(Paris) Développer un vaccin contre un nouveau virus est un processus long et incertain, mais qui peut générer une manne financière pour les entreprises pharmaceutiques si l’épidémie perdure.  

Plus de 40 millions d’habitants sont confinés en Chine pour tenter d’enrayer l’épidémie. Le virus qui a provoqué la mort de 41 personnes depuis son apparition fin décembre n’a pour l’heure pas de vaccin. De là à aviver les appétits des groupes pharmaceutiques ? L’industrie commence en tout cas à se pencher au chevet de ce 2019-nCoV, un nouveau coronavirus.  

Pour Stéphane Billon, économiste de la santé et fondateur du cabinet de conseil Kamedis, cela représente un enjeu économique majeur même s’il existe beaucoup d’incertitudes sur l’épidémiologie du virus, dit-il à l’AFP.  

« Sans doute n’utilisera-t-on jamais l’ensemble de ces produits, mais il faut être en capacité » de les fabriquer, souligne-t-il. Il rappelle le cas des vaccins contre la grippe H1N1 commandés en 2009-2010 par le gouvernement français auprès de trois laboratoires, dont le français Sanofi-Pasteur.  La Cour des comptes avait ensuite chiffré à plus de 380 millions d’euros le coût des vaccins pour le gouvernement, des traitements non utilisés pour une bonne part finalement.

« Les laboratoires vont se lancer là-dedans s’ils sentent qu’il y a une rentabilité potentielle » renchérit Nathalie Coutinet, économiste de la santé.

Au premier plan de la recherche, on trouve les biotechs, plus prompte à s’orienter vers de nouvelles recherches que les grands laboratoires.  

« Compte tenu de leur agilité, elles ont la possibilité de faire le diagnostic et de développer des outils thérapeutiques. Le domaine de la biotech est le domaine qui peut répondre le plus rapidement possible. Après, la transformation industrielle peut passer par des laboratoires pharmaceutiques ou de gros industriels », explique Franck Mouthon, le président de l’association France Biotech.

D’ailleurs, trois biotechs ont été choisies pour des partenariats sur ce nouveau virus par la CEPI, un organisme chargé du développement de vaccins.

Dans la foulée, les biotechs américaines Moderna et Inovio, toutes deux sélectionnées pour des partenariats, ont engrangé de solides progressions à la Bourse de New York. Le laboratoire Novavax, qui a annoncé avoir lancé « le développement d’un vaccin » contre le nouveau coronavirus, a lui aussi vu action bondir à Wall Street.

« Illusoire »

Pourtant, la route est longue et incertaine, relativisent des chercheurs contactés par l’AFP.  

« C’est illusoire de penser qu’il y aura un vaccin pour cette épidémie, mais l’épidémie actuelle peut être l’occasion de faire des avancées majeures sur le vaccin », note le professeur Yazdan Yazdanpanah, chef du service maladies infectieuses à l’hôpital Bichat, directeur de l’institut d’infectiologie à l’Inserm et expert auprès de l’OMS.

« Dans le cas du 2019-nCoV, c’est probablement trop précoce de dire la nécessité d’un vaccin : on n’est pas en mesure de dire à quel point cette épidémie va être importante », juge pour sa part le professeur Christophe D’Enfert, directeur scientifique de l’Institut Pasteur.  

« Ce qui manque aujourd’hui, c’est une information sur le réservoir animal : la connaissance du réservoir animal, de l’efficacité de propagation de l’épidémie, pourrait permettre de justifier ou non le développement d’un vaccin », poursuit-il.

« Sur le SRAS, il y avait eu pas de mal de vaccins démarrés, mais comme la crise s’est arrêtée, ils sont tous restés dans les placards et c’est un scénario qu’on souhaite, d’une certaine façon. Se lancer sur un vaccin par rapport à une crise qui peut être ponctuelle, alors qu’on sait que le développement d’un vaccin ça peut être plusieurs années, c’est toujours quelque chose de très compliqué », rappelle lui aussi le professeur Arnaud Fontanet, directeur du département de Santé globale de l’Institut Pasteur.

« Il y a toujours un risque, dont le risque de chercher et de ne rien trouver. Même si les compagnies trouvent, est-ce que le marché est un marché potentiellement rentable ? Tout dépend de l’ampleur que va prendre cette épidémie », résume l’économiste Nathalie Coutinet.