Protéger les soldats des maladies transmises par les moustiques pendant leurs missions à l’étranger, voilà l’intention de l’Agence de recherche pour la défense (DARPA) des États-Unis. Grâce au programme ReVector, la DARPA veut modifier de façon temporaire les micro-organismes cutanés qui émettent une odeur attirant les moustiques.

Le moustique ennemi

Vecteurs de nombreuses maladies, les moustiques femelles peuvent transmettre le paludisme, la dengue et le chikungunya. Ces trois maladies tropicales provoquent de fortes fièvres, des douleurs articulaires et musculaires. Les moustiques mâles, eux, ne piquent pas. Les moustiquaires, les répulsifs et les médicaments s’avèrent d’une efficacité limitée et produisent parfois des effets secondaires. Par exemple, l’utilisation de la méfloquine, un des traitements préventifs utilisés contre le paludisme, est controversée. « Elle peut entraîner des événements psychotiques, des insomnies, de la dépression. Dans beaucoup de pays, elle n’est plus prescrite », explique Thomas Druetz, professeur de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Actuellement, il n’existe aucun vaccin pour enrayer la propagation de ces maladies. « Les vaccins qui sont au stade de développement montrent une efficacité moindre que celle qui est normalement requise pour qu’un vaccin soit homologué. La vaccination est une très bonne piste, mais ce ne sera sûrement pas suffisant pour éliminer complètement la maladie », commente Thomas Druetz.

PHOTO RICARDO MAZALAN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE 

Vecteurs de nombreuses maladies, les moustiques femelles peuvent transmettre le paludisme, la dengue et le chikungunya.

Ajouter, enlever, modifier

Grâce à leur centaine de récepteurs olfactifs, les moustiques perçoivent les odeurs produites par les micro-organismes cutanés. Agir sur ces derniers, les bactéries et les champignons, qui peuplent la peau humaine, semble donc la solution tout indiquée.

La DARPA a lancé un appel aux scientifiques pour des propositions afin d’étudier plusieurs pistes, comme l’ajout de micro-organismes, l’application d’agents antimicrobiens ou la synthèse de micro-organismes génétiquement modifiés.

Les défis ? Mettre au point un traitement réversible, facile à appliquer, nécessitant peu d’entretien, résistant aux douches et sans effets secondaires. Il faudra aussi éviter qu’il développe une résistance aux agents antimicrobiens. La synthèse de micro-organismes génétiquement modifiés est encore plus difficile, car elle implique des procédures complexes.

Une étape à la fois

Pour construire cet arsenal antimoustique, deux étapes sont nécessaires. La première consiste à déterminer les micro-organismes cutanés et les composés qui attirent les moustiques et à concevoir des méthodes qui les modifient. « Chaque espèce de moustique a une constitution propre et n’est pas attirée par les mêmes composés qu’une autre, explique le professeur. On sait que certaines odeurs sont plus répulsives que d’autres. » Pour accélérer la mise au point, la DARPA veut développer un algorithme pour déterminer quelle odeur, ou quelle combinaison d’odeurs, est plus ou moins de nature à attirer le moustique, et quels micro-organismes sont en cause. Ensuite, des tests en laboratoire, puis sur les humains doivent être effectués. Cependant, la diversité des types de peau et des micro-organismes risque de compliquer la conception du cocktail idéal du traitement.

Objectif 2023

La DARPA s’est fixé un objectif de quatre ans pour mettre au point le traitement, dont 18 mois pour les expérimentations in vitro, 18 mois pour les essais sur les animaux et 12 mois pour les tests chez l’humain.

Grâce au programme ReVector, des applications futures pour les populations civiles vulnérables au paludisme, à la dengue et au chikungunya peuvent aussi être envisagées.