, le remdesivir, semblait avoir prise sur le nouveau coronavirus, et avait accéléré de plusieurs jours le rétablissement des cas les plus graves dans un grand essai clinique.

C’est à ce jour la percée thérapeutique la plus notable contre le coronavirus, même si des experts préviennent que les résultats entiers n’ont pas encore été publiés. Si de multiples traitements sont testés dans les hôpitaux du monde entier, aucun n’a encore prouvé son efficacité dans un essai aussi grand et aussi rigoureux, avec placebo. Aucun vaccin n’existera avant la fin 2020 au plus tôt.  

Les Instituts de santé américains (NIH) ont annoncé que le médicament expérimental remdesivir du laboratoire américain Gilead avait aidé des malades hospitalisés à se rétablir 31 % plus vite, selon les résultats préliminaires d’un essai clinique contre placebo incluant un millier de patients, aux États-Unis et ailleurs.

« Les données montrent que le remdesivir a un effet clair, significatif et positif pour réduire le temps de rétablissement » des malades, a déclaré Anthony Fauci, directeur de l’Institut des maladies infectieuses qui a dirigé l’essai, dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche.

« C’est une preuve de concept très importante, car cela prouve que nous pouvons bloquer le virus », a dit le haut responsable scientifique, prudemment optimiste, mais qui affirme que le mode d’action du remdesivir sur le virus ouvre une piste thérapeutique cruciale appelée à devenir un standard de traitement.

Le président Donald Trump a dans la foulée demandé à l’Agence américaine du médicament (FDA) d’accorder « rapidement » une autorisation d’utilisation en urgence pour les hôpitaux, hors d’essais cliniques.

Le patron de Gilead Sciences, Daniel O’Day, a annoncé que le laboratoire disposait actuellement de 1,5 million de doses qui seraient données, pour traiter au moins 140 000 patients. Gilead vendra ensuite le remdesivir à un prix « abordable », a-t-il dit au site Stat.

Vétéran de la lutte contre le sida, Anthony Fauci, 79 ans, a fait le parallèle avec les premiers résultats « modestes » en 1986 de l’AZT, une molécule qui ouvrit la voie aux formidables traitements actuels contre le VIH.

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Anthony Fauci

Comparés aux malades ayant reçu un placebo, les patients traités avec le remdesivir, un médicament jamais approuvé contre aucune maladie, se sont rétablis en 11 jours (durée médiane) au lieu de 15 jours, a détaillé un communiqué des NIH, évoquant une fiabilité statistique très élevée.

En revanche, les résultats préliminaires ne montrent pas si le médicament permet de sauver des vies. La mortalité du groupe de patients traités par remdesivir était de 8 %, contre 11,6 % dans le groupe témoin ; une différence trop faible pour exclure que ce soit le fruit du hasard.

L’essai a inclus 1063 patients hospitalisés avec une forme avancée du Covid et des problèmes pulmonaires, sur 47 sites aux États-Unis et 21 autres en Europe et en Asie. Le traitement, par injection intraveineuse, durait 10 jours.

« Quand il y a des preuves nettes qu’un médicament fonctionne, nous avons une obligation éthique d’informer immédiatement les membres du groupe placebo », a ajouté Anthony Fauci.

Autres résultats attendus

Un essai clinique mondial distinct, sans placebo, mené par Gilead montre, selon la société mercredi, qu’un traitement de cinq jours est aussi efficace que 10 jours, ce qui permettrait de traiter plus de patients avec un stock donné, et de réduire le temps d’hospitalisation.  

De multiples essais sont en cours dans le monde pour tester le remdesivir, d’autres antiviraux ou encore l’hydroxychloroquine, un médicament contre le paludisme que beaucoup d’hôpitaux expérimentent sans attendre, notamment le professeur français Didier Raoult en conjonction avec un antibiotique.

Les résultats du grand essai Discovery sur 3200 patients européens sont particulièrement attendus.

En attendant, l’hydroxychloroquine est contestée. Les autorités sanitaires américaines ont formellement déconseillé son utilisation hors hôpital il y a quelques jours en raison des risques pour le cœur.

L’annonce de Washington relativise l’importance de résultats non concluants d’une petite étude sur le remdesivir (237 patients), menée dans dix hôpitaux de Wuhan en Chine et publiée mercredi par la revue médicale The Lancet.

Dans l’essai chinois, les malades traités avec le remdesivir n’ont pas fait mieux que ceux traités par placebo. Mais la taille de l’essai, interrompu faute de malades car l’épidémie s’est arrêtée à Wuhan,  limite l’interprétation des résultats.

Le remdesivir s’insère dans le matériel génétique du coronavirus et le court-circuite pour l’empêcher de se répliquer.

Les NIH doivent désormais faire publier leurs résultats entiers après évaluation par une revue scientifique. Stephen Evans, de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, souligne que l’on ignore, sur la base des annonces de mercredi, si des effets indésirables ont été observés.