(Québec) Le coup de pouce d’Ottawa permet au gouvernement Legault d’injecter un milliard d’argent frais en santé dès cette année. La part de lion va au Plan santé de Christian Dubé, qui veut conserver les centres de vaccination pour désengorger les hôpitaux et s’attaquer à l’attente en chirurgie. La santé mentale obtient « une note de bas de page », déplore Québec solidaire.

Ce qu’il faut savoir

  • Québec investit un milliard par année d’argent frais dans le réseau de la santé et des services sociaux pour des investissements additionnels de 5,6 milliards.
  • Québec touchera 1 milliard dès cette année avec la hausse des transferts fédéraux en santé.
  • La croissance des dépenses en santé est plus importante que prévu et se fixe à 7,7 %.
  • Les nouveaux investissements en santé mentale sont nettement insuffisants aux yeux de l’opposition.

Bien qu’insuffisante aux yeux de Québec, la hausse des transferts fédéraux en santé profite aux visées du ministre de la Santé, qui a présenté son plan de redressement du réseau de la santé et des services sociaux, mis à mal pendant la pandémie.

Québec allongera un milliard de plus par année pendant cinq ans dans son réseau de la santé pour des investissements additionnels de 5,6 milliards d’ici 2027-2028.

C’est l’essentiel des montants qu’il touchera annuellement grâce à l’augmentation des transferts fédéraux (environ 4,7 milliards d’ici 5 ans).

« Les sommes [du fédéral] sont modestes sur l’ensemble du cadre financier », a nuancé le ministre des Finances, Eric Girard. « Ces sommes vont partout parce que les priorités du fédéral, c’est le personnel, les soins à domicile, les données, les technologies, les chirurgies ».

La croissance des dépenses du portefeuille de la santé – le plus important poste budgétaire du gouvernement – est d’ailleurs plus importante que prévu avec 7,7 % pour atteindre 59 milliards.

Cette hausse devait être initialement autour de 4,5 % s’explique par les nouveaux fonds fédéraux et le renouvellement à venir des conventions collectives des travailleurs de la santé. Elle tient aussi compte des dépenses non récurrentes en lien avec la pandémie.

Sans ces « redressements », la croissance des dépenses serait beaucoup plus modeste, à 2,1 %.

Croissance des dépenses en santé

  • 2022-2023 : 58 milliards + 12 % (année pandémique)
  • 2023-2024 : 59 milliards + 7,7 %
  • 2024-2025 : 60 milliards + 3,6 %

Combien ?

Pour redresser le système de santé

  • 5,6 milliards sur cinq ans
  • 1 milliard pour 2023-2024

Améliorer « l’efficacité » du réseau

Le ministre Dubé pourra compter sur une nouvelle cagnotte de 3 milliards, dont 612 millions pour la première année, pour rendre le système de la santé plus efficace.

Première surprise : Québec allongera 272 millions dès cette année pour garder ouverts les centres de vaccination et de dépistage où l’on ajoutera des activités de prévention et d’autres services de première ligne pour désengorger le système hospitalier.

Le ministre des Finances a évoqué les prélèvements sanguins qui pourraient être réalisés dans ces centres plutôt qu’à l’hôpital ou en CLSC. On ne parle pas ici des mégas centres, comme le Stade olympique ou le Palais des congrès, mais des cliniques plus petites.

Combien ?

Pour rendre le réseau « plus efficace »

  • 3 milliards sur cinq ans
  • 612,5 millions en 2023-2024

Création de l’agence Santé Québec

Le gouvernement Legault injecte aussi 60 millions sur deux ans (20 millions cette année, puis 40 millions l’an prochain) pour créer l’agence Santé Québec, le prochain grand chantier du ministre de la Santé. Son projet de loi est attendu la semaine prochaine à Québec.

Christian Dubé a promis que sa réforme, qui vise à décentraliser le système de santé pour le rendre plus efficace, allait « shaker » les colonnes du temple en modifiant les structures actuelles. Les budgets annoncés pourront servir à embaucher des gestionnaires de proximité, notamment.

