Utiliser un GPS pour s’orienter est rapide et pratique, mais cela a un coût : le GPS « diminue nos capacités à apprendre à naviguer dans un nouvel environnement », explique Ian Ruginski, stagiaire postdoctoral au département d’anthropologie et de psychologie de l’Université de l’Utah et coauteur d’une nouvelle étude sur le sujet, publiée dans le Journal of Environmental Psychology. Entrevue.

Avez-vous été étonné de constater qu’utiliser le GPS entraîne à long terme une diminution de notre capacité à apprendre à naviguer dans de nouveaux environnements ?

Ça ne m’a pas beaucoup étonné, car diverses études ont montré que l’apprentissage de l’environnement et les compétences de navigation étaient malléables. Par exemple, une étude réalisée auprès des chauffeurs de taxi de Londres [qui doivent connaître par cœur les noms de plus de 25 000 rues, de même que les attractions qui s’y trouvent] a montré que la matière grise de leur hippocampe était plus grande que la moyenne. Depuis, des études ont suggéré que l’utilisation du GPS à court terme avait des effets négatifs sur les environnements d’apprentissage.

Dans le cadre de notre recherche, les utilisateurs utilisaient des appareils GPS en laboratoire et nous mesurions les indicateurs de distraction à l’aide d’outils comme des détecteurs de la vue. Nous nous sommes rendu compte qu’utiliser un GPS, c’est faire un compromis : les gens arrivent à destination plus rapidement, mais c’est aux dépens de l’apprentissage de l’emplacement des points de repère. Nous avons constaté qu’à long terme, les utilisateurs avaient du mal à apprendre de nouveaux environnements, y compris lorsqu’ils n’utilisaient pas le GPS pendant cet apprentissage.

PHOTO FOURNIE PAR IAN RUGINSKI

Ian Ruginski, stagiaire postdoctoral au département d’anthropologie et de psychologie de l’Université de l’Utah

Votre étude montre que les hommes ont en moyenne plus de facilité à s’orienter que les femmes.

Oui, les différences de sexe dans la navigation n’étaient pas au cœur de notre étude, mais nous avons senti le besoin de le reconnaître. On croit que les hommes montrent des performances de navigation supérieures à celles des femmes en moyenne et ce phénomène a été reproduit dans de nombreuses études.

Quelques points à noter, cependant. Premièrement, les hommes sont meilleurs en moyenne, mais certaines femmes sont meilleures que les hommes au cas par cas. Deuxièmement, les femmes montrent certains avantages sélectifs dans d’autres types de mémoire spatiale, comme la mémorisation de nombreux objets dans un seul tableau visuel. Des études ont émis l’hypothèse que les pressions de sélection évolutives exercées par la chasse (hommes majoritaires) et la cueillette (femmes majoritaires) ont façonné les différences entre les sexes dans ces compétences spatiales.

Est-il possible d’obtenir les avantages de l’utilisation du GPS sans en payer le prix sur le plan de capacité réduite à apprendre de nouveaux environnements ? Suggérez-vous d’utiliser le GPS avec plus de modération, par exemple ?

C’est difficile à dire à partir de cette étude, mais cela nous aide à situer nos travaux dans le contexte plus large de la recherche sur les GPS et l’apprentissage de l’environnement. Par exemple, des recherches effectuées par des collègues (Brugger, Richter et Fabrikant, 2019) ont révélé qu’un degré d’automatisation plus élevé dans un GPS entraînait une moins bonne mémorisation de son environnement, et des erreurs chez les gens qui tentaient de retracer les itinéraires empruntés précédemment. Cela suggère que les gens devraient utiliser les GPS pour trouver des informations complémentaires utiles, sans toutefois simplement suivre ce que dit le périphérique sans trop se préoccuper de l’environnement.

Ce n’est donc pas une mauvaise nouvelle pour le GPS. Cela dépend sans doute de la façon dont nous utilisons les appareils. Dans l’ensemble, cependant, je suggérerais d’utiliser le GPS de manière plus modérée, oui. Les données convergentes de notre étude et des recherches existantes suggèrent que, même si un GPS peut nous mener plus rapidement à destination, nous ne connaîtrons probablement pas très bien l’environnement qui nous entoure. Pour nous appuyer sur nos travaux, nous espérons que les recherches futures mesureront la manière dont les changements d’utilisation du GPS dans le temps (par exemple, en limitant l’utilisation du GPS pour une période de deux mois) sont liés aux changements dans les compétences spatiales et l’apprentissage de l’environnement dans le temps.