Les scientifiques sont les premiers touchés par les compressions imposées par le gouvernement Harper à l'Agence spatiale canadienne. Et plusieurs craignent que cette situation ne compromette la compétitivité du Canada dans le domaine spatial.

Depuis un peu plus d'un an, 30 employés de l'Agence ont été avisés que leur poste serait aboli, selon l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC). La presque totalité d'entre eux (24 sur 30) sont des chercheurs, des directeurs de recherche ou des ingénieurs.

« On est en train de sabrer directement la capacité scientifique, s'inquiète Gary Corbett, président de l'IPFPC. Tout ce qui ne rapporte pas d'argent immédiatement est mis de côté. Ça va entraîner une perte de compétitivité qui va être récupérée par des pays comme le Brésil, l'Inde, la Chine ou le Japon. «

Pour l'instant, huit employés ont quitté l'Agence, selon Industrie Canada. Le sort des autres est incertain. Tous les employés concernés travaillent ou travaillaient à Saint-Hubert, sur la Rive-Sud.

D'autres départs suivront. Dans un rapport daté de mars dernier, le gouvernement Harper écrit vouloir faire passer les effectifs de l'Agence spatiale de 664 à 613 employés d'ici deux ans.

Expertise longue à bâtir

« Il faut plusieurs années pour bâtir une expertise dans un domaine aussi spécialisé, dit Marc Garneau, ancien président de l'Agence aujourd'hui député libéral. Quand on laisse aller les employés, ce n'est pas comme un robinet qu'on peut rouvrir tout de suite après. «

Dans son budget 2012, le gouvernement Harper a imposé des compressions annuelles de 29,5 millions à l'Agence spatiale dès 2014-2015, sur un budget principal de 310 millions. Des économies de 7,9 millions en 2012-2013 et de 24,7 millions en 2013-2014 ont aussi été exigées.

« Notre gouvernement garde comme priorité que le Canada demeure un chef de file des technologies spatiales, a répondu Industrie Canada par courriel. En travaillant à accroître son efficacité opérationnelle tout en offrant un programme spatial efficace, l'Agence spatiale canadienne contribue activement aux efforts que notre gouvernement déploie en vue de revenir à un budget équilibré. « Il n'a pas été possible de parler au ministre responsable de l'Agence, Christian Paradis.

L'industrie aérospatiale, pour qui l'Agence spatiale est souvent un client ou un partenaire important, presse Ottawa d'appliquer les recommandations du rapport Emerson, qui s'était penché sur l'avenir de l'industrie spatiale.

« Il y a un urgent besoin d'action dans le dossier spatial «, affirme l'Association des industries aérospatiales du Canada.

Industrie Canada promet une réponse à ce rapport « d'ici quelques mois «.

Après l'engouement suscité par la récente mission de l'astronaute canadien Chris Hadfield, l'Agence spatiale canadienne se retrouve donc dans l'incertitude. L'ex-président Steve MacLean, qui a démissionné le 1er février, n'a toujours pas été remplacé.

« Le gouvernement fera une annonce en temps opportun «, s'est borné à dire Raymond Rivet, du Bureau du conseil privé, vers lequel l'Agence a redirigé nos questions.

Le député Marc Garneau croit que M. MacLean a démissionné parce qu'il avait soumis un plan stratégique au gouvernement qui a été ignoré.

« C'était probablement une source de frustration pour lui - je ne sais pas, dit M. Garneau. Mais il y aurait dû avoir une réaction à son rapport. «

L'astronaute Chris Hadfield, que plusieurs voient à la tête de l'Agence spatiale canadienne, n'a pas voulu aborder la question le mois dernier après son retour sur Terre.

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L'agence en chiffres

> Employés: 664 (dont 90% sont à Saint-Hubert)

> Employés prévus en 2015-2016: 613

> Budget principal: 310 millions

> Budget principal prévu en 2015-2016: 276,3 millions

> Dépenses totales: 488,7 millions

> Dépenses totales prévues en 2015-2016: 382,9 millions

-Source: gouvernement du Canada