Les vents partout sur la planète gagnent en intensité depuis une dizaine d’années. Le phénomène, encore mal compris, explique la moitié de l’augmentation de la production d’énergie éolienne. Les climatologues veulent maintenant comprendre combien de temps doit durer ce cycle et de quoi il dépend pour mieux prévoir la production éolienne à l’avenir.

Pression et température

Les vents naissent des différences de pression et de température dans l’atmosphère. « Les océans sont des vecteurs importants des différences de température », explique Timothy Searchinger, spécialiste des énergies renouvelables à l’Université de Princeton. M. Searchinger s’est penché de près sur la question dans une étude publiée début novembre dans la revue Nature Climate Change. « On ne soupçonnait pas que les océans avaient un impact interrégional sur les vents. »

Ralentissement et accélération

Les chercheurs avaient observé dans les années 80 un ralentissement des vents sur la planète, mais depuis 10 ans, leur vitesse a regagné en intensité. « Jusqu’à maintenant, on expliquait le ralentissement des vents dans les années 80 par de nouveaux obstacles aux vents, comme l’urbanisation et le verdissement de la planète. Nos collègues ont vu que la situation semblait s’inverser vers 2010. Nous le confirmons et montrons que c’est dû à des changements dans des cycles océaniques de transport de chaleur dans l’eau et l’atmosphère », indique Timothy Searchinger.

Changements climatiques

Comment ces cycles réagiront-ils aux changements climatiques, qui devraient en théorie augmenter la probabilité de phénomènes extrêmes ? « Très difficile de le prévoir, dit M. Searchinger. On ne sait même pas si on parle de cycles de 20, 30 ou 60 ans. Et ces cycles océaniques ont probablement des durées différentes. » Entre les années 1980 et 2010, la vitesse des vents a diminué en moyenne de 2,3 % par décennie, mais de 2010 à 2017, leur vitesse a augmenté de 7 %, selon l’étude. Cela mène à un potentiel mondial d’énergie éolienne 17 % plus élevé en 2017 qu’en 2010, et de 37 % en 2024 si la tendance se maintient. Zhenzhong Zeng, auteur principal de l’étude, précise que le lien entre la vitesse du vent sur les continents et les oscillations océaniques et atmosphériques est très fort et que le réchauffement sera plus prononcé à certains endroits de la planète. « Ces processus sont complexes », dit-il.

Les dimensions des turbines

La prochaine étape est de mieux comprendre la durée des cycles océaniques qui influencent la vitesse des vents. « Une turbine dure de 12 à 15 ans, indique M. Searchinger. Si on sait comment vont changer les vents dans une région donnée dans la prochaine décennie, on va pouvoir réduire ou augmenter la surface des hélices. À terme, on va pouvoir installer des turbines non pas en fonction de l’historique des mesures de vent, mais de notre compréhension des cycles décennaux des vents et des océans. » Une turbine mal optimisée peut fournir un rendement inférieur du quart, selon lui.

Variations régionales

L’augmentation de la vitesse des vents a été plus forte en Amérique du Nord et en Europe qu’en Asie, selon l’étude. La croissance du potentiel d’énergie éolienne de 2010 à 2017 a été de 22 % en Amérique du Nord et en Europe, deux fois plus qu’en Asie. « Il nous faudra mieux comprendre ces variations régionales », dit M. Searchinger. Le lien entre la force des vents et les oscillations océaniques est notamment plus fort en Amérique du Nord qu’ailleurs dans la planète. C’est d’ailleurs là qu’on avait tout d’abord établi un lien potentiel entre vents et océans. « Mais on pensait que c’était limité à une seule région, une portion d’un continent, par exemple », dit M. Searchinger.

Urbanisation et verdissement

Quelle est donc l’influence des facteurs auparavant tenus responsables du ralentissement des vents, soit l’urbanisation et la croissance de la végétation ? « Il y a sûrement un effet sur le plan local, mais ça semble restreint », explique Timothy Searchinger. L’urbanisation modifie la vitesse et la direction des vents en introduisant des aspérités où le vent peut perdre son énergie ; le même phénomène se passe avec l’augmentation de la quantité de feuilles sur les arbres. En 2016, une étude chinoise publiée dans la revue Nature Climate Change a calculé que la quantité de feuilles sur les arbres avait augmenté de 25 % à 50 % entre 1982 et 2009. Ces résultats, dérivés d’images satellites, étaient majoritairement attribuables à la hausse de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Le CO2 est utilisé par les arbres et les autres plantes dans le cadre de la photosynthèse.

Les cycles océaniques

Une vingtaine de cycles océaniques ont été étudiés par les auteurs de l’étude de Nature Climate Change. Ils ont identifié les six plus importants dans le cycle de force des vents.

– Oscillation de l’Atlantique Nord (NAO)
– Oscillation décennale du Pacifique (PDO)
–Index tropical de l’Atlantique Nord (TNA)
– Indice de l’Atlantique Est (EA)
–Indice scandinave (SCAND)
– Indice du Pacifique Nord (NP)