(Québec) Atteinte d’alzheimer précoce, Sandra Demontigny s’est mise à pleurer mercredi lorsqu’elle a appris que Québec se donne deux ans pour permettre les demandes anticipées d’aide médicale à mourir, qui seront autorisées dans la foulée de la nouvelle loi québécoise.

« Je ne m’attendais pas à ça et surtout pas deux ans... Deux ans, c’est très long quand on a la maladie d’Alzheimer et qu’on attend », a déploré Mme Demontigny, qui milite depuis plusieurs années en faveur des demandes anticipées d’aide médicale à mourir (AMM).

Les parlementaires ont terminé mardi soir l’étude détaillée du projet de loi 11 qui vise à élargir l’aide médicale à mourir. Le texte législatif qui devrait être adopté d’ici la fin de la session parlementaire permet aussi de faire une demande anticipée de ces soins ultimes.

Il a été convenu mardi que le régime applicable aux demandes anticipées entrera en vigueur dans un délai maximal de 24 mois après l’adoption de la loi, notamment pour mettre en place les protocoles cliniques.

« Bien sûr, on aurait souhaité que ce soit plus rapide, on comprend que des personnes vont être déçues, mais depuis le début, je l’ai mentionné, c’est une priorité, mais on va faire les choses correctement », a affirmé la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger.

Il y a eu les deux commissions parlementaires, les mémoires qui ont été écrits, puis on arrive à ça, après toutes ces années-là ? Je trouve ça difficile à recevoir.

Sandra Demontigny, qui milite en faveur des demandes anticipées d’AMM

La nouvelle a été très mal reçue par la mère de famille. « Je ne vous cacherai pas que je me suis mise à pleurer instantanément devant ma télé. J’avais un sentiment de déception et en même temps de frustration parce que je trouve qu’il y a tellement d’énergie qui se met là-dessus depuis longtemps », a lancé Mme Demontigny.

Le premier jet du projet de loi sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir est mort au feuilleton au terme de la dernière législature l’an dernier. Le projet de loi 11, cette fois piloté par Mme Bélanger, a été présenté en février.

De « longues discussions »

La ministre Bélanger a expliqué que de « longues discussions » avaient eu lieu mardi entre les parlementaires au sujet du délai de 24 mois. « C’est parce qu’il y a quand même beaucoup de préalables à la mise en application [des demandes anticipées], il faut bien faire les choses », a plaidé Mme Bélanger.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Sonia Bélanger

On a du travail à faire au sein de notre gouvernement, au niveau de notre ministère bien sûr pour accompagner les gens correctement. On veut aussi s’harmoniser aux autres lois.

La ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger

En commission parlementaire, le Barreau du Québec et le Collège des médecins avaient soulevé des préoccupations sur les demandes anticipées alors que le Code criminel ne prévoit pas d’exception sur le sujet, ce qui pouvait rendre certaines dispositions de la loi québécoise « inapplicables », selon eux.

La députée libérale Jennifer Maccarone est déçue. « Ce projet de loi a été préparé, réfléchi et étudié pendant des mois, même des années ! Cette ‟surprise” de dernière minute est un choc […], soyez assurés que nous veillerons à ce que le gouvernement s’active rapidement pour venir leur redonner un peu d’espoir », a-t-elle ajouté.

Mme Bélanger a expliqué que le délai de 24 mois est un maximum et que l’objectif est d’aller de l’avant plus rapidement si possible.

Un temps précieux

Pour sa part, Sandra Demontigny a plutôt l’impression de perdre un temps précieux. Elle craint de ne plus être apte à consentir à une demande anticipée d’ici deux ans. « Je ne le sais pas. Quand je regarde la vitesse de progression depuis quelques années, on peut se tromper, mais dans mon horizon à moi, je me disais que ça irait probablement dans deux, trois ans. Encore là, on peut se tromper », souligne-t-elle.

Même s’il était acquis qu’il y aurait un délai entre l’adoption de la loi et son entrée en vigueur, Mme Demontigny affirme que la durée de 24 mois « est un revirement majeur ».