L'effet protecteur d'une consommation alcoolique ou deux par jour face aux accidents vasculaires cérébraux n'existe pas, assure une nouvelle étude publiée par le prestigieux journal médical The Lancet.

Mais ne cédons pas trop rapidement à la déception, dit un expert du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), qui s'empresse de préciser que cet effet protecteur n'existe « peut-être » pas.

Des chercheurs de l'Université d'Oxford et leurs collègues chinois ont constaté, dans le cadre de leur étude génétique de quelque 160 000 adultes, que chaque tranche de quatre consommations par jour (soit 280 grammes d'alcool par semaine) semblait gonfler du tiers le risque d'accident vasculaire cérébral (AVC).

La consommation d'alcool augmentait aussi la pression artérielle.

On savait déjà qu'une forte consommation d'alcool élevait le risque d'AVC, mais l'impact d'une consommation modérée restait à préciser. Plus exactement, on ne savait pas si l'effet protecteur d'une consommation ou deux par jour observé - et amplement médiatisé - face aux AVC et aux crises cardiaques était attribuable à l'alcool ou plutôt au fait que ceux qui ne buvaient pas du tout souffraient d'autres problèmes de santé.

Du moins en ce qui concerne les AVC, les preuves génétiques démentent maintenant l'effet protecteur de l'alcool, affirment les auteurs de l'étude.

L'enquête a été menée en Asie de l'Est, où des variations génétiques réduisent grandement la tolérance de la population à l'alcool (ceux qui ont cette variante et qui boivent rougissent de manière très déplaisante). Ces variations n'ont toutefois rien à voir avec d'autres facteurs de risque, comme le tabagisme, et pourraient donc être utilisées pour définir une relation de cause à effet.

Ces variations génétiques sont essentiellement inexistantes en Occident - d'où les réserves exprimées par le neurologue Christian Stapf, du CHUM.

« C'est la première étude qui remet en question, à large échelle, l'effet protecteur de l'alcool, mais en référence à une population purement asiatique. On ne sait pas encore ce que ça veut dire pour le Caucasien et son verre de vin blanc le soir », a-t-il expliqué.

Les études antérieures, poursuit-il, étaient principalement basées sur des Caucasiens, et aux États-Unis, sur la population hispanique et la population noire ; c'est à ce moment qu'on a observé l'effet protecteur de l'alcool. L'étude actuelle a toutefois été menée sur un grand échantillon chinois, et à la base, la population asiatique tolère moins bien l'alcool que la population caucasienne, hispanique ou noire, pour des raisons métaboliques.

Cela veut donc dire, a précisé le docteur Stapf, que dans les groupes qui gèrent mal l'alcool et qui boivent très peu, une faible consommation d'alcool aura un effet équivalent à une consommation plus élevée pour des groupes qui gèrent bien l'alcool.

« Quand on gère mal l'alcool, le taux d'alcool dans le sang reste plus élevé, plus longtemps, donc l'effet nocif pourrait être beaucoup plus important que chez un individu qui a un profil métabolique qui gère bien l'alcool. C'est le premier problème avec la population asiatique, a dit le docteur Stapf. L'effet positif se perd, mais uniquement dans une population entièrement asiatique. L'effet n'est pas néfaste non plus, c'est seulement que tout disparaît, chez les Asiatiques. Mais on n'a aucune idée comment ça s'applique dans la population québécoise ou canadienne ou majoritairement caucasienne. »

Dans la nouvelle étude, l'effet protecteur disparaît seulement si on tient compte de la génétique. Si on fait abstraction de cet élément, a ajouté le docteur Stapf, « on trouve [...] une association similaire à celle des études antérieures : la population qui boit modérément un petit peu d'alcool a [...] un risque plus faible d'AVC et de problèmes cardiaques ».

Donc, pour le moment, rien ne change.

« On continue comme on faisait, tant qu'on ne boit pas plus d'un verre ou deux par jour. Je ne vois pas de modification à l'horizon des recommandations actuelles basé sur cette étude, a-t-il déclaré. Le message reste le même. L'alcool est toxique pour nous quand on en boit trop. On ne part pas à la SAQ pour fêter les bons résultats de l'étude. »