Des spectateurs qui grignotent des bretzels, une pinte de bière à la main. Des spécialistes qui parlent d'astronomie, de neurologie ou d'écologie en trinquant eux aussi. Des bars bondés, des discussions animées, un brin de chaos et des organisateurs fatigués : c'est le bilan de la première édition canadienne du festival Une pinte de science, qui s'est déroulé cette semaine simultanément à Montréal, Québec et Sherbrooke.

« On est vraiment heureux de l'enthousiasme, ça dépasse nos attentes. Et l'année prochaine, c'est Ottawa, Toronto, Calgary, Edmonton, Vancouver... On y va ! », laisse savoir Thomas Bibienne, stagiaire postdoctoral à l'Université de Montréal et directeur canadien du festival.

Une pinte de science est un concept né en 2013 en Angleterre et qui fait boule de neige depuis. L'idée : faire venir des chercheurs dans les bars afin qu'ils vulgarisent leurs recherches au grand public. Cette année, le festival s'est tenu simultanément dans neuf pays, de l'Australie au Brésil en passant par l'Italie, la France et l'Afrique du Sud.

Au Canada, c'est Thomas Bibienne qui a lancé le bal avec des événements dans dix bars, dont sept à Montréal, deux à Québec et un à Sherbrooke. Pas moins de 50 scientifiques y ont participé.

« On veut amener la science à un maximum de personnes, dans un cadre plus détendu qu'à l'université. »

- Thomas Bibienne, directeur canadien du festival

Au Québec, le magazine Québec Science et Radio-Canada organisent depuis des années des « bars des sciences » dans le même esprit, généralement animés par le journaliste et animateur radio Yanick Villedieu.

VULGARISER SCHRÖDINGER EN BUVANT UN SCOTCH

Mercredi soir, au pub L'île Noire, situé sur la rue Saint-Denis à Montréal, la salle du fond était bondée. Normand Mousseau, professeur de physique à l'Université de Montréal, a brisé la glace devant une foule formée en majorité d'étudiants.

Vêtu d'une chemise rose estivale et de jeans, ce vulgarisateur d'expérience était comme un poisson dans l'eau. Il a expliqué comment les propriétés des atomes à l'échelle microscopique peuvent influencer le comportement des matériaux et faire tomber des ponts, par exemple.

Pendant la période de questions, le physicien s'est fait demander d'expliquer l'équation de Schrödinger - une relation mythique qui sous-tend toute la mécanique quantique et qui est particulièrement difficile à comprendre.

M. Mousseau s'est exécuté avec aplomb, récoltant des applaudissements nourris.

« Ce que les gens savent de la science, ils l'ont appris dans des endroits formels. L'intérêt du bar est de montrer que la science est amusante, et qu'on n'est pas toujours obligé d'avoir un examen à la fin », a lancé le professeur Mousseau au terme de l'exercice.

En fin de soirée, le grand spécialiste du lithium Michel Gauthier, qui détient pas moins de 50 brevets, a résumé ses travaux.

« Mes remerciements à ceux qui ne sont pas endormis ou complètement ronds », a lancé le chercheur à une foule en fait particulièrement attentive - L'île Noire, de mémoire d'homme, n'avait jamais été aussi silencieuse.

Les spectateurs ? Marie Lachal, qui fait un postdoctorat en chimie à l'Université de Montréal et s'intéresse aux batteries, était surtout venue entendre Michel Gauthier.

« Le contexte est vraiment sympa. On est dans un bar, avec ses amis. Et l'enjeu de vulgariser pour tous est important », a-t-elle souligné, affirmant qu'elle aurait même souhaité que les présentations soient un peu moins techniques et davantage vulgarisées.

Matthieu Désautels, un étudiant en sciences politiques qui se retrouvait loin de son domaine d'expertise, y a aussi trouvé son compte.

« C'est assez facile à comprendre, a-t-il dit. Augmenter mes connaissances générales, entendre parler de nouveaux sujets et être dans un bar en plus... Ce sera un retour l'an prochain, c'est presque certain. »