À Saguenay et à Québec, des hôpitaux ont adopté un nouveau mode de prétriage aux urgences. Le premier contact se fait désormais virtuellement, avec une infirmière qui se trouve à l’écran.

Le journal Le Quotidien a raconté cette semaine la surprise qu’a eue une patiente victime d’un traumatisme à la tête qui, en arrivant aux urgences de l’hôpital de Chicoutimi, s’est d’abord retrouvée face à un « prétriage » virtuel par Teams. Une initiative visant à réduire l’attente, explique le CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean dans l’article.

À l’heure actuelle, deux urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec font de même et celles des trois autres hôpitaux de ce réseau suivront sous peu.

Mylène Ferrand, qui y est coordonnatrice des soins critiques aux urgences, a été aux premières loges de l’implantation de cette façon de faire.

Où se trouve l’infirmière virtuelle ? Un peu à l’écart, dans un bureau. Si quelqu’un s’écroule devant l’écran, ça ne sera pas elle qui va se précipiter pour venir en aide au patient. Un code sera aussitôt déclenché pour que le personnel tout à côté fasse la prise en charge.

Car l’infirmière qui est placée au prétriage, au CHU, est enceinte ou immunosupprimée.

Un des avantages de cette initiative, dit Mme Ferrand, c’est justement l’apport de cette infirmière « qui ne peut pas faire du terrain », mais qui peut néanmoins apporter sa contribution.

« Ça nous fait une infirmière de plus aux urgences », poursuit Mme Ferrand.

Cette infirmière au prétriage pose des questions sommaires, demande au patient ce qui l’amène à l’hôpital et évalue à quel point son état requiert qu’il soit vite vu au triage, là où une infirmière prend entre autres les signes vitaux et attribue un code de priorité (de 1 à 5).

Depuis qu’une infirmière virtuelle effectue le prétriage, Mme Ferrand assure que l’attente pour être vu à l’étape suivante, au triage, ne dépasse jamais une heure, « alors que dans les heures de pointe, ça pouvait monter à trois ou quatre heures ».

Conscients que tous ne sont pas à l’aise avec le fait de voir d’abord une infirmière sur un écran, les patients ont l’option de voir une professionnelle en personne à leur arrivée, précise Mme Ferrand.

Comme il faut encore plusieurs heures pour voir un médecin, une infirmière doit, à intervalles répétés, réévaluer les patients. Cette tâche est maintenant aussi attribuée à l’infirmière virtuelle, qui jette également un coup d’œil à la salle d’attente en tout temps.

Québec salue ce projet qui a aussi été mis en place dans les centres de vaccination, indique Antoine de la Durantaye, attaché de presse de Christian Dubé, ministre de la Santé.

C’est un exemple concret de ce qu’on peut réaliser avec les nouvelles technologies pour assurer une plus grande accessibilité en fonction des besoins des patients, comme on le fait notamment avec la télémédecine.

Antoine de la Durantaye, attaché de presse du ministre de la Santé, Christian Dubé

À Montréal, aucun hôpital contacté n’a dit avoir un projet de prétriage virtuel dans les cartons.

La FIQ y est favorable

Julie Bouchard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), dit que son syndicat aura « un œil ouvert sur les expériences actuelles [pour] voir si cela ne vaudrait pas la peine d’exporter la pratique dans d’autres urgences ».

La Dre Judy Morris, présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec, trouve pour sa part l’idée « super intéressante », notamment parce qu’elle permet à un membre du personnel d’apporter sa contribution même si son état de santé ne lui permet pas ponctuellement d’être sur le terrain.

Elle souligne cependant que l’infirmière virtuelle devra rester une « aide additionnelle » et que cela ne doit jamais se traduire par le retrait d’une personne sur le terrain, parce que tous les bras sont nécessaires, entre autres quand quelqu’un d’un peu agressif se présente à l’hôpital.

La Dre Morris ajoute que le prétriage doit être fait par une infirmière d’expérience qui connaît bien le milieu, cette tâche exigeant de grandes compétences.

Le DAlain Vadeboncœur, urgentologue à l’Institut de cardiologie de Montréal qui a participé à la fin des années 1990 au développement d’une échelle de triage aux urgences, ne voit pas non plus d’inconvénient à la nouvelle pratique en place dans certains établissements.

Aux urgences, les gens s’attendent souvent « à se sentir pris en charge », alors il faut bien évaluer que les patients soient à l’aise avec le concept. Mais a priori, que les premières questions de base soient posées par une infirmière qui se trouve à un écran plutôt que derrière une vitre comme c’est le cas actuellement, cela relève de la même logique, selon le DVadeboncœur.