L’an dernier, de 18 000 à 46 000 Américains sont morts de la grippe. Cela signifie-t-il que le COVID-19, responsable de quelque 3300 décès, n’est pas dangereux ? Pas nécessairement : les estimations pour la grippe sont basées sur de multiples extrapolations.

Ventes de médicaments et fréquentation des hôpitaux

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

« On sait que ce n’est pas tout le monde qui a la grippe qui va à l’hôpital », indique Maryse Guay, spécialiste de la question à l’Université de Sherbrooke et au Centre de recherche de l’hôpital Charles-Le Moyne. « Mais avec un bon programme de surveillance, il y a moyen de capter toutes les manifestations de la grippe. On peut regarder les visites en clinique ou à l’hôpital, les éclosions d’absentéisme, dans certains pays même les achats de médicaments en vente libre, comme l’acétaminophène ou le sirop. Après, on compare avec les évaluations à plus long terme des études sérologiques, les anticorps que les gens ont dans le sang. Cela dit, ça donne des tendances. Pour la grippe espagnole, par exemple, on parle de 20 à 40 millions de morts, du simple au double. Même si les moyens de surveillance étaient différents, ça montre qu’il est difficile de lier un décès à la grippe. » Et au Québec ? Divise-t-on le chiffre américain par 40, pour refléter les rapports de population ? « Des fois on fait ça, on regarde les chiffres américains ou canadiens et on divise. Mais à l’INSPQ [Institut national de santé publique du Québec], Rodica Gilca fait de bonnes études de surveillance en milieu hospitalier. »

De 32 à 45 millions
Nombre de cas de grippe saisonnière prévus en 2019-2020 aux États-Unis

De 14 à 21 millions
Nombre de visites médicales liées à la grippe saisonnière prévues en 2019-2020 aux États-Unis

De 310 000 à 560 000
Nombre d’hospitalisations liées à la grippe saisonnière prévues en 2019-2020 aux États-Unis

De 18 000 à 46 000
Nombre de morts liées à la grippe saisonnière prévues en 2019-2020 aux États-Unis

190 000
Nombre de diagnostics de grippe saisonnière aux États-Unis au 22 février 2020

11 185
Nombre de diagnostics de grippe saisonnière au Québec au 22 février 2020

Sources : Centers for Disease Control and Prevention, Institut national de santé publique du Québec

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

En 2009, en pleine pandémie de H1N1, des Québécois font la queue devant le Stade olympique pour recevoir un vaccin.

Plus ou moins grave ?

« Il fallait répondre comme on l’a fait, explique la Dre Guay. Au départ, et encore maintenant, on n’est pas sûrs du taux de mortalité. Si on prend la pandémie de 2009, au début, on se demandait si ça allait être aussi grave que la grippe espagnole avec ses dizaines de millions de morts. Finalement, c’était moins grave qu’on pensait, mais pour une société, ne pas travailler pendant deux ou trois semaines, c’est quand même lourd. » Christl Donnelly, épidémiologiste à l’Université d’Oxford et au Collège impérial de Londres, estime que même avec un taux de mortalité de 1 %, le COVID-19 serait plus inquiétant que la grippe saisonnière. « Ce serait beaucoup plus haut que la grippe, et il n’y a pas d’immunité dans la population contre le COVID-19, alors il faut garder les mesures de santé publique actuelles », dit la Dre Donnelly, qui a publié des estimations sur le COVID-19.

50 %
Taux de mortalité de l’Ebola

35 %
Taux de mortalité du coronavirus du Moyen-Orient (MERS)

15 %
Taux de mortalité de la variole

10 %
Taux de mortalité du SRAS

2 % à 3 %
Taux de mortalité de la grippe espagnole (1918-1919)

1 % à 2 %
Taux de mortalité du COVID-19

0,4 %
Taux de mortalité de la grippe saisonnière

0,1 %
Taux de mortalité de la varicelle

Sources : Organisation mondiale de la santé, RCBI

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Un employé municipal disperse du désinfectant dans les rues de Téhéran, capitale de l’Iran.

Les trous des systèmes de santé

Le calcul du péril d’une infection respiratoire est compliqué par les disparités entre les systèmes de santé. « Les moyens de surveillance peuvent varier d’un pays à l’autre, dit la Dre Guay. En Corée, en Chine et en Iran, le nombre de cas qui ne se sont pas présentés à la clinique ou à l’hôpital, ou n’ont pas été détectés, n’est sûrement pas le même. »

PHOTO ISABEL INFANTES, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une affiche dirige les patients qui croient présenter des symptômes similaires à ceux du nouveau coronavirus vers une salle de consultation temporaire au St Thomas’ Hospital, à Londres.

Le taux d’infectiosité

Depuis le début de l’épidémie de COVID-19, les chercheurs veulent savoir quel est le « taux de reproduction de base », aussi appelé R0 (R zéro), du virus. Il s’agit du nombre de personnes que va infecter une personne infectée. Le R0 du COVID-19 semble légèrement plus élevé que celui de la grippe saisonnière, mais en janvier, une estimation du Collège impérial de Londres qui évoquait un R0 de 3,5 a suscité beaucoup d’inquiétude. « On est toujours en présence d’un R0 maximal de 3,5, dit la Dre Donnelly. Mais il faut préciser que c’est l’infectiosité en l’absence de mesures de santé publique comme la quarantaine. »

De 2 à 2,5
personnes sont infectées par chaque personne infectée par l’Ebola

De 1,5 à 3,5
personnes sont infectées par chaque personne infectée par le COVID-19

De 1 à 2,5
personnes sont infectées par chaque personne infectée par la grippe saisonnière

De 2,5 à 5
personnes sont infectées par chaque personne infectée par le SRAS

De 0,5 à 1
personne est infectée par chaque personne infectée par le coronavirus du Moyen-Orient (MERS)

De 5 à 7,5
personnes sont infectées par chaque personne infectée par la variole

De 10 à 12
personnes sont infectées par chaque personne infectée par la varicelle

Sources : Organisation mondiale de la santé, RCBI

PHOTO MIGUEL MEDINA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une patiente sort d’une tente de prétriage devant l’hôpital de Cremona, dans le nord de l’Italie. 

Le problème des cas asymptomatiques

Le retard dans l’identification de la vague de COVID-19 en Italie signifie-t-il qu’il y a plus de cas asymptomatiques que prévu ? « Un nombre substantiel de cas sont passés inaperçus au départ en Italie, répond diplomatiquement la Dre Donnelly. Un nombre élevé de cas asymptomatiques a deux effets : c’est une bonne nouvelle si vous avez la maladie avec un diagnostic avant d’avoir des symptômes, mais ça veut dire que les patients infectés peuvent transmettre la maladie incognito. Ça peut même être très mauvais. »