Les opérations réalisées au privé coûteraient jusqu’à deux fois et demie plus cher qu’au public, montrent des données gouvernementales inédites dévoilées alors que Québec s’apprête à faire plus de place au privé en santé.

Ces données inédites proviennent d’un projet pilote lancé en 2016 par l’ancien ministre de la Santé, Gaétan Barrette, afin de comparer les coûts de cinq types d’interventions chirurgicales et procédures entre le réseau public et trois cliniques privées : RocklandMD, Chirurgie DIX30 et Opmedic.

Conclus en mars 2020, quelque temps avant le début de la pandémie, les résultats de ce projet pilote n’avaient jamais été rendus publics jusqu’à tout récemment. Une demande d’accès à l’information formulée par la chercheuse à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), Anne Plourde, est venue changer la donne.

« Ce projet pilote, qui visait à évaluer les manières les plus efficientes de dispenser les services de santé afin de faire la meilleure utilisation possible des fonds publics, a clairement prouvé que le public est plus efficace que le privé », estime-t-elle, en entrevue.

Du simple au triple

Selon les chiffres ainsi rendus publics, le coût de certaines interventions chirurgicales réalisées dans ces centres médicaux privés est en effet bien plus élevé que lorsqu’elles sont réalisées au public.

Par exemple, en 2019-2020, le coût d’une opération du tunnel carpien était en moyenne de 908 $ au privé contre 495 $ au public, une différence de 84 %, et celui d’une coloscopie courte était de 739 $ au privé, soit près du triple du coût de la même intervention au public, qui était de 290 $.

Dans de rares cas, des cliniques privées ont effectivement réussi à réaliser ces interventions à plus faible coût que dans certains établissements publics, mais en moyenne, c’est plutôt l’inverse.

Qui plus est, les résultats du projet pilote lancé par Gaétan Barrette montrent qu’entre les deux années étudiées, soit 2018-2019 et 2019-2020, les établissements publics sont parvenus à réduire de manière importante le coût de trois des quatre interventions pour lesquelles des données sont disponibles.

« C’est probablement lié aux conditions négociées avec les cliniques privées dans le cadre de ce projet-pilote là », pointe notamment Anne Plourde pour expliquer ces résultats.

De 4 à 80 millions

En effet, une marge de profit de 10 % avait été prévue pour les cliniques privées visées par le projet, et ce, sans parler du fait qu’elles n’assumaient aucun risque financier puisque le remboursement de la totalité des dépenses était garanti.

Le coût final du projet pilote, qui s’élève à 80 millions entre 2016 et 2020, démontre également que le privé n’est pas nécessairement source d’économies, estime Anne Plourde, puisqu’il devait au départ n’être que de 4 millions.

La Coalition avenir Québec veut augmenter la place du privé en santé en lançant un appel de projets pour construire deux nouveaux centres médicaux privés à mi-chemin entre un groupe de médecine de famille et un hôpital pour y traiter des cas mineurs qui n’ont pas besoin d’aller aux urgences.