(Montréal) Ils sont arrivés au Québec il y a quelques années. Du haut de leur pas tout à fait un mètre, ces visiteurs fixent de manière intense les résidants de leur balcon ou de leur cour.

Les dindes sauvages ont franchement perturbé des citoyens de la pittoresque ville de Saint-Sauveur, dans les Laurentides, constate le directeur général de la municipalité Jean Beaulieu.

« Elles étaient dans la cour des résidants, dans leur auto. Il y avait des gens qui avaient peur de quitter leur maison parce que ces bêtes pouvaient être agressives, surtout lorsqu’elles sont accompagnées par leurs petits », raconte M. Beaulieu.

Jadis près de l’extinction, les dindes sauvages sont de plus en plus répandues dans le sud du Québec à cause des hivers plus chauds et à des programmes de conservation et de relocalisation qui ont permis de sauver l’espèce.

Les résidants rapportent avoir vu de grands oiseaux omnivores de couleur sombre se percher sur les balcons, se promener sur les pelouses et chercher des graines ou des insectes sur les terrains de golf.

Selon M. Beaulieu, passé le choc initial, ces concitoyens ont appris à ne plus se laisser déranger par la présence de ces volatiles.

« La première fois qu’on les voit, on est surpris, car c’est assez spectaculaire. La couleur, la taille, c’est un assez gros animal, mais on s’habitue à les voir », ajoute-t-il.

André Dumont, un biologiste au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, explique qu’il est difficile de déterminer la population actuelle de dindes sauvages, car celle-ci peut fluctuer considérablement.

Un hiver rigoureux peut en réduire le nombre de moitié tandis qu’un été chaud et sec crée des conditions de reproduction idéales. Par conséquent, le ministère s’appuie sur une enquête annuelle menée auprès des chasseurs pour se faire une idée de la situation de la population.

Ce qui est clair, dit M. Dumont, c’est que la population a augmenté progressivement au fil des ans dans le sud du Québec et de l’Ontario, en partie grâce aux hivers plus doux, aux longues saisons de croissance et au programme de conservation mis en place aux États-Unis, il y a quelques décennies. La chasse était restreinte, les habitats préservés et les oiseaux piégés étaient réintroduits dans des zones où ils avaient disparu.

« C’est une belle histoire de rétablir une espèce », s’exclame-t-il.

Le retour des dindes est aussi une bonne nouvelle pour les chasseurs qui dépensent annuellement environ 5 millions pendant la saison de chasse.

Le président du groupe de chasseurs Club Dindon Sauvage Montréal, Steve Tardif, s’est dit convaincu que la population s’est stabilisée au cours des dernières années. Selon lui, les nouvelles observations peuvent être attribuées à la migration plutôt qu’à un accroissement démographique.

« On voit des dindes dans des secteurs où il n’y en avait jamais eu auparavant, contrairement à d’autres secteurs qui ont une population nombreuse », constate-t-il.

Nuisance

Mais la croissance démographique de ces bêtes ne réjouit pas tout le monde.

Leur grande taille et leur présence à proximité des routes peuvent représenter un danger potentiel pour les conducteurs. M. Dumont raconte que l’aéroport de Gatineau, dans l’Outaouais, avait même dû composer avec des dindes sur ses pistes.

Un porte-parole de Transports Canada confirme que cette espèce, comme tous les autres gros oiseaux, peut représenter une menace pour les avions.

« Les aéroports prennent un certain nombre de mesures pour réduire la menace d’impacts d’oiseaux, notamment la coupe de gazon, les répulsifs visuels et auditifs et le contrôle de la population », explique Alexandre Desjardins.

Les agriculteurs se sont également plaints de la destruction de leurs champs, bien que M. Dumont affirme qu’ils sont souvent accusés à tort de dommages causés par d’autres animaux plus discrets comme les cerfs ou les ratons laveurs.

« C’est un gros oiseau que nous voyons de loin, qui est réveillé quand nous le sommes, mentionne-t-il. Les études ont démontrent que de nombreux dommages causés aux récoltes leur sont attribués à tort. »

Pour André Dumont et Steve Tardif, le retour de la dinde sauvage est une bonne nouvelle. Les deux hommes affirment qu’il est peu probable que sa population atteigne un niveau problématique en raison des hivers rigoureux que connaît le Québec.

Et M. Tardif signale que ces bêtes sont délicieuses. Il recommande de les servir fumés, marinés ou de les cuire sur un barbecue. On peut aussi la manger lors d’un repas de fête traditionnel.