Avec la pénurie de psychologues dans le réseau public, les universités doivent augmenter significativement le nombre d’étudiants admis au doctorat professionnel en psychologie.

Telle est la toute première des 18 recommandations du groupe de travail sur l’optimisation de la formation en psychologie et en santé mentale, présidé par Hélène David, ex-ministre de l’Enseignement supérieur.

« On peut facilement imaginer que la proportion des permis délivrés par l’Ordre [des psychologues] soit augmentée jusqu’à 75 % à 80 % », peut-on lire dans le rapport obtenu par La Presse.

Consultez le rapport

Le rapport suggère qu’un budget d’au moins 4 millions soit réservé, pendant un minimum de trois ans, pour que les admissions au doctorat soient haussées.

L’idée générale du rapport, c’est qu’il faut accélérer l’entrée en fonction de psychologues et ne plus échapper tous ces bacheliers qui, n’ayant pas accès au doctorat et au titre de psychologue, se retrouvent dans un cul-de-sac.

Le rapport met en lumière le problème de l’entonnoir des admissions, causé par l’accès très restreint au doctorat, faute de professeurs assez nombreux pour la supervision étroite qu’exigent des études supérieures.

Tant d’étudiants et d’étudiantes s’inscrivent dans les baccalauréats en psychologie et trop peu de diplômés viennent augmenter annuellement les effectifs à l’Ordre des psychologues du Québec.

Extrait du rapport

La bonne nouvelle, selon Hélène David, est que « la très grande majorité des universités consultées seraient prêtes à augmenter significativement leur nombre d’admissions [au doctorat] », pourvu qu’elles soient en mesure d’embaucher davantage de nouveaux professeurs et de superviseurs de stages et d’internats.

Le rapport ne recommande pas d’abandonner l’obligation de faire un doctorat pour obtenir le titre de psychologue. Par contre, il faut régler le problème des délais de diplomation, les étudiants n’en finissant plus de finir leurs études en psychologie.

Notamment en cause : l’envergure importante de l’essai de recherche exigé des doctorants, même quand ils s’orientent vers la pratique de psychologue et non pas vers une carrière de chercheur.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Hélène David

Le ministère de l’Enseignement supérieur doit donc « prendre les mesures nécessaires pour que les étudiants terminent le programme en quatre années maximum », dit le rapport.

À l’heure actuelle, est-il précisé, il existe des disparités importantes entre les universités, les doctorants de l’UQAM mettant en moyenne sept ans à temps complet pour obtenir leur diplôme, alors que ceux de l’Université de Montréal y arrivent en quatre ans environ.

Le rapport recommande aussi que le montant des bourses de soutien aux internes en psychologie soit porté à 30 000 $ annuellement et indexé au coût de la vie.

Pour la création de programmes pratiques

Le rapport n’évoque pas que le doctorat. « Si les conditions nécessaires sont réunies, il y aura bientôt des développements majeurs dans la formation des bacheliers et des bachelières en psychologie. »

Les signataires du rapport regrettent que les bacheliers qui n’intègrent pas le doctorat en psychologie aient actuellement « une préparation pratique inadéquate pour travailler dans les domaines de services sociaux, d’éducation ou de santé mentale ».

Les universités devraient donc mettre en place des programmes pratiques qui permettront aux diplômés de premier cycle de travailler en santé, en éducation, dans les services sociaux et en protection de la jeunesse, et ce, « sans interférer avec le diplôme, la profession et les actes réservés des psychologues et des autres professionnels de la santé mentale ».

Le rapport recommande également que le ministère de l’Enseignement supérieur encourage la création de programmes universitaires destinés aux membres d’ordres professionnels qui souhaitent obtenir un permis de psychothérapeute. (Les permis de psychothérapeute attribués à des non-psychologues proviennent des rangs des conseillers d’orientation, des sexologues et des travailleurs sociaux.)

Déjà, note le rapport, beaucoup de choses bougent dans ce domaine, laissant espérer que « “le parcours du combattant” pour devenir psychothérapeute [soit] bientôt chose du passé ».

7000 étudiants au baccalauréat en psychologie

Les programmes de psychologie jouissent d’une « immense popularité », souligne Mme David, ajoutant qu’« il y aurait actuellement plus de 7000 étudiants au baccalauréat dans cette discipline au Québec ».

Certains groupes ont indiqué au comité « qu’il n’y a pas réellement de pénurie significative de psychologues au Québec », peut-on lire.

« Leur nombre total indique en effet que le Québec compte près de la moitié des psychologues au Canada. »

Mais là où il en manque, c’est dans le réseau public. Avec une tendance de « privatisation grandissante des services psychologiques », il faut agir, plaide Hélène David, faute de quoi tous les psychologues formés ne viendront que multiplier les cabinets privés.

« Notre position est claire : la société a et aura toujours besoin de psychologues dans le secteur public, et ceux-ci répondront présents s’ils se sentent reconnus et valorisés à la hauteur de la formation et de l’expertise qu’ils possèdent. »

Hélène David, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, de même que le ministre délégué à Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, n’ont pas commenté mardi. Une conférence de presse qui contiendra des annonces basées sur ce rapport se tiendra jeudi à Québec.

L’histoire jusqu’ici

En novembre, La Presse a mis en lumière le mur contre lequel se butent des milliers de bacheliers en psychologie. Admis au premier cycle, ils sont ensuite empêchés d’accéder au doctorat, pourtant obligatoire pour obtenir le titre de psychologue.

C’est là une « rat race » entre étudiants, avait déclaré Hélène David, interpellée à titre d’ex-ministre de l’Enseignement supérieur et d’ex-professeure de psychologie à l’Université de Montréal.

Québec lui a alors confié la présidence d’un comité visant à trouver des solutions.

En savoir plus
  • Moins de 20 %
    Part des psychologues qui ont le réseau de la santé et des services sociaux comme lieu d’emploi principal
    Source : Rapport du groupe de travail sur l’optimisation de la formation en psychologie et en santé mentale
    232
    Nombre d’admissions à l’Ordre des psychologues du Québec en 2022
    Source : Rapport du groupe de travail sur l’optimisation de la formation en psychologie et en santé mentale