Les autorités américaines de la santé publique ont lancé hier une alerte à la suite de l’hospitalisation de centaines de patients, dont l’un a succombé, qui pourraient être liées à une utilisation irrégulière des cigarettes électroniques. Et une nouvelle étude menée aux États-Unis révèle que de plus en plus d’adolescents sont exposés au « vapotage secondaire », exposition qui pourrait avoir un impact sur leur santé.

Syndrome pulmonaire

Signe des inquiétudes suscitées par la cigarette électronique, les autorités médicales américaines ont annoncé à la mi-août la tenue d’une enquête sur des problèmes pulmonaires liés à l’utilisation de vapoteuses. Depuis la mi-juin, on signalait pas moins de 215 hospitalisations dans 25 États – une personne a fini par mourir, en Illinois. Ces patients ont en commun d’avoir rapporté des difficultés respiratoires et des douleurs à la poitrine. La cause précise de ces symptômes demeure nébuleuse, mais plusieurs d’entre eux ont admis avoir vapoté des produits contenant du THC. Devant cette vague, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont sonné l’alarme hier : « Quiconque utilise des cigarettes électroniques ne devrait pas acheter sur le marché noir des produits contenant du THC ou d’autres cannabinoïdes. » Vérification faite auprès des autorités canadiennes, aucun cas du genre n’a été recensé au nord de la frontière.

Jeunes et adultes

Ces craintes surviennent alors qu’une nouvelle étude se penche sur les risques liés au « vapotage secondaire » chez les jeunes. Depuis 2015, la proportion des adolescents américains qui sont exposés a grimpé de 25 % à 33 %, alors que l’exposition à la fumée secondaire du tabac est passée de 53 % à 49 %. « À ce rythme, d’ici peu, le vapotage secondaire sera un problème plus répandu que la fumée secondaire », explique Andy Tan, un épidémiologiste de l’Université Harvard qui est l’auteur principal de l’étude publiée cette semaine dans la revue JAMA Network Open. La proportion de fumeurs durant cette même période est passée de 8 % à 5 % chez les adolescents américains, alors que celle de vapoteurs a augmenté de 5 % à 10 %.

Influence

Pourquoi y a-t-il une telle exposition à la fumée du tabac ? « On pense souvent que les ados ne fréquentent que leurs pairs, mais ils sont beaucoup en contact avec les adultes [plus nombreux à fumer le tabac] », dit M. Tan. Est-il possible que l’exposition au vapotage secondaire soit sous-estimée parce que les vapoteuses ont une odeur plus discrète que la cigarette ? « C’est possible, mais peu probable, parce que chez les jeunes, la plupart des vapoteuses sont parfumées. » Ces données ont été recueillies auprès d’un échantillon représentatif de 80 000 adolescents de 16 à 19 ans aux États-Unis.

Aérosols

Les aérosols des vapoteuses sont moins nocifs que la fumée de cigarette, mais le vapotage secondaire est plus pernicieux parce qu’il est généralement considéré comme inoffensif, dit l’épidémiologiste de Boston. « On détecte notamment de la nicotine, qui a un effet négatif sur le développement du cerveau des adolescents et des jeunes adultes, à un niveau qui peut entraîner la dépendance à la nicotine, dit M. Tan. L’Administrateur de la santé publique [Surgeon General] des États-Unis a récemment réclamé la protection des adolescents contre le vapotage secondaire. On ne fait que commencer à mesurer les impacts négatifs à court et à long terme de ces aérosols. »

Un lien avec la crise ?

Le vapotage secondaire pourrait-il être en cause dans le syndrome pulmonaire provoquant de multiples hospitalisations actuellement observé aux États-Unis ? « On voit parfois des irritations et de la toux avec les parfums et les vapoteuses contenant beaucoup de nicotine, mais rien qui ressemble à ces problèmes pulmonaires », indique Maciej Goniewicz, chercheur au centre de cancer Roswell Park à Buffalo, qui a testé des dizaines de vapoteuses. « Encore moins avec le vapotage secondaire. » L’administratrice en chef de la santé publique du Canada, Theresa Tam, a confirmé à La Presse que ces cas ne semblaient pas liés au vapotage secondaire.

Asthme

Au début de l’année, une première étude sur l’impact du vapotage secondaire sur les symptômes d’asthme a été publiée par les Instituts nationaux de la santé (NHI) des États-Unis. L’augmentation du risque de crise d’asthme était plus élevée avec le vapotage secondaire qu’avec la fumée secondaire, 1,3 fois contre 1,2 fois. Toutefois, les jeunes qui vapotaient eux-mêmes n’étaient pas plus susceptibles d’avoir une crise d’asthme, alors que ceux qui fumaient avaient 1,9 fois plus de risque. Publiée dans la revue Chest, l’étude portait sur 12 000 adolescents asthmatiques de Floride, dont 12 % vapotaient, 4 % fumaient, 45 % étaient exposés à la fumée secondaire et 33 % au vapotage secondaire. Un jeune sur cinq avait une crise d’asthme par année.

Au Québec aussi

Même s’il n’y a pas de données spécifiquement québécoises sur le vapotage secondaire, la tendance est probablement similaire, estime Flory Doucas, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. « C’est un corollaire de la popularité du vapotage, estime Mme Doucas. Pendant longtemps, on avait tendance à penser que le vapotage est vraiment sans risque pour les gens, mais maintenant, on se pose des questions sur le vapotage secondaire. C’est pour ça qu’il est important d’interdire le vapotage dans les lieux publics, comme nous l’avons fait au Québec. Aux États-Unis, l’industrie fait plus de pressions pour limiter ce genre de lois, alors il y a beaucoup de parcs et même de terrasses où c’est permis. Pour la fumée secondaire, par exemple, l’exposition est deux fois moins importante ici qu’aux États-Unis. »

Lien avec la marijuana

Début août, une étude montréalaise a conclu que les adolescents adeptes du vapotage étaient aussi plus susceptibles d’essayer le cannabis. Les jeunes ayant déjà vapoté étaient 3,5 fois plus susceptibles d’avoir consommé de la marijuana, et cette association était encore plus forte chez les 12-17 ans que chez les 18-24 ans, 4,3 fois contre 2,3 fois. Sans pouvoir certifier que l’un mène à l’autre, l’étude de JAMA Pediatrics invitait la santé publique à s’intéresser aux vapoteurs dans ses campagnes de prévention de la consommation précoce de cannabis. Menée à Boston par un chercheur qui travaille maintenant à Sainte-Justine, la méta-analyse regroupait 21 études totalisant 128 000 jeunes.

En chiffres

37 % des adolescents (16-19 ans) canadiens ont déjà essayé le vapotage.

9,3 % des adolescents canadiens vapotent au moins chaque mois.

3,6 % des adolescents canadiens vapotent plus d’un jour sur deux.

37 % des adolescents canadiens ont déjà essayé la cigarette.

15,5 % des adolescents canadiens fument au moins chaque mois.

7,4 % des adolescents canadiens fument plus d’un jour sur deux.

Source : British Medical Journal