Trois yeux valent mieux qu’un pour scruter un pays aussi vaste que le Canada, et c’est pourquoi l’Agence spatiale canadienne lancera la semaine prochaine trois nouveaux satellites dans l’espace.

Ceux-ci travailleront de concert autant pour documenter les changements climatiques et aider aux opérations de sauvetage que pour repérer des navires qui s’adonneraient à des activités illégales.

Des triplés de troisième génération

Le grand-père, RADARSAT-1, avait été lancé en 1995 et a pris sa retraite en 2013. Le père, RADARSAT-2, tourne toujours au-dessus de nos têtes. Et voilà que la troisième génération de satellites canadiens lancés par l’Agence spatiale canadienne ne compte pas un, mais bien trois membres.

Les trois petits nouveaux travailleront en équipe afin de maximiser la couverture du territoire, récoltant 50 fois plus de données que RADARSAT-2. «La Constellation RADARSAT permettra de couvrir toutes les régions du Canada pendant une période de 24 heures, ce qui n’est pas possible avec RADARSAT-2», a précisé hier Magdalena Wierus, ingénieure en gestion de projet pour la Constellation RADARSAT, lors d’une vidéoconférence destinée à présenter les satellites aux médias.

L’autre avantage d’avoir trois satellites est que si l’un d’eux connaît un pépin, les autres peuvent continuer la mission.

«Comme des chauves-souris»

AGENCE SPATIALE CANADIENNE

Une équipe de l'entreprise MDA mène des tests sur les composants électroniques d'un des satellites.

Les trois satellites voleront à 600 kilomètres au-dessus de la Terre et en feront le tour en 96 minutes. En passant au-dessus du Canada, ils bombarderont le pays de signaux radars. Ceux-ci rebondiront sur le sol et reviendront vers les satellites, fournissant une mine de renseignements sur ce qui se trouve en dessous, peu importe les conditions météo.

«C’est un peu comme une chauve-souris qui émet des signaux pour connaître l’environnement autour d’elle», a expliqué Steve Iris, gestionnaire de mission de la Constellation RADARSAT. Lorsque leurs antennes sont déployées, les satellites font 7 mètres de longueur et 3,6 mètres de hauteur.

Des yeux dans l’espace

AGENCE SPATIALE CANADIENNE

Les transpondeurs enregistrent les impulsions radars en provenance des satellites comme ceux de la Constellation RADARSAT, puis les amplifient et les renvoient vers ces derniers. Ce transpondeur est situé au siège social de l’Agence spatiale canadienne à Saint-Hubert, au Québec.

Pourquoi scruter notre territoire du haut des airs? «Le Canada a la plus longue ligne côtière et représente la deuxième plus grande masse terrestre au monde. La densité de population est faible, il y a de larges régions reculées et le terrain est varié. L’espace est un choix naturel pour faire la surveillance de nos actifs», a expliqué Magdalena Wierus.

Surveiller nos côtes, documenter les impacts des changements climatiques, aider aux opérations de sauvetage, mesurer le couvert de glace pour aider à la navigation dans l’Arctique et ailleurs, détecter des navires en détresse ou qui pourraient s’adonner à des activités illégales dans les eaux canadiennes : les données fournies par la Constellation RADARSAT serviront à de nombreux usages et seront utilisées par au moins 12 ministères. Elles seront aussi partagées avec l’industrie et les chercheurs universitaires.

Notons que contrairement à RADARSAT-2, qui appartient à l’entreprise québécoise MDA, la Constellation RADARSAT appartient entièrement au gouvernement canadien. «La demande sur le système est importante par le gouvernement du Canada et la décision a été prise qu’il était primordial d’avoir notre propre constellation», aexpliqué Steve Iris, précisant que MDA et d’autres partenaires continueront toutefois à opérer les satellites.

Décollage imminent

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Un des satellites est testé dans la salle anéchoïque de MDA.

La construction des trois satellites a démarré en 2013 dans les locaux de l’entreprise MDA, à Sainte-Anne-de-Bellevue. Après avoir été testés sous toutes leurs coutures, les trois engins ont été transportés en Californie le mois dernier et embarqués dans une fusée Falcon 9, de l’entreprise SpaceX. Celle-ci devrait décoller mardi prochain.

Si tout va bien, les satellites déploieront ensuite leurs antennes radars et leurs panneaux solaires, une opération qui devrait s’étendre sur cinq jours. Après une «mise en service» de trois à six mois, ils commenceront ensuite officiellement leurs opérations.

L’Agence spatiale canadienne ne prend-elle pas un risque en plaçant les trois satellites dans la même fusée? Les experts de l’organisation ont répondu que cela permettait de réduire les coûts et de déployer les satellites plus rapidement.

EN CHIFFRES

• 7 ans : Durée prévue de la mission de la Constellation RADARSAT

• 250 000 : Nombre d’images qui seront prises chaque année par les trois satellites.

• 1430 kg : Poids de chacun des satellites, soit environ celui d’un rhinocéros noir

• 1,2 milliard de dollars : Coût total, incluant le design, la fabrication et le lancement des satellites, ainsi que leur opération pendant sept ans