(Québec) L’ex-ministre de la Santé Gaétan Barrette applaudit « à tour de bras » la réforme Dubé et salue le « guts » du premier ministre François Legault de faire ce que Philippe Couillard l’avait empêché de faire par crainte des syndicats.

En entrevue avec La Presse, Gaétan Barrette multiplie les « bravo » et les « alléluia » après la lecture d’une série de mesures que le gouvernement a l’intention de mettre en œuvre avec son projet de loi sur Santé Québec et l’efficacité du réseau attendu cette semaine. Aussi bien la révision de la règle de l’ancienneté que les nouvelles obligations prescrites aux médecins spécialistes, par exemple. La Presse en a fait état dans deux textes lundi.

J’applaudis à tour de bras, j’en ai les mains brûlantes ! J’ai un ministre de la Santé qui va continuer ce que j’ai commencé.

Gaétan Barrette, ex-ministre de la Santé

« C’est la chose que je ne pouvais pas faire parce que j’avais tout le monde contre moi et que j’avais un premier ministre qui a choké, […] qui a arrêté parce qu’il avait peur des acteurs. Là, il y a un premier ministre qui, pour le moment, ne choke pas et fait le pas que je n’ai pas fait. »

Il ne faut pas sous-estimer, selon lui, l’ampleur de la vague de critiques qui déferlera. « Ça va être la troisième guerre mondiale ! Et moi, je vais applaudir le gouvernement pour qu’il tienne son bout. […] François Legault a du guts. La grande question, c’est simple : est-ce que François Legault, devant la résistance, va reculer ? »

Gaétan Barrette soutient qu’il militait pour la création d’une agence comme Santé Québec, chargée de coordonner les opérations du réseau, à l’époque où il présidait la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). Comme ministre, il est allé « le plus loin » qu’il a pu avec la loi 10, qui a fait passer le nombre d’établissements de 182 à 34. Il dit avoir lui-même mis de l’avant certaines mesures de la réforme Dubé, comme celle d’exiger des médecins spécialistes qu’ils évitent les ruptures de services et les découvertures en région, mais « ça a été défait par la suite ». Il l’avait fait dans son cas sous peine de sanctions.

« Le temps d’attente aux urgences est passé de 20 heures à 12 heures 30 quand je suis parti. Pourquoi ? Parce qu’avec l’entente avec les médecins, et la loi 20, ils avaient l’obligation, tôt dans la journée, d’aller faire leurs consultations à l’urgence. Mais il y a eu relâchement après que je suis parti. Ils reviennent avec ça, alors je dis bravo. »

Au gouvernement, on soutient que le projet de loi à venir est bien différent de la méthode Barrette, jugée trop punitive.

Gaétan Barrette plaide néanmoins à répétition que bien des éléments de la réforme Dubé ont été avancés par lui-même dans les dernières années. « Un moment donné, peut-on constater que je l’ai déjà dit et qu’ils le font ? Ils font tout pour qu’il n’y ait pas de lien avec moi, mais un moment donné, ce serait-tu juste le fair play médiatique de le faire, le lien ? Parce qu’il est évident, le lien, il n’est même pas subtil. »

« Il y a bien du monde à la CAQ qui m’a consulté, mais ça demeure dans le domaine du privé. Pas au sujet de la loi, mais pour ma vision des choses. Manifestement, ils ont enregistré ce que je leur ai dit. Mais il n’y a pas de surprises là-dedans : j’ai été à la CAQ. Pourquoi vous pensez qu’il [François Legault] m’a recruté en 2012 ? »

Candidat caquiste, il s’était fait battre dans Terrebonne cette année-là. Il était passé dans le camp libéral en 2014. Il a quitté la vie politique l’an dernier.

La remise en question de la primauté de l’ancienneté, « je l’ai proposée à tous les syndicats en 2015, et ils m’ont reviré de bord. Tous les présidents de syndicats m’ont dit : ‟oui, je suis d’accord, mais vous savez, on a un conseil d’administration, un conseil général…” Les individus m’ont dit oui, les organisations m’ont dit non. C’est une belle phrase, vous avez votre clip ! »

Il faut casser le pouvoir des syndicats, qui est rendu un pouvoir dictatorial. Ça, c’est une bonne affaire. Les syndicats dans le dossier de la santé, ils sont là pour leurs intérêts, pas pour ceux des patients. Et je suis on the record !

Gaétan Barrette, ex-ministre de la Santé

L’ancien président de la FMSQ dit avoir pour le moment quelques « critiques » au sujet de ce que l’on sait actuellement de la réforme Dubé. « Il va falloir définir le panier de services, le financer adéquatement et avoir un système d’information. Et il faut des livrables. Il faut que la loi ait des dents » pour s’assurer que les objectifs soient atteints, a-t-il affirmé.

La FMSQ attend le dépôt du projet de loi de Christian Dubé, mercredi ou jeudi, avant de donner des entrevues.

Lisez « De nouvelles règles prescrites aux médecins spécialistes » Lisez « La loi s’attaquera au ‟carcan syndical” »