(Québec) Punch, gomme balloune, pêche-mangue-goyave, Classic Ice : ces saveurs exotiques de vapoteuses seront bientôt chose du passé au Québec alors que le gouvernement Legault s’apprête à les interdire. L’industrie réplique et dit craindre « une crise de santé publique sans précédent », la fermeture de 480 boutiques spécialisées et la perte de 2000 emplois, mais des experts saluent la mesure.

« J’ai commencé à m’acheter du pot, puis j’ai commencé à fumer ça pour ne pas avoir envie de fumer quelque chose tout le temps. […] S’il n’y avait pas de saveur, peut-être que je ne fumerais pas », s’interroge, songeuse, Juliette.

Tout comme plusieurs jeunes rencontrés devant le cégep du Vieux Montréal, mercredi, cette dernière vapote, mais ne fume pas la cigarette, du moins de façon quotidienne. Tous disent vouloir arrêter lorsque leurs saveurs de vapoteuses ne seront plus offertes en vente libre.

C’est plate, je vais sûrement arrêter ça, surtout que c’est devenu ca***ment cher, avec les taxes et tout.

Anthony, 20 ans

« Il y a ben du monde que je connais qui va faire la même affaire », a dit un autre, en qualifiant de « pas ben bonne » la saveur de tabac, la seule qui restera autorisée.

Les ventes de celle-ci ne représentent que 8 % des produits de vapotage dans la province, selon une étude publiée par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) le mois dernier. La moitié des produits vendus entre janvier et mai 2022 étaient plutôt à saveur de fruits et 40 %, à saveur de menthe.

Extrêmement important

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a rendu public mercredi, dans la Gazette officielle du Québec, ce projet de règlement dont La Presse faisait état le 2 mars. Il entrera en vigueur dans 90 jours.

Selon Christian Dubé, éliminer les saveurs était extrêmement important. S’il dit s’attendre à une hausse de la contrebande, ce n’était pas assez fort pour ne pas aller de l’avant avec cette mesure.

Québec souligne d’ailleurs que « ce projet de règlement devrait avoir un impact financier sur les entreprises qui tirent des revenus de la vente de ces produits, notamment en ce qui a trait à la diminution de leur chiffre d’affaires et à la perte d’emplois, et ce, particulièrement pour les boutiques spécialisées en produits de vapotage. Toutefois, un impact moindre est envisagé pour les entreprises qui offrent une variété d’autres produits, comme les dépanneurs et les stations-service. »

« C’est excessivement payant pour les lobbys de cigarettes de s’adjoindre avec le vapotage, parce que c’est une façon d’encourager les nouveaux fumeurs, alors c’est normal qu’il y ait du lobby. Mais nous, on est très fermes, là-dessus », a néanmoins déclaré Christian Dubé.

Une mesure saluée

L’annonce a rapidement été saluée par des intervenants en faveur d’une plus grande restriction des produits du vapotage.

Selon une étude financée par Cœur+AVC et menée auprès de Québécois âgés de 16 à 24 ans, ceux-ci commenceraient à vapoter avant leur 15e anniversaire, le feraient six jours par semaine et 31 fois par jour, en moyenne. « Plus du quart des jeunes ont commencé à fumer la cigarette après avoir commencé à vapoter, car ils sont dépendants à la nicotine », a rappelé le directeur des relations gouvernementales au Québec de l’organisme, Kevin Bilodeau.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Vapoteuse à saveur de pêche, mangue et goyave

Quant à la présence d’arômes dans les produits de vapotage, ce dernier ajoute que « neuf jeunes sur dix mentionnent que c’est une raison importante pour laquelle ils ont commencé à vapoter et le même nombre affirme que c’est un facteur important pour continuer ».

Si l’annonce de mercredi est « un pas dans la bonne direction » et une « nouvelle attendue depuis longtemps », le Dr Nicholas Chadi, pédiatre et chercheur spécialisé en médecine de l’adolescence, croit qu’il faudra en faire plus afin de lutter contre le fléau du vapotage chez les jeunes Québécois.

L’industrie en furie

L’industrie voit toutefois les choses d’un autre œil et dit craindre une « crise de santé publique sans précédent » et la création d’un « nouveau marché noir du vapotage » alors que « des centaines de milliers d’ex-fumeurs adultes seront privés d’une [solution de rechange] efficace à la cigarette et seront tentés de recommencer à fumer ».

« Le gouvernement de François Legault fait preuve d’un dogmatisme inacceptable et d’aveuglement volontaire ! La prohibition, comme on l’a vu avec l’alcool et le cannabis, n’a jamais fonctionné », s’est ainsi indigné le directeur fondateur de l’Association des représentants de l’industrie du vapotage, Daniel Marien.

L’interdiction des saveurs dans le vapotage entraînerait la fermeture de la majorité des 480 boutiques spécialisées et la perte de la majorité des 2200 emplois au Québec.

Consultez le projet de règlement Lisez « Parfums dans les produits de vapotage : Québec prêt à sévir »

Ce que prévoit le règlement présenté mercredi

  • Les produits de vapotage qui ont une saveur ou un arôme autre que ceux du tabac seront bientôt interdits au Québec.
  • La capacité des réservoirs et des capsules de vapoteuses sera limitée à 2 ml et le volume maximal des contenants de recharge de liquides à vapoter à 30 ml.
  • Québec limite également à 20 milligrammes par millilitre la concentration en nicotine des produits de vapotage.
  • Les vapoteuses ne pourront plus avoir une apparence qui peut être attrayante pour les mineurs, comme la forme d’un jouet, d’un bijou, d’un aliment, d’un animal ou d’un personnage fictif ou réel.