L’énergie éolienne aura bientôt le vent dans les voiles. Des chercheurs misent sur la force des vents en altitude afin de produire de l’énergie avec des cerfs-volants ou des drones. 

Le vent en altitude

Une flotte de drones de 50 mètres d’envergure, faisant des cercles d’un rayon de 120 mètres à 500 mètres d’altitude, envoyant au sol 5 mégawatts d’électricité. Tel est le projet de l’équipe de Mojtaba Kheiri, de la faculté de génie de l’Université Concordia. « Au sol, la vitesse du vent est de zéro, dit M. Kheiri. Il faut donc que le vent ralentisse progressivement quand il s’approche du sol. À partir de 100 mètres, on commence à avoir des vitesses beaucoup plus grandes, qui génèrent plus d’énergie éolienne. »

« Notre but est de mettre au point des outils de simulation, de contrôle et d’optimisation des systèmes d’énergie éolienne en altitude. Nos modèles vont tenir compte de l’aérodynamique des drones, de l’élasticité des ailes des drones ainsi que du fil qui les relie à la station de base. » Pour le moment, les plus gros prototypes sont de l’ordre de 100 kW. 

Loin de la coupe aux lèvres

PHOTO FOURNIE PAR MAKANI

L'éolienne volante de Makani sur sa plateforme en mer.

Daniel Rousse, spécialiste de l’énergie éolienne à l’École de technologie supérieure (ETS), estime qu’il faudra encore plusieurs années avant d’avoir un système commercial d’éoliennes volantes. « Edmond Becquerel a observé l’effet photovoltaïque au XIXe siècle, mais c’est seulement maintenant que les coûts des cellules photovoltaïques sont assez bas pour être concurrentiels, dit M. Rousse. Humphry Davy a inventé l’ampoule électrique en 1802, mais il a fallu attendre Thomas Edison pour que ça devienne viable. »

Drones et cerfs-volants

La plupart des firmes d’énergie éolienne en altitude utilisent des drones à ailes rigides plutôt que des cerfs-volants. « Il y a moins de fils, seulement celui qui relie à la station de base », explique Rolf Luchsinger, l’un des fondateurs de Twingtec, une firme suisse. « Les algorithmes de contrôle sont aussi plus simples. Et nous pouvons bénéficier des matériaux composites de l’industrie aéronautique. »

Turbulence

Avant d’être professeur à l’Université Concordia, Mojtaba Kheiri a travaillé pour New Leaf, une société d’énergie éolienne de la Colombie-Britannique. « On travaillait sur des turbines à axe vertical, sur des pales flexibles, dit M. Kheiri. À un certain point, on m’a mis sur l’aérodynamique des éoliennes volantes. J’ai réalisé que la plupart des modèles ne tenaient pas compte de la turbulence qui se crée derrière l’éolienne volante. Ça explique pourquoi il y a généralement une surestimation de 20 % de la capacité des systèmes. »

Pour éviter cette turbulence, un système combinant plusieurs éoliennes volantes doit les séparer par quatre ou cinq fois leur rayon de rotation. « Nous avons fait rouler le nouveau modèle sur des superordinateurs du réseau national. La prochaine étape est d’utiliser l’intelligence artificielle pour améliorer le modèle aérodynamique et encore mieux concevoir les éoliennes volantes. » M. Kheiri présentera ses résultats cet automne à une conférence internationale sur l’énergie éolienne en altitude à Glasgow.

Le retour de la voile

Depuis 20 ans, SkySails tente de ramener la voile dans la navigation commerciale. Face à la difficulté de s’implanter dans le marché des cargos géants, la firme allemande mise maintenant sur la génération d’électricité à 800 mètres d’altitude, avec ses parachutes modifiés. « Nous lançons le premier modèle l’an prochain », affirme Stephan Wrage, fondateur de SkySails. « Le coût d’un système de 200 kW sera de 1700 $ par kilowatt, soit la moitié des éoliennes fixes actuelles. » Les ailes rigides ne sont-elles pas mieux adaptées à l’énergie éolienne en altitude ? « Nous avons amélioré la durabilité des voiles, notamment pour les UV, et nous n’avons pas à faire décoller le système », répond M. Wrage. Selon lui, une aile rigide pèse trois fois plus.

