Au moment où le grand virage vers les soins à domicile se fait attendre au Québec, l’Hôpital général juif de Montréal met les bouchées doubles. Des patients sont désormais suivis pour une panoplie de conditions médicales, et ce, directement dans le confort de leur foyer.

Après avoir réussi à y échapper depuis le début de la pandémie, Ted Samuels a contracté la COVID-19 à la fin de janvier. Le Montréalais a été admis à l’Hôpital général juif quelques jours après que son état a commencé à se dégrader. « Contrairement à beaucoup de personnes, j’étais très bien à l’hôpital. J’avais une chambre privée, et les soins étaient super », se remémore-t-il.

Après deux semaines d’hospitalisation, l’équipe médicale lui a proposé de continuer son suivi à domicile. « J’avais une petite crainte que j’allais peut-être moins bien prendre soin de moi-même que les infirmières prenaient soin de moi », confie-t-il, en entrevue avec La Presse.

Au total, quatre infirmières et trois médecins ont suivi son état à distance. Différents capteurs portés à même la peau permettaient aux professionnels de la santé de suivre en temps réel sa fréquence cardiaque, sa pression, sa saturation et sa température.

On m’appelait deux fois par jour. C’était un peu comme être à l’hôpital, mais chez moi.

Ted Samuels

Un programme créé en quelques heures

L’unité virtuelle de l’Hôpital général juif a fêté son premier anniversaire en janvier. « En janvier 2022, on a eu une rencontre un vendredi après-midi à 14 h. Le PDG a dit : “Je veux un hôpital à domicile lundi matin” », se rappelle le directeur médical des soins virtuels, le DLawrence Rudski.

« On a mobilisé une cinquantaine de personnes pendant le week-end à travers toutes les professions. Ç’a été vraiment impressionnant », renchérit Joanne Côté, directrice de la direction de la qualité, transformation, évaluation, valorisation et éthique (DQTEVE) et des soins virtuels.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

L’Hôpital général juif de Montréal

Pendant les trois premiers mois, le service était réservé aux patients atteints de la COVID-19. Dans la dernière année, l’équipe a poussé l’expérience plus loin avec des patients souffrant notamment d’insuffisance cardiaque, de maladies pulmonaires et de pneumonie.

Jusqu’à présent, 198 patients ont été hospitalisés à domicile pour une durée moyenne de sept jours. Plus de 70 autres, nécessitant un suivi médical plus léger, ont participé au programme de récupération à domicile.

Sélectionner minutieusement les patients

Pour être suivi à domicile, le patient doit être stable et idéalement compter sur l’aide d’un proche aidant à la maison. « Il y a une infirmière qui évalue le patient et s’assure qu’il a un bon profil pour le programme. Ensuite, le patient a le choix de rester à l’hôpital ou d’aller chez lui », dit la codirectrice administrative des soins virtuels et directrice adjointe de la DQTEVE, Erin Cook.

Une ou deux fois par jour, une équipe multidisciplinaire composée de médecins et d’infirmières contacte le patient par vidéoconférence. L’hôpital met à la disposition du patient une tablette électronique et le soutien technologique.

Une application permet même aux infirmières de commencer la réunion virtuelle à la place du patient. « Le patient a vraiment juste besoin d’allumer la surface. Donc, ça fonctionne même pour les populations qui sont moins à l’aise avec la technologie », lance la coordonnatrice du volet Transformation du DQTEVE, Kimberly Gartshore.

Au deuxième étage de l’hôpital, les données sur l’état des patients suivis à domicile s’affichent en temps réel sur des écrans. Ce centre de commandement permet aux professionnels de la santé d’agir dès que des indicateurs hors normes sont relevés.

Faire grandir le programme

Jusqu’à présent, 93 % des patients se sont dits satisfaits de leur expérience de soins à domicile, indique Mme Cook.

Juste avant Noël, on a eu un patient de 97 ans qui était suivi à domicile et qui est décédé quelques semaines plus tard. La famille nous a remerciés parce que cet homme-là a pu avoir une dernière fête pour son anniversaire, chez lui, avant de mourir.

Kimberly Gartshore, coordonnatrice du volet Transformation du DQTEVE

Dans les prochains mois, l’hôpital souhaite « continuer de grandir et développer » son programme de soins à domicile. « Une chose qui nous empêche de développer davantage, c’est qu’il y a 56 % de nos patients qui ne viennent pas de notre territoire. Donc, on ne peut pas les admettre dans le programme, parce qu’il faut qu’on s’assure des soins à domicile à ces personnes-là », note toutefois Mme Cook.

À terme, si d’autres établissements de santé se joignent au programme, le nombre de patients suivis pourrait être grandement augmenté, soutient Mme Cook. « Il y a vraiment un intérêt de la part du Ministère [de la Santé] de développer davantage ce programme dans d’autres établissements à travers la province, dit-elle. Donc, on est très contents. »