(Vancouver) Le risque de pandémie mondiale a placé les scientifiques du Canada au premier plan de la réponse mondiale à l’éclosion du nouveau coronavirus, selon plusieurs chercheurs éminents.

Le Dr Srinivas Murthy a fait partie des experts qui se sont réunis au siège de l’Organisation mondiale de la santé à Genève, en Suisse, le mois dernier pour discuter des moyens de lutter contre le virus.

L’arrivée de virus susceptibles de devenir des pandémies deviendra « notre nouvelle réalité », croit M. Murthy, professeur au département de pédiatrie de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et spécialiste des maladies infectieuses à l’hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique.

« Nous devons juste commencer à nous habituer à cela d’une certaine manière (et) être également en mesure de répondre de façon agressive et efficace. »

M. Murthy est coprésident du comité de recherche clinique de l’OMS pour le nouveau virus, qui cherche à établir de meilleures descriptions du COVID-19, y compris ses causes, ainsi qu’à déterminer qui tombe malade et pourquoi certaines personnes deviennent plus malades.

Le comité étudie également comment aider les gens à se rétablir après avoir contracté le virus et comment déterminer si un patient s’est rétabli.

« Je pense que si vous étiez un parieur, vous diriez qu’il y a un risque élevé que cela continue de se propager dans diverses parties du monde », a indiqué M. Murthy, ajoutant qu’il est spéculatif de dire exactement comment cela pourrait progresser.

La bonne nouvelle, a-t-il déclaré, est que la collaboration mondiale a été accélérée comme jamais auparavant, et les experts ont beaucoup appris depuis l’éclosion du syndrome respiratoire aigu sévère, ou SRAS, en 2002.

Le Canada a joué un rôle central dans la description du SRAS, en grande partie parce que l’Ontario a été durement touché par le virus, a souligné M. Murthy, mais à l’époque, les recherches qui auraient aidé à réagir à l’épidémie étaient minimes. Après le SRAS, les chercheurs ont reconnu que les coronavirus pourraient être un problème à l’avenir, a ajouté le chercheur.

« Nous avons beaucoup appris au cours des 17 dernières années. »

Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) — un organisme de financement de la recherche en santé au pays — ont été « essentiels » pour aider à coordonner la réponse mondiale au nouveau coronavirus en ce qui a trait aux priorités de recherche, comme le développement d’un vaccin préventif et de traitements thérapeutiques, a-t-il noté.

Charu Kaushic, directrice scientifique de la division de l’infection et de l’immunité des Instituts, a déclaré que les IRSC ont été en mesure de mettre en place une « réponse rapide » au COVID-19, rendant 6,75 millions disponibles pour la recherche sur le nouveau virus, un chiffre qui, selon elle, augmentera considérablement lorsque le montant total sera annoncé dans les prochains jours.

Mme Kaushic est d’accord avec les propos de M. Murthy voulant que le SRAS ait été un catalyseur de changement au Canada.

« Depuis, nous avons appris tant de leçons », a déclaré Mme Kaushic, qui enseigne également au département de pathologie et de médecine moléculaire de l’Université McMaster, à Hamilton. « Nous sommes bien mieux préparés, tant du point de vue de la santé publique que du point de vue de la recherche. »

PHOTO FOURNIE PAR L'UNIVERSITÉ DE COLOMBIE-BRITANNIQUE

Le Dr Joseph Penninger

Le Dr Josef Penninger, qui a travaillé à l’hôpital Princess Margaret de Toronto pendant l’épidémie de SRAS, s’est dit « totalement étonné » de la vitesse à laquelle les scientifiques et certaines sociétés de biotechnologie ont réagi au COVID-19.

M. Penninger, directeur de l’Institut des sciences de la vie de l’UBC et titulaire de la chaire Canada 150 en génétique fonctionnelle, a aidé à trouver la voie par laquelle le SRAS est entré dans les cellules humaines et a commencé à se répliquer — la protéine ACE2 — qui a conduit au développement d’un médicament qui pourrait maintenant aider à traiter le COVID-19.

« Il s’avère que le nouveau coronavirus utilise exactement le même mécanisme », pour entrer dans les cellules, a-t-il déclaré, ajoutant que le médicament, APN01, avait déjà été testé sur l’homme.

« Nous avons de nombreuses données chez l’homme montrant déjà que cette protéine que nous avons fabriquée est un traitement. Elle fait exactement ce que nous supposions qu’elle devrait faire. »

Mais l’APN01 doit encore être testé dans des essais cliniques soigneusement contrôlés avant d’être approuvé, a-t-il précisé.

M. Penninger fait partie d’une équipe internationale travaillant avec la société de biotechnologie autrichienne Apeiron Biologics, qu’il a cofondée, pour mener un essai clinique pilote en Chine impliquant 24 patients gravement atteints du COVID-19.

Le médicament est arrivé en Chine, a-t-il dit, et l’essai pourrait commencer d’une journée à l’autre. La moitié des patients recevront le médicament et l’autre moitié recevra un placebo, et les résultats seront analysés par un panel international d’experts, a déclaré M. Penninger, qui espère que le médicament passera rapidement à des essais plus vastes et définitifs.

Mais plusieurs traitements préventifs et thérapeutiques seront nécessaires pour le virus, qui pourrait être là pour pour de bon, a-t-il déclaré.

« J’espère que ce ne sera pas le cas, mais des épidémiologistes prédisent que ce virus restera avec nous et se déplacera à travers le monde comme la grippe à l’avenir », a-t-il ajouté.