Des jeux vidéo permettent de restaurer la capacité des conducteurs âgés d'effectuer plusieurs tâches en même temps, selon une nouvelle étude américaine. Les chercheurs de l'Université de San Francisco ont conçu un jeu qui rend les personnes âgées meilleures que les jeunes pour identifier des panneaux routiers.

«La capacité au multitâche diminue avec les années, mais il est possible de renverser la tendance», a expliqué, au cours d'une conférence de presse téléphonique, le neurologue Adam Gazzaley, auteur principal de l'étude parue dans Nature. «La plasticité du cerveau est vraiment impressionnante.»

Le but du jeu vidéo en trois dimensions, appelé NeuroRacer, était de reconnaître différents types de panneaux tout en suivant un itinéraire sinueux en voiture. La conduite se faisait avec la main gauche, et il fallait presser des boutons différents quand apparaissaient les panneaux rouges, verts ou bleus.

Les chercheurs ont tout d'abord évalué la performance de 120 cobayes de 20 à 80 ans, et ont constaté que celle-ci diminuait avec l'âge. Ensuite, ils ont séparé 46 personnes âgées en trois groupes: un premier qui ne faisait rien, un deuxième qui conduisait tout en surveillant les panneaux et un troisième qui ne faisait que conduire. Les 12 séances d'une heure étaient réparties sur un mois.

Seuls les cobayes qui s'étaient entraînés aux deux tâches s'amélioraient dans le multitâche - tellement qu'ils devenaient meilleurs que des jeunes adultes essayant NeuroRacer pour la première fois. Une analyse des ondes cérébrales des cobayes montrait qu'elles "rajeunissaient" - et en arrivaient à ressembler aux ondes des jeunes adultes. Les effets duraient au moins six mois.

Le jeu vidéo a aussi amélioré les résultats à des tests d'attention et de mémoire. En d'autres mots, les bénéfices de NeuroRacer - qui visait à améliorer le multitâche - ont été transférés à d'autres types d'habiletés cognitives.

Une cure au vieillissement?

Les chercheurs vont maintenant chercher à déterminer si l'utilisation de ce type de jeu vidéo plus tôt à l'âge adulte protège contre le vieillissement cognitif.

«Ce n'est pas la première étude qui montre qu'on peut renverser les effets de l'âge sur les capacités cognitives», commente Sylvie Belleville, neuropsychologue à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal. «Mais ils précisent de combien d'années on parvient à rajeunir le cerveau et ils ont trois types d'interventions. Ça permet de montrer qu'effectuer une seule tâche à la fois n'améliore pas la capacité de faire du multitâche autant que deux tâches à la fois. On aurait pu penser qu'en s'entraînant à quelque chose, on deviendrait meilleur pour le faire en présence de distraction. Et surtout, ils ont trouvé une manière ludique de pratiquer ses habiletés cognitives. Souvent, ce type d'études utilise des tests de mémoire, des mots croisés.»

L'équipe de Mme Belleville publiera sous peu une étude similaire sur le multitâche. «J'étais bien fâchée quand j'ai vu qu'ils publiaient avant nous», dit la professeure de l'Université de Montréal en riant. Un de ses collègues travaille également sur l'effet cognitif des jeux vidéo, mais en utilisant ceux qui sont sur le marché.

De nombreuses entreprises proposent des entraînements cognitifs censés enrayer le vieillissement du cerveau. Ces études ne constituent-elles pas une publicité gratuite pour ces produits parfois coûteux dont l'efficacité n'est pas toujours prouvée? En conférence de presse, le Dr Gazzaley a admis que ce souci éthique le tracasse, mais qu'il espère que ses travaux intéresseront des entreprises dignes de confiance.

«C'est justement pour cette raison qu'il faut savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas», ajoute Mme Belleville. Faudrait-il une certification gouvernementale pour de tels produits, comme pour les médicaments? «Sans aller jusque-là, on peut espérer que les personnes âgées vont s'informer de ce qui a fonctionné en laboratoire avant d'acheter une vidéo d'entraînement cognitif», dit-elle.

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L'inactivité cognitive coûte cher

Un cas de maladie d'Alzheimer sur cinq est attribuable à l'inactivité cognitive, selon Sylvie Belleville, neuropsychologue à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Parmi les facteurs protecteurs: avoir étudié longtemps, avoir des passe-temps ou un métier «cognitivement stimulant». En 2011, une étude de Mme Belleville a montré que 10 séances d'entraînement de la mémoire permettaient de raviver l'acuité du cerveau de patients présentant des signes précurseurs de la maladie d'Alzheimer - ce qui pourrait retarder de deux ou trois ans l'apparition des symptômes. Au Japon, un automobiliste de plus de 75 ans doit apposer à l'avant et à l'arrière de sa voiture un autocollant distinctif avertissant les autres conducteurs de son âge. Au Québec, les personnes de plus de 65 ans sont impliquées dans 80 à 100 accidents mortels par année, ce qui représente entre 15% et 25% du total des accidents. Environ 15% des automobilistes québécois ont plus de 65 ans.