(Toronto) Des chercheurs de Toronto affirment avoir démontré pour la première fois que le système immunitaire de l’organisme joue probablement un rôle dans la formation de caries dentaires et la dégradation des plombages.

Les bactéries restent le principal responsable de la carie dentaire, mais une étude récente d’une équipe de l’Université de Toronto suggère que les neutrophiles, un type de globule blanc, contribuent aux dommages.

Les neutrophiles causent en fait des dommages collatéraux en combattant la bactérie, a expliqué Yoav Finer, professeur à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Toronto et l’un des auteurs de l’étude publiée dans le journal scientifique « Acta Biomaterialia ».

La sagesse conventionnelle basée sur des décennies de recherche veut que les bactéries seules provoquent à la fois la carie dentaire et la carie dans les composites de résine utilisés dans les plombages et dans la restauration des dents.

La bactérie absorbe le sucre et produit de l’acide, qui dissout la structure de la dent, a expliqué un autre des auteurs, Michael Glogauer, qui est professeur à la même faculté.

Dans les années 1970, un expert chevronné dans le domaine, John Gabrovsek, d’une clinique de Cleveland, en Ohio, avait suggéré en premier que les cellules immunitaires pourraient jouer un rôle dans la formation de caries.

« Ils le croyaient fou, parce que ça allait contre le dogme », a souligné M. Glogauer, qui dit en avoir discuté avec M. Gabrovsek il y a environ 15 ans.

« Selon ce que je sais sur les neutrophiles et ce que nous savons sur les neutrophiles, je croyais qu’il y avait beaucoup de crédibilité là-dedans », a-t-il ajouté.

M. Glogauer a alors contacté M. Finer et les deux chercheurs se sont mis au travail.

Une « masse » contre les bactéries

Les neutrophiles constituent le seul type de globules blancs que l’on trouve systématiquement dans la bouche, a indiqué M. Glogauer.

Dans le laboratoire, l’équipe de recherche a utilisé des neutrophiles isolés du sang pour recouvrir des parties de dents extraites ou la résine utilisée pour restaurer les dents.

« Nous pouvons les voir se décomposer en utilisant la microscopie électronique », a relaté M. Glogauer. L’équipe a aussi pu détecter la décomposition de sous-produits qui ne peuvent provenir que de neutrophiles.

Ces globules blancs deviennent actifs lors de la présence de bactéries dans la bouche et libèrent des enzymes qui s’y attaquent, mais qui contribuent également à dégrader la structure de la dent et de la résine.

« C’est comme tenter d’éliminer une mouche sur le mur en prenant une masse, a-t-il illustré. Vous allez peut-être frapper l’insecte, mais les dommages sur le mur seront assez importants. »

Des impacts sur les soins ?

Maintenant, l’équipe travaille sur divers suivis à sa découverte. Elle tente entre autres d’isoler les enzymes qui affectent les dents et d’appliquer cette théorie dans la pratique clinique.

Par exemple, un rince-bouche pourrait être développé pour contrôler les neutrophiles, afin de limiter les dommages.

Les dentistes pourraient aussi utiliser de nouveaux matériaux qui résistent aux dommages provoqués par les globules blancs.

Pour M. Gabrovsek, qui est maintenant âgé de 85 ans, cette recherche est importante, car elle valide le travail qu’il a accompli il y a de cela plusieurs années.

« Nous venons de l’apprendre ce matin », a déclaré sa femme, Rita Gabrovsek, alors que son mari riait derrière elle.

« Il sourit, ne fait que sourire, un grand sourire, a-t-elle raconté en entrevue téléphonique depuis Twinsburg, en Ohio. Cela l’a dérangé toute sa vie, que sa théorie soit mise de côté, alors c’est un grand moment pour nous. »

M. Gabrovsek dit n’avoir jamais été ébranlé dans ses convictions.

« Je n’y croyais pas, pendant 50 ans, que les scientifiques d’ici aux États-Unis ne me croient pas, a-t-il soutenu. Je me disais : “ce sont vraiment des scientifiques stupides”. Maintenant ils savent que j’ai raison ! »