La chasse aux extraterrestres vit un âge d’or, ont témoigné trois astrophysiciens au congrès de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS) à Seattle. Les télescopes sont de plus en plus puissants et trouvent sans cesse de nouvelles exoplanètes habitables de taille similaire à celle de la Terre. Les spécialistes de la question ne sont plus considérés comme des hurluberlus.

Les technosignatures

« La question de la vie extraterrestre a changé radicalement depuis quelques années », expliquait dans une conférence de presse du congrès de l’AAAS Andrew Siemion, astrophysicien à l’Université Berkeley. « On n’utilise plus le mot “si”, mais “quand”. Le télescope spatial Kepler a montré qu’il y avait des exoplanètes autour de la plupart des étoiles de notre galaxie, et que des milliards d’entre elles étaient habitables. Il nous faut maintenant déterminer ce qui constituera une preuve de vie extraterrestre. J’estime que les technosignatures sont les éléments de preuve les plus prometteurs de vie intelligente. Il s’agit des émissions radio d’une civilisation avancée, ou d’autres signes que nous pouvons observer depuis la Terre. Elles ont comme avantage de se propager extrêmement loin. Nos propres émetteurs les plus puissants ont déjà atteint des dizaines de milliers d’exoplanètes dans la Voie lactée. Certaines sont habitables. » M. Siemion dirige un projet international de détection des technosignatures appelé Breakthrough Listen, qui observera des étoiles situées dans la « zone de transit » de la Terre. « Ce sont des étoiles qui peuvent voir passer la Terre devant notre Soleil, ce qui est l’une des manières de détecter les exoplanètes. »

IMAGE FOURNIE PAR LE SETI INSTITUTE

Le télescope spatial Kepler a montré qu’il y avait des exoplanètes autour de la plupart des étoiles de notre galaxie, et que des milliards d’entre elles étaient habitables. Sur cette vue d’artiste, l’exoplanète Kepler-186 f.

Les biosignatures

La recherche de biosignatures de la vie extraterrestre a aussi évolué, a indiqué à la conférence de presse Victoria Meadows, astronome à l’Université de l’État de Washington. « Nous faisons beaucoup de travaux sur la détection des faux positifs, dit Mme Meadows. Si on détecte de l’oxygène, par exemple, cela pourrait être à cause d’un processus qui n’a rien à voir avec la vie. Nous sommes sur le point de pouvoir étudier l’atmosphère des exoplanètes habitables de taille comparable à celle de la Terre avec le télescope spatial James Webb, en 2021, et le Télescope extrêmement grand (ELT) au Chili, en 2025. Nos travaux ont montré que le James Webb pourrait distinguer l’oxygène provenant de la photosynthèse de l’oxygène résultant de l’évaporation complète des océans d’une planète. Nous commençons aussi à pouvoir étudier l’impact sur l’atmosphère des microbes, ce qui nous donne d’autres pistes. »

Probabilité multipliée par mille

Un journaliste britannique a demandé aux participants à la conférence de presse quelle était la probabilité de détecter de la vie extraterrestre intelligente d’ici dix ans, précisant qu’il avait lui-même avancé un chiffre de 20 % dans un article sur le début de la nouvelle décennie en janvier, chiffre que ses lecteurs avaient trouvé trop élevé. « Je dirais qu’on a une probabilité de détection mille fois plus grande que dans les années 2010, a dit M. Siemion. Les instruments et notre compréhension sont mille fois meilleurs. » Jill Tarter, directrice émérite du programme de recherche de vie extraterrestre SETI, n’a pas voulu répondre, ni Mme Meadows. « Je pense que donner des chiffres du genre nuit à l’astrobiologie parce que le public se demande d’où on les tire », a dit Mme Tarter, qui a présenté trois nouveaux programmes d’écoute optique de SETI. « C’est plus près de la religion que de la science. » Mme Meadows a précisé que le nombre de jeunes professionnels s’intéressant à la question n’avait jamais été aussi important. Et M. Seimion a cité le financement privé qu’a obtenu en 2015 le programme d’écoute de signaux extraterrestres Breakthrough Listen, 100 millions US pour une décennie. « Dans le film Contact en 1997, le personnage de Jodie Foster se faisait dire que chercher des petits hommes verts ne faisait pas sérieux pour un astrophysicien, a dit Mme Tarder. Ce n’est plus le cas. »

