(Montréal) Un test sanguin mis au point par des chercheurs américains permettrait d’identifier avec une grande précision les patients dont les cerveaux présentent les premiers signes de la maladie d’Alzheimer, et ce jusqu’à 20 ans avant l’apparition des premières pertes de mémoire.

Ce nouveau test pourrait même être encore plus précis que la tomographie par émission de positrons (PET scan) qui est normalement utilisée pour confirmer la présence dans le cerveau de dépôts amyloïdes.

Ces dépôts commencent à engommer le cerveau jusqu’à deux décennies avant que ne se manifestent les pertes de mémoire et la confusion typiques de la maladie d’Alzheimer.

Le test développé par les chercheurs de l’Université Washington, à Saint-Louis, mesure les taux d’amyloïdes dans le sang. Lorsque ces taux sont combinés à l’âge du patient et à la présence d’une variante génétique appelée APOE4, le test détecte la présence dans le cerveau de dépôts amyloïdes avec une précision de 94%.

Le risque de souffrir de la maladie double à tous les cinq ans à partir de l’âge de 65 ans. La variante génétique APOE4 augmente ce risque de trois à cinq fois.

Le test est si précis qu’il réussissait parfois à détecter la présence des dépôts quelques années avant que la tomographie par émission de positrons ne soit en mesure de le faire.

«Ça change énormément de choses, a commenté Hélène Girouard, de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. La maladie d’Alzheimer est une démence, et quand on dit démence, ça signifie que la personne ne peut plus vaquer à ses responsabilités habituelles, qu’elle n’est plus autonome, et ça veut dire que le cerveau est biologiquement très endommagé, et même avant qu’il y ait des signes cliniques.»

L’impact clinique du test pourrait donc être monumental, puisqu’il pourrait permettre d’identifier très tôt les patients chez qui les dépôts amyloïdes ont commencé à se former afin de tester chez eux des traitements pour ralentir, voire stopper, la progression de la maladie.

«Le cerveau devient un peu comme un fromage Gruyère, il y a plein de trous, et le volume cérébral n’est vraiment plus le même à partir du moment où on est diagnostiqué avec la maladie d’Alzheimer, a ajouté Mme Girouard. Donc il faut vraiment prévenir toute la neurodégénérescence, et ça, ça doit se faire des années avant.»

Actuellement, les patients ne sont traités qu’après l’apparition des symptômes, quand leurs cerveaux sont déjà fortement abîmés. Le problème, c’est que les dommages surviennent bien avant l’apparition des signes cliniques.

«Une fois que la personne est diagnostiquée, tout ce qu’on peut faire, tout ce qu’on peut espérer, avec la technologie qu’on a actuellement, c’est de ralentir la progression. C’est tout ce qu’on peut espérer. Mais si on traite vingt ans plus tôt, alors là on peut vraiment espérer une prévention», a dit Mme Girouard.

En termes clairs, une personne traitée vingt ans avant l’apparition des premiers symptômes et qui aurait autrement été condamnée à souffrir de la maladie d’Alzheimer pourrait carrément y échapper.

« C’est beaucoup plus facile, pharmacologiquement, de prévenir vingt ans plus tôt que d’essayer de guérir quelqu’un qui est déjà atteint, a expliqué Hélène Girouard. En ce moment, la découverte de biomarqueurs pour la maladie d’Alzheimer fait partie de recherches intensives, justement dans l’objectif qu’on puisse vraiment prévenir, parce qu’une fois que c’est diagnostiqué, c’est beaucoup plus difficile. On est très loin d’avoir la technologie suffisante pour guérir la maladie d’Alzheimer une fois diagnostiquée. »

Les conclusions de cette étude sont publiées par le journal médical Neurology.