La notion de symétrie et sa rupture, notamment dans la formation de l'univers, sont au coeur des travaux qui ont valu mardi le prix Nobel de physique 2008 à l'Américain Yoichiro Nambu et aux Japonais Makoto Kobayashi et Toshihide Maskawa.

Depuis plus d'un siècle, la physique quantique, qui décrit le monde de l'infiniment petit, est gouvernée par des principes de symétrie.

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«Il y a par exemple une loi selon laquelle aucune énergie ne peut être perdue lors de collisions entre particules élémentaires», comme celles réalisées dans les accélérateurs de particules, selon le communiqué du comité Nobel.

En vertu du principe de symétrie, chaque particule élémentaire possède un partenaire, appelé antiparticule.

«D'un point de vue de physicien, la matière devrait être aussi banale que l'antimatière», a déclaré à l'AFP Etienne Augé, directeur adjoint de l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3), à Paris.

Autant pour la théorie. Le hic, c'est que l'univers qui nous compose et nous entoure est composé presque exclusivement de matière.

Les astrophysiciens ont effet calculé que dans la première milliseconde après le Big Bang, il y a 13,7 milliards d'années, matière et antimatière se sont annihilées l'une l'autre, à l'exception d'un dix-milliardième de matière excédentaire.

Dans l'univers, l'antimatière qui subsiste n'interagit que très peu avec la matière, au risque de disparaître. Mais l'antimatière peut être créée sans difficulté en laboratoire.

Ainsi, dans un hôpital, les appareils d'imagerie médicale appelés tomographes parviennent à reconstituer une image en relief en émettant des positrons (TEP), l'anti-particule de l'électron.

«L'antimatière n'a rien de mystérieux. Ce qui est bizarre, c'est que nous soyons dans un monde où n'y a presque que de la matière», selon Etienne Augé.

D'où vient alors la rupture de la symétrie à l'origine de la formation de l'univers ? La plupart des physiciens pensent que le responsable est le boson de Higgs, sorte de messager qui aurait conféré leur masse aux particules élémentaires, mais qui n'a encore jamais été observé.

Trouver le boson de Higgs est le principal objectif du Grand Collisionneur de Hadrons (LHC), le plus grand accélérateur de particules du monde enfoui à 100 mètres sous terre de part et d'autre de la frontière franco-suisse, près de Genève.

Ouvrant la voie à la prédiction de l'existence du «Higgs» en 1964, Yoichiro Nambu postulait dès 1960 que «les équations fondamentales sont symétriques, mais que le monde observable a perdu cette symétrie ou ne la montre pas», selon Etienne Augé.

Les chercheurs japonais Makoto Kobayashi, 64 ans, et Toshihide Maskawa, 68 ans, expliquent pour leur part que la rupture de symétrie au sein de ce «modèle standard» suppose «l'existence d'au moins trois familles de quarks dans la nature».

Sur la base de la symétrie brisée, ils ont ainsi démontré en 1972 l'existence d'une troisième famille de quarks. L'observation leur a donné raison, avec l'identification dans les accélérateurs de particules de deux nouveaux quarks, baptisés beauté et top.