PHOTO FOURNIE PAR SKYSAILS

Dans différents articles sur l’incapacité de SkySails à percer le marché des cargos, plusieurs spécialistes ont évoqué les nombreux bris. Mais M. Wrage pense que le problème est lié à la structure du transport maritime. « Les propriétaires de bateaux font payer le carburant aux clients, qui n’ont pas avantage à payer une grosse somme pour installer notre système alors qu’ils ne sont pas sûrs qu’ils utiliseront le même navire la prochaine fois. » L’économie de carburant est de 2 à 3 %.

Quelques approches

Makani

Financée par Google et Shell, l’américaine Makani amarre ses drones à des plateformes océaniques, par un câble de 500 m de long. Deux tests ont eu lieu au large de la Norvège en août, se terminant par l’écrasement du drone en mer du Nord. D’autres tests avaient eu lieu sur la terre ferme à Hawaii.

PHOTO FOURNIE PAR AMPYX POWER

Le système d’Ampyx Power

Ampyx Power

Cette entreprise suisse entend percer le marché des résidences non desservies par un réseau électrique (off grid) d’ici cinq ans. Le drone est lié à une station électrique mobile, dans un conteneur. Un prototype de 1 kW a été testé avec succès l’an dernier, un second de 10 kW le sera cet automne, et l’objectif est un système de 100 kW.

PHOTO FOURNIE PAR TWINGTEC

Le système de Twingtec

Twingtec

Lancée par d’ex-professeurs du Massachusetts Institute of Technology, Altaeros mise sur des dirigeables en forme de cylindre, à 600 m d’altitude, ayant en leur centre une turbine. Le concept a été testé avec succès en 2013 en Alaska à 300 m d’altitude et, depuis, elle tente d’améliorer la rentabilité du système en ajoutant des répétiteurs de réseaux cellulaires et des systèmes de surveillance météo et vidéo.

PHOTO FOURNIE PAR ALTAEROS

La turbine volante d’Altaeros

Altaeros

Cette entreprise néerlandaise planche depuis 2007 sur un drone qui fait une trajectoire en huit entre 200 et 450 m d’altitude. Le câble le reliant à la centrale au sol serait tour à tour déployé puis rétracté par ressort, ce qui produit de l’électricité. Un test à partir d’une plateforme dédiée au large de l’Irlande est prévu pour 2024.

L’électricité de l’air

Cet été, à la réunion annuelle de l’Union de géodésie et de géophysique, qui avait lieu à Montréal, une autre manière de produire de l’électricité avec un cerf-volant a été proposée par un ingénieur israélien. « Quand l’humidité de l’air dépasse 50 % ou 60 %, la plupart des métaux deviennent chargés négativement ou positivement », explique Colin Price, de l’Université de Tel-Aviv. « Michael Faraday avait observé le phénomène il y a près de 200 ans après des électrocutions, dans des centrales à vapeur, d’ouvriers ayant touché des cuves qui étaient isolées du sol par une plateforme en bois. Une équipe brésilienne en 2010 a observé la même chose, mais pour eux, c’était un effet nuisible parce qu’il interférait avec leurs expériences sur l’électrostatique des gaz. Ça m’a intéressé et j’ai constaté que l’effet est 10 fois plus fort en présence de cristaux de glace, comme dans un nuage d’orage. En laboratoire, je suis arrivé à générer un volt, je vais voir si c’est possible de changer d’échelle pour arriver à un voltage suffisant pour des applications commerciales. Si tout fonctionne bien, on pourrait avoir un prototype d’ici quelques années. »

En chiffres

Capacité mondiale d’énergie éolienne

597 gigawatts Fin de 2018 

197 gigawatts Fin de 2010 

Capacité mondiale d’énergie éolienne installée durant l’année…

50 gigawatts … 2018 

53 gigawatts … 2017