Envoyer un signal

L’humanité devrait-elle envoyer des signaux aux extraterrestres plutôt que de seulement écouter ? En 1974, un message avait été envoyé depuis le télescope d’Arecibo à Porto Rico, et en 1999 et 2003, une dizaine d’autres messages inspirés de celui d’Arecibo avaient aussi été envoyés. Des critiques s’étaient alors inquiétés de la possibilité que des extraterrestres belliqueux recevant ce message ne nous envahissent. « Indépendamment du débat sur la question, je pense que ça n’augmente pas beaucoup la probabilité de notre détection par une civilisation extraterrestre, par rapport à la bulle grandissante de nos signaux radio et de télévision depuis un siècle, a dit M. Siemion. En revanche, il est très intéressant sur le plan philosophique de réfléchir à ce que devrait contenir un tel signal. »

Terraformer la Terre

La science-fiction a souvent imaginé la transformation de planètes inhospitalières en havres pour l’humanité. Mars a notamment été l’objet de plusieurs scénarios de « terraformation », certains par des chercheurs patentés. Dimanche au congrès de l’AAAS, un historien des sciences du Maine va faire valoir que le côté hypothétique de ces histoires de terraformation devrait être rappelé lors des discussions sur la géoingénierie du climat advenant un réchauffement catastrophique de la planète. « On dit souvent qu’on pourrait contrôler le climat en répandant de la suie comme le font les volcans en éruption », explique Jim Fleming du collège Colby dans le Maine. « Mais on oublie que nous ne sommes même pas capables de mesurer ce qui se produit réellement lors d’une éruption majeure. Il faut que les ingénieurs se souviennent qu’il s’agit d’avenues aussi incertaines que la terraformation de la science-fiction. » La suie des volcans refroidit le climat terrestre.

De 100 à 400 milliards

Nombre d’étoiles dans la Voie lactée
20 % de ces étoiles sont comparables à notre Soleil

De 8,8 à 11 milliards

Nombre d’exoplanètes comparables à la Terre dans la Voie lactée, selon une extrapolation basée sur les observations du télescope spatial Kepler

Source : Proceedings of the National Academy of Sciences

Les nouvelles du jour au congrès

La dépression des proches aidants

Les personnes qui prennent soin d’un parent malade ont 2,89 fois plus de risques de dépression que la population générale, selon une étude américaine dévoilée au congrès de l’AAAS à Seattle. Détail intéressant, les psychologues de l’Université de Floride du Sud, qui ont suivi 300 personnes pendant 15 ans, constatent que ces risques ne changent pas selon le sexe ou l’origine ethnique.

Le lait et le bébé

Le stress social d’une mère se reflète dans le niveau de cortisol, une hormone de stress, du lait maternel. Et les taux élevés de cortisol ralentissent le développement neurocognitif du bébé. Telle est la conclusion, dévoilée à Seattle, de chercheurs du Centre d’étude de l’enfant de l’Université Yale, qui ont étudié des bébés macaques.

Un cadeau du charbon

Les anciennes mines de charbon libèrent suffisamment de méthane pour alimenter une centrale d’électricité, selon un chercheur de la Commission géologique américaine. Dans une communication écrite (poster), il explique que la construction d’une centrale serait rentable avec une taxe de 5 $ par tonne de carbone, moins que le taux en vigueur au Canada, et un prix de 0,10 $ US par kilowattheure, plus qu’au Québec, mais moins que la moyenne américaine.