La première société américaine de lancement spatial United Launch Alliance (ULA) et la filiale aérospatiale d'Amazon, Blue Origin, ont conclu un accord pour développer un nouveau moteur de fusée américain, destiné à remplacer un moteur russe.

Ce moteur baptisé BE-4 pourrait être prêt d'ici quatre ans et équipera le lanceur Atlas V de la société ULA, détenue à parts égales par Lockheed Martin et Boeing, a précisé mercredi Tory Bruno, le PDG de ULA.

Le BE-4 devrait ainsi remplacer le moteur russe RD-180, qui équipe actuellement le lanceur Atlas V et représente une dépendance problématique étant donné la détérioration des relations entre Washington et Moscou.

Atlas V et Delta IV, l'autre fusée de ULA, sont les deux lanceurs utilisés exclusivement pour tous les satellites militaires américains ou liés à la sécurité nationale.

«Cet accord assure que ULA restera la société de lancement la plus économique, innovatrice et fiable pour les missions les plus importantes en matière de sécurité nationale, civiles, habitées et commerciales», a fait valoir Tory Bruno soulignant que Blue Origin avait «démontré sa capacité à mettre au point des moteurs de fusée très performants».

«L'équipe de Blue Origin développe méthodiquement des technologies permettant un plus grand accès à l'espace pour les humains à des coûts fortement réduits et avec une fiabilité accrue», a déclaré Jeff Bezos, fondateur de cette société.

Ce nouveau moteur pourrait aussi permettre à ULA de rester compétitif face à SpaceX, qui tente de briser son monopole actuel pour les lancements de satellites militaires et de sécurité nationale, en offrant les mêmes services à des coûts nettement moindres.

SpaceX avait engagé une action en justice en avril contre le Pentagone et ULA pour annuler un énorme contrat multiannuel octroyé exclusivement à cette dernière société pour lancer des satellites militaires.

Depuis le Pentagone a autorisé SpaceX à être en lice pour de futurs contrats après avoir réussi au moins trois lancements d'affilée.

L'accord ne mentionne aucun montant du coût de développement du BE-4, mais selon des experts il pourrait dépasser le milliard de dollars. Les premiers essais sont prévus en 2016 et le premier vol en 2019.

Il s'agit d'un moteur à oxygène et gaz naturel liquide de 250 tonnes de poussée dont deux seront nécessaires pour le lanceur.

Selon Marco Caceres du Teal Group, un cabinet de recherche dans le secteur aérospatial, l'accord entre Blue Origin et ULA «a fait partie d'une stratégie pour aider Boeing a obtenir le contrat de la Nasa» annoncé mardi pour construire l'un des deux vaisseaux privés qui transporteront des astronautes à la Station spatiale internationale (ISS) dès 2017. SpaceX est l'autre groupe retenu.

Boeing était critiqué au Congrès pour dépendre du moteur russe RD-180 pour lancer un vaisseau habité censé mettre fin à la dépendance des États-Unis des Soyouz russes pour transporter leurs astronautes à l'ISS.

«Je ne parierai pas sur Blue Origin pour construire un moteur» de fusée, a encore dit à l'AFP cet expert citant les motoristes américains reconnus comme Aerojet Rocketdyne et ATK.

Selon lui «Blue Origine and ULA ne vont pas régler le problème du remplacement du moteur russe tout au moins à court terme» alors qu'il faudra plus de temps et d'argent avant qu'il ne soit prêt.

«Il n'est pas réaliste d'envisager de remplacer ce moteur dans les trois ou quatre ans», juge Marco Caceres.

Il souligne qu'une société conjointe américano-russe, RD Amross basée aux États-Unis détient les plans du RD-180 et les droits de le construire sur le sol américain ce qui serait selon cet expert «le meilleur moyen et le plus rapide de mettre fin à la dépendance vis-à-vis de la Russie pour ce moteur».