(Montréal) Les consommateurs réguliers de cannabis pourraient avoir besoin de doses de sédation deux fois plus élevées que la normale lors d’une intervention médicale, prévient une nouvelle étude publiée par le Journal of the American Osteopathic Association.

Un expert montréalais estime toutefois que cela n’est pas surprenant, puisque le phénomène est déjà bien connu chez les grands consommateurs d’alcool ou de drogues.

Des chercheurs du Colorado ont examiné les dossiers de 250 patients qui ont subi une procédure endoscopique après 2012, lorsque le cannabis récréatif a été légalisé dans cet État.

Ils ont constaté que les patients qui fumaient ou ingéraient du cannabis chaque jour ou chaque semaine avaient besoin de doses de fentanyl 14 % plus élevées, de doses de midazolam 20 % plus importantes et de doses de propofol 220 % plus fortes pour obtenir l’effet désiré lors d’une procédure de routine, notamment une colonoscopie.

Ces trois médicaments sont utilisés de manière très fréquente en anesthésie.

Cela devient d’autant plus inquiétant quand on sait que pour certains de ces médicaments, le risque de problème est directement lié à la dose : plus la dose est élevée, plus le risque de complications est grand.

« Ça ne me surprend pas parce que […] si vous prenez quelqu’un qui prend de l’alcool de manière chronique, par exemple, cinq bières par jour, ou un demi-litre de vin par jour, on sait que ces gens-là, c’est très connu, ont une demande accrue en produits pour dormir », explique le docteur Pierre Beaulieu, qui dirige le département d’anesthésiologie de l’Université de Montréal.

« On a cette impression de manière générale que quand quelqu’un prend des drogues en général, que ce soit l’héroïne ou la cocaïne ou tous ces produits-là, on sent que les gens sont plus résistants à l’anesthésie, comme avec l’alcool. Mais le sachant, on ajuste nos doses. »

Le mécanisme pourra varier d’un produit à l’autre, mais en bout de compte, le personnel soignant devra composer avec un patient qui a développé une certaine tolérance aux médicaments et qui aura besoin de doses nettement plus élevées.

« Pour le cannabis, c’est un peu le même principe, précise le docteur Beaulieu. [Les consommateurs réguliers] sont déjà tellement tolérants à ces médicaments-là qu’il faut donner des doses deux, trois, quatre fois plus grandes pour avoir le même soulagement qu’un patient normal. »

Le problème est donc bien connu, poursuit-il, « parce que malheureusement, c’est une population [les toxicomanes] très fréquente ».

« On sait à quoi s’attendre. On sait quels seront les problèmes, pas seulement au réveil, mais dans les premiers jours après une opération, donc on compense. On s’ajuste en fonction du patient et ce qu’on sait au sujet de son abus de drogue », indique le docteur Beaulieu.