Tout le volet opérationnel du Ministère sera centralisé dans cette nouvelle agence, qui sera dirigée par un PDG. Le Ministère conservera son rôle d’élaborer les politiques et les grandes orientations.

La Presse rapportait lundi que le ministre espère embaucher les « top gun » de l’industrie pour mener à bien sa réforme, qui devrait entrer en vigueur en 2024.

Offensive pour les chirurgies

Autre nouveauté, Québec revoit à compter du 1er avril le modèle de financement des établissements de santé pour s’attaquer aux listes d’attente en chirurgie. C’est-à-dire que les établissements obtiendront du financement à la pièce, en fonction de leur volume de chirurgie.

Le réseau fonctionne déjà de cette façon pour les activités en radio-oncologie, en imagerie médicale et en coloscopie/endoscopie digestive. Dans le secteur de la radio-oncologie, Québec a enregistré une augmentation de la productivité de 26 % par rapport à 2014-2015.

Le gouvernement espère ainsi stimuler « la performance » et réduire les délais d’attente en chirurgie. Les listes d’attente se maintiennent à des sommets depuis la pandémie. En date du 31 décembre, 20 649 personnes étaient en attente d’une chirurgie depuis plus d’un an.

L’objectif est de « ramener » ce nombre au niveau prépandémique – autour de 3000 – en 2024. L’an dernier, M. Dubé disait vouloir atteindre cette cible d’ici avril 2023.

Ajout de cliniques d’IPS

Québec prévoit également créer 23 nouvelles cliniques d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS) d’ici 5 ans, dont 6 dès la prochaine année, pour accroître l’accès à la première ligne. La création de ces cliniques nécessitera des investissements totaux de 395 millions d’ici 2027-2028.

Ce genre de clinique a fait ses preuves pour désengorger les urgences qui ont été frappées par un fort achalandage l’automne dernier. L’an dernier, six cliniques IPS d’ailleurs ont été créées. Leur nombre atteindra donc 12 au cours de la prochaine année.

Peu d’ajouts pour la santé mentale

Malgré les drames de Laval, Amqui et Rosemont qui ont ébranlé le Québec, la santé mentale obtient « une note de bas de page » dans le budget Girard, a déploré Québec solidaire. Le Parti québécois a aussi dénoncé des « sommes peu ambitieuses ».

Québec investit 40 millions de plus cette année pour accroître l’accès aux services de santé mentale, en itinérance et en dépendance (211 millions sur cinq ans). Précisément pour répondre aux enjeux de santé mentale, les montants atteignent 27 millions en 2023-2024.

« C’est extrêmement important », s’est défendu le ministre Girard qui a rappelé que le gouvernement a fait des investissements notables depuis qu’il est au pouvoir. « Les besoins ont augmenté », admet-il.

En bref

Soins à domicile

Québec poursuit son virage vers les soins à domicile en investissant 103 millions cette année. C’est moins que l’engagement électoral de la CAQ qui prévoyait des sommes de 150 millions en 2023-2024. Le gouvernement prévoit augmenter le rythme de ses investissements pour atteindre des sommes additionnelles de 963,5 millions d’ici 5 ans.

CHSLD privés

Québec se donne cinq ans (20 millions par année) pour conventionner la quarantaine de CHSLD privés dans le but « d’harmoniser l’offre de soin ». Le gouvernement Legault a conclu l’an dernier un premier projet-pilote qui a permis de conventionner trois établissements privés. On apprend dans le budget que le processus de conventionnement a progressé de façon « notable » au cours des derniers mois dans 16 CHSLD privés. Québec avait dans sa ligne de mire de conventionner une vingtaine d’établissements privés au 31 mars 2023.

Vaccin gratuit pour le zona

Les Québécois pourront se faire vacciner gratuitement contre le zona. Le gouvernement Legault réserve 124,6 millions sur 5 ans pour offrir un accès gratuit à la vaccination contre cette infection virale, qui provoque une éruption cutanée douloureuse. Québec espère vacciner 800 000 personnes durant cette période. La mesure doit entrer en vigueur cette année. Les détails seront précisés ultérieurement.