Le Québec s’équipe actuellement d’une technologie de pointe en « imagerie intelligente » qui permet de détecter de petites lésions cancéreuses autrefois invisibles et de suivre l’évolution d’un cancer pendant une thérapie.

Renouveler les équipements

« Tous les deux ou trois ans, une nouvelle génération d’appareils de tomographie par émission de positrons (TEP) arrive sur le marché. Ils ont une meilleure efficacité de détection qui permet de raccourcir le temps des examens et la dose du produit radioactif », soutient Daniel Juneau, chef du service de médecine nucléaire au CHUM qui a acquis deux nouveaux appareils en 2017. Parmi les 20 tomographes du Québec, au moins 8 sont en cours de renouvellement. Quatre autres appareils suivront. D’après le ministère de la Santé et des Services sociaux, le reste des équipements devrait être renouvelé d’ici deux ou trois ans. « Le Québec va devenir la province la mieux équipée de tout le Canada », affirme Éric Turcotte, professeur au département de médecine nucléaire et de radiobiologie de l’Université de Sherbrooke.

Détection

La TEP repère les cellules cancéreuses grâce à une substance « lumineuse » injectée dans le corps. Dans 95 % des cas, les médecins spécialistes en médecine nucléaire, ou nucléistes, utilisent un sucre radioactif dont la dose n’est pas dangereuse pour la santé. « Les cellules cancéreuses ont besoin de plus d’énergie pour se développer, alors elles seront plus gourmandes que les cellules normales », explique Éric Turcotte. Ces cellules cancéreuses amassent beaucoup de sucre et dégagent ainsi de la lumière invisible à l’œil nu. « Le sucre est efficace, mais il n’est pas parfait. Certaines cellules cancéreuses consommeront autant que les cellules normales, alors on ne pourra pas les détecter. »

IMAGE FOURNIE PAR ÉRIC TURCOTTE

Exemple de tomographie par émission de positrons (TEP). L'image montre plusieurs sites métastatiques au sein droit, sous l'aisselle, au foie et plusieurs métastases osseuses. 

Piratage cellulaire

« La TEP fonctionne pour près de 95 % des cancers, mais on veut rattraper le 5 % où on n’est pas performant. On essaie donc de trouver un nouveau produit à injecter qui fonctionnera de façon différente. » Éric Turcotte se considère comme un pirate cellulaire. « Certains font du piratage informatique, nous faisons du piratage des cellules en essayant de trouver des failles. » À la manière du sucre lumineux, l’équipe du chercheur essaie de trouver une porte d’entrée dans la cellule pour aller y porter de la lumière. Trois types de cancer sont plus difficiles à détecter avec le sucre : les cancers du sein, de la prostate et du rein.

De nouveaux récepteurs

Le laboratoire d’Éric Turcotte a réussi à trouver une faille dans les cellules cancéreuses du sein : le récepteur à œstrogène. « Près de 80 % des cancers du sein auront des cellules cancéreuses avec plus de récepteurs à œstrogène que la normale. On utilise donc de l’œstrogène lumineux qui va circuler dans le corps et se coller sur ces récepteurs. » Les chercheurs ont aussi trouvé une faille pour le cancer de la prostate. Ils exploitent le récepteur PSMA exprimé davantage sur les cellules cancéreuses de la prostate. Éric Turcotte souhaite offrir ce test d’imagerie pour le cancer de la prostate à Sherbrooke vers la fin de l’été. Pour le cancer du rein, la faille reste un mystère.

Évaluation des traitements

La TEP permet de savoir si les traitements de chimiothérapie seront efficaces. Le patient passe une TEP avant le début de ces traitements, puis une deuxième après quelques mois de thérapie. Si le traitement est efficace, les cellules cancéreuses vont arrêter de consommer le sucre lumineux et ne seront plus visibles à la TEP. « Avant même que les lésions rapetissent, la TEP prédit s’il y aura une rémission ou non à la fin du traitement. Aucun autre test d’imagerie ne peut faire ça. » Le même suivi peut s’appliquer au cancer du sein avec l’œstrogène lumineux. Les travaux de recherche d’Éric Turcotte démontrent qu’une cellule cancéreuse qui devient non fonctionnelle perdra son récepteur à œstrogène.

Avantages

Les instruments classiques comme l’imagerie par résonance magnétique, le tomodensitogramme (CT scan) ou les échographies sont restreints par la taille des lésions. La TEP n’a pas cette contrainte, puisqu’elle s’intéresse au comportement des cellules cancéreuses. La TEP peut donc détecter des lésions aussi petites que 4 mm, invisibles avec un CT scan. « On peut détecter les lésions de façon beaucoup plus précoce. » La TEP permet aussi de regarder le corps au complet. « Étant donné que l’on rend la personne radioactive de la tête aux orteils, on a tout avantage à imager le plus possible. Il n’y a pas de radiation supplémentaire, contrairement aux autres techniques d’imagerie. » La dose de radiation est faible et présente peu de risques pour la santé.

Faux positifs

Le sucre radioactif est le produit le plus susceptible de donner des faux positifs, d’après Éric Turcotte. Ce serait principalement dû aux infections. « Les bactéries aiment le sucre, alors elles vont en manger autant que les cellules cancéreuses et devenir lumineuses. Si un patient vient faire une TEP pour un cancer du poumon et qu’il a une pneumonie en même temps, on sera incapable de différencier la pneumonie du cancer. » La TEP risque peu de donner un faux négatif. « Lorsque ça arrive, c’est surtout parce que la lésion est trop petite pour être détectée. C’est donc important d’avoir des appareils à jour dans les dernières technologies pour nous permettre d’avoir la meilleure résolution possible. »

D’où vient la lumière ?

Les produits utilisés pour la TEP émettent tous des positrons, des électrons de charge positive. Ce type de produits ne se retrouvent pas dans la nature, alors il faut les fabriquer chaque jour en laboratoire. Une machine spéciale, appelée cyclotron médical, transforme des atomes d’oxygène en fluor. Contrairement à l’oxygène, ces atomes de fluor sont instables. « Tous les éléments instables veulent revenir à leur état stable, alors le fluor émet un positron pour redevenir de l’oxygène. » La petite particule positive va parcourir quelques millimètres avant d’entrer en collision avec un électron, son inverse. Les deux particules vont s’annuler et disparaître en produisant deux photons. Ce sont ces particules de lumière que la TEP détecte, et non le positron.