(Montréal) Des pièces musicales composées spécialement pour eux ont semblé stimuler le développement du cerveau de grands prématurés, selon une étude réalisée en Suisse.

Si les avancées technologiques ont beaucoup augmenté les chances de survie de ces bébés nés avant 32 semaines de gestation, ils demeurent très à risque de développer des problèmes neuropsychologiques, notamment des troubles d’apprentissage ou des problèmes de concentration ou de gestion des émotions.

Des chercheurs de l’Université de Genève et des Hôpitaux universitaires de Genève ont voulu savoir quel effet aurait sur le développement de leurs cerveaux des pièces musicales composées spécifiquement à leur intention.

Leurs conclusions sont frappantes : les réseaux neuronaux des bébés exposés à cette musique se sont mieux développés, en particulier un réseau impliqué dans plusieurs fonctions cognitives et sensorielles.

« Ça ne me surprend pas qu’une intervention où il y a une musique qui est quand même adaptée pour leurs sens, donc quelque chose de non agressant, qui est quand même calmant, puisse stimuler le développement de leur cerveau, a commenté la pédiatre Thuy Mai Luu, du CHU Sainte-Justine. Ce n’est pas une surprise, mais c’est le’fun’qu’ils soient capables de le prouver. »

À l’hôpital, les prématurés sont parfois plongés dans un environnement agressant pour eux, qu’il s’agisse de moniteurs qui sonnent, de portes qui claquent ou encore d’alarmes qui retentissent. Les chercheurs suisses ont expliqué par voie de communiqué que « l’immaturité du cerveau, combinée à un environnement sensoriel dérangeant, explique pourquoi les réseaux neuronaux ne se développent pas normalement ».

Mais l’inverse est aussi vrai, prévient la docteure Luu : avec la technologie moderne, quand le bébé est placé dans un incubateur isolé dans une chambre unique, il se retrouve plutôt plongé dans un silence total.

« Donc c’est soit qu’on a un environnement avec trop de stimulations qui sont trop agressantes […] pour des sens qui sont encore immatures, ou au contraire on a aucune stimulation, a-t-elle dit. On s’est rendu compte, lors d’études récentes, qu’au niveau du développement du langage, ce n’est peut-être pas nécessairement mieux. »

Compositions spéciales

Les chercheurs suisses ont demandé au musicien Andreas Vollenweider de composer des pièces pour enrichir l’environnement des bébés de stimuli « plaisants et structurants ».

Avant toute chose, M. Vollenweider et une infirmière spécialisée ont exposé les prématurés à différents instruments : celui qui a généré chez eux le plus de réactions est le punji, la flûte des charmeurs de serpents (au point où les enfants agités se calmaient instantanément).

M. Vollenweider a donc composé trois environnements sonores de huit minutes mettant en vedette le punji, la harpe et des clochettes.

« Ce que je retiens de cette étude-là, c’est qu’ils n’ont pas mis n’importe quelle musique, a rappelé la docteure Luu. Le compositeur a vraiment choisi sa musique pour l’enfant prématuré. Je ne sais pas si ça fonctionnerait avec d’autres populations. […] Il a vraiment composé en fonction du bébé, en fonction du moment de la journée. »

Les chercheurs ont utilisé une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle pour étudier les cerveaux de prématurés exposés à la musique, de prématurés qui n’y étaient pas exposés et de bébés nés à terme. Cela leur a permis de constater que l’organisation des réseaux neuronaux des bébés prématurés exposés à la musique était similaire à celle des bébés nés à terme.

Les bébés exposés à la musique ont aujourd’hui six ans, l’âge auquel les problèmes cognitifs pourraient commencer à se manifester. Les chercheurs comptent les réévaluer pour voir où ils en sont rendus.

« Ce sont des régions du cerveau associées à des fonctions cognitives plus élevées, comme l’organisation, la planification de certaines petites tâches, donc il faut avoir un certain âge pour qu’on puisse les mesurer, ça ne peut pas être vérifié à deux ou trois ans », a expliqué la docteure Luu.

Les conclusions de cette étude sont publiées par le journal scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences.