(Québec) À la suite des révélations de La Presse, le ministre Christian Dubé ordonne aux PDG d’établissements de santé de procéder à une vérification des accès illégaux aux dossiers médicaux des patients et de congédier les employés fautifs, au besoin.

« [Ce que j’ai dit, c’est] donnez-moi l’ampleur de ce qui est arrivé et si des PDG doivent prendre des mesures avec certains employés, on va les prendre », a expliqué jeudi le ministre de la Santé. « Ça peut aller jusqu’à un congédiement », a-t-il affirmé en mêlée de presse.

La Presse rapportait jeudi que le dossier médical de l’animatrice Véronique Cloutier a été consulté à plusieurs reprises par du personnel sans motif valable. Le cas de Mme Cloutier n’est que la pointe de l’iceberg, alors que des milliers de violations du secret médical ont eu lieu. Québec ignore pour l’heure l’ampleur réelle du problème.

« Ce qui est arrivé dans le cas de Mme Cloutier, pour moi, c’est totalement inacceptable, que ce soit pour Mme Cloutier ou n’importe quels Québécois et Québécoises. Il n’y a pas personne qui doit avoir accès à leurs données malgré la vétusté de nos systèmes », a-t-il soutenu.

Christian Dubé a confirmé jeudi que la sous-ministre à la Santé, Dominique Savoie, a envoyé en début de semaine une directive à tous les PDG d’établissements de santé pour procéder à une journalisation des accès aux dossiers médiaux. Cette opération permet de consulter le journal des opérations informatiques effectuées dans un système, comme qui a eu accès et quand.

Le ministre de la Santé a cependant affirmé vouloir aller plus loin. M. Dubé a expliqué qu’il réfléchit à la possibilité de demander aux établissements de santé de « faire des échantillonnages » pour tenter de mesurer l’ampleur du problème.

« Ce que La Presse a réussi à faire ce matin dans sa recherche, c’est de dire [demander] à Mme Cloutier de participer parce que ce sont [ses] données. Je veux trouver la façon d’aller voir sans demander à tous les Québécois et en respectant la loi actuelle. Est-ce qu’on ne pourrait pas faire des échantillons à des endroits pour voir s’il y en a eu d’autres ? », a illustré le ministre.

En réponse aux questions des journalistes, M. Dubé a même indiqué qu’il demanderait une journalisation de son dossier médical. « C’est une bonne idée ! », a-t-il lancé.

Nouvelle loi sur les données

La directive envoyée par Dominique Savoie rappelle aux PDG des établissements qu’il est de leur responsabilité de veiller à la journalisation de leurs actifs informationnelle. « Des audits réguliers doivent être réalisés, avec des actions correctives en cas de consultations inappropriées de ces actifs », écrit la haute fonctionnaire dans la missive envoyée le 4 mai.

Mme Savoie leur souligne également qu’un rehaussement budgétaire de 87 millions de dollars a été accordé pour la modernisation technologique.

Le gouvernement Legault a fait adopter en mars la Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux (ancien projet de loi 3) qui permettra d’avoir un seul système informatique centralisé et de moderniser le parc informatique actuel. Elle imposera notamment des sanctions pénales à ceux qui consultent sans justification des dossiers médicaux. La loi sera pleinement en vigueur l’an prochain.

Des révélations « inquiétantes »

« C’est extrêmement grave », a réagi le porte-parole libéral en matière de santé, André Fortin. « Moi, c’est la toute dernière ligne [de l’article] qui me fait sursauter, c’est-à-dire qu’en Ontario, il y a eu 11 000 cas d’atteinte à la vie privée à travers un partage inadéquat des données en santé. »

S’il y en avait 11 000 en Ontario, là, il n’y en a pas que quelques dizaines au Québec. C’est un phénomène qui a probablement une ampleur similaire.

André Fortin, porte-parole libéral en matière de santé

Le député de Pontiac souligne par ailleurs que la Commission d’accès à l’information « a fait des demandes très spécifiques pour avoir des pouvoirs supplémentaires pour sévir contre des gens qui accéderaient de façon inappropriée aux données de santé » lors des consultations sur le projet de loi 3.

« Les données médicales, ça devrait être sacré », a affirmé de son côté le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

« C’est les données les plus confidentielles de toutes les données confidentielles ou à peu près. C’est très inquiétant de voir ça. Je ne pense pas avoir été le seul ce matin en lisant l’article à se dire : Oh ! Qu’en est-il de mon dossier médical ? Qu’en est-il de mes informations personnelles ? Je pense que bien des Québécois, bien des Québécoises vont se poser cette question-là. Il faut faire la lumière là-dessus », a-t-il demandé.

« On apprend aujourd’hui à la une de La Presse que le secret médical est bafoué sur une base quotidienne un peu partout. En fait, on n’a pas l’ampleur du problème », déplore le porte-parole péquiste en matière de santé, Joël Arseneau. « Je pense que le ministre Dubé a tous les leviers pour faire enquête, voir l’étendue du problème et sévir. C’est la confiance envers le système de santé qui est à risque », a-t-il ajouté.

Avec Hugo Joncas