(Québec) Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, veut des « top guns » du secteur privé pour diriger sa future agence Santé Québec, un moyen d’améliorer la performance et l’efficacité du plus gros réseau de l’État, selon lui.

Il est prêt à mettre sur la table des offres salariales concurrentielles pour attirer des candidats, quitte à sortir du cadre standard de rémunération du secteur public.

Selon ce qu’a appris La Presse, dans une initiative exceptionnelle, Christian Dubé s’adressera lundi à huis clos à une cinquantaine de gens d’affaires qui ont répondu à une invitation faite par l’entremise de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il s’agit de dirigeants de sociétés telles IBM Canada, Google Canada, Énergir, Accenture, Pharmaprix et KPMG.

Christian Dubé, lui-même ancien vice-président de Cascades, leur demandera de lui recommander des candidats parmi leurs réseaux afin de pourvoir les sept ou huit postes de direction de Santé Québec, qui sera en activité l’an prochain.

Le ministre Dubé déposera la semaine prochaine son projet de loi pour créer cette agence qui sera chargée de coordonner les opérations du système de santé. Le Ministère se concentrera désormais sur la définition des orientations principalement.

Les PDG des CISSS et des CIUSSS se rapporteront directement à Santé Québec ; les conseils d’administration de ces établissements sont remis en question, car le nombre de paliers administratifs sera réduit.

Coup de barre

On a souvent dépeint Santé Québec comme un déplacement de deux ou trois branches de l’organigramme du Ministère et un transfert de fonctionnaires dans une agence dotée d’un mandat opérationnel. Mais comme le signalait le premier ministre François Legault en entrevue avec La Presse au début du mois, ce sera bien davantage. Des changements majeurs sont à venir dans la gouvernance du réseau de la santé – tout comme dans celui de l’Éducation, d’ailleurs, insistait-il. Québec veut notamment se donner plus de pouvoir dans la gestion, sans « tout centraliser ».

Christian Dubé reprenait d’ailleurs le message du premier ministre en déclarant il y a quelques jours que « les colonnes du temple vont shaker ». Son projet de loi portera d’ailleurs plus largement sur l’amélioration de « l’efficacité » du réseau de la santé.

Devant les gens d’affaires, Christian Dubé n’ira pas par quatre chemins, signale-t-on en coulisses : le système de santé est inefficace. La création de Santé Québec vise à donner un coup de barre.

L’agence exécutera le Plan santé dévoilé par le ministre il y a un an et dont le bilan est bien mitigé jusqu’à présent. Le ministre s’accorde pour le moment un résultat légèrement au-dessus de la note de passage, se félicitant surtout que plus de Québécois que prévu sont maintenant inscrits à un groupe de médecine de famille.

Complémentaires et performants

Pour mener à bien son plan, Christian Dubé veut des nouveaux visages et, surtout, des nouveaux profils à la barre du paquebot de la santé qui compte plus de 330 000 employés. Le gouvernement souhaite un changement de culture, a-t-on répondu à La Presse, qui a eu vent de ses intentions de recrutement dans le privé au cours des dernières semaines.

Il ne veut pas se limiter à des fonctionnaires pour pourvoir des postes à Santé Québec, explique-t-on. On donnera certes quelques promotions à l’interne, et on puisera dans le sérail de l’administration publique afin d’avoir des personnes qui connaissent le système de santé. Mais pour transformer le réseau comme il le souhaite, le ministre veut ajouter à la direction de Santé Québec des personnes complémentaires venant de l’extérieur, des dirigeants et gestionnaires d’entreprise considérés comme performants. Des « top guns » du secteur privé, comme on le dit en coulisses.

Le ministre a l’intention de faire des offres salariales compétitives. Et le message sera passé clairement aux gens d’affaires lundi, selon nos informations.

On se dit même prêt à sortir du cadre de rémunération actuel du ministère de la Santé.

En entrevue, François Legault parlait de la nouvelle agence comme d’un « Hydro-Santé », laissant entendre que l’on doit voir Santé Québec comme une organisation semblable. Hydro-Québec est une société d’État à vocation commerciale – ce que ne sera pas Santé Québec, bien entendu. Elle verse de hauts salaires à ses dirigeants, dans les quelques centaines de milliers de dollars – plus de 600 000 $ pour sa PDG Sophie Brochu, qui quittera ses fonctions le mois prochain.

Québec n’a pas encore fixé une échelle de rémunération pour les dirigeants de Santé Québec. On ne s’avance pas sur des montants. On ignore donc pour le moment jusqu’où il ira.

Dominique Savoie gagne 310 000 $ comme sous-ministre à la Santé – son poste n’est pas remis en question ; on vient d’augmenter son salaire. Comme c’est l’usage, les médecins qui deviennent sous-ministres touchent souvent davantage : par exemple, l’ex-sous-ministre adjointe Lucie Opatrny avait droit à plus de 360 000 $ et obtient maintenant près de 400 000 $ comme PDG du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – elle sera hiérarchiquement sous la direction de Santé Québec. Les autres sous-ministres gagnent autour de 200 000 $. Plusieurs hauts fonctionnaires, et pas seulement à la Santé, ont bénéficié d’augmentations de salaire importantes au cours des derniers mois.

À l’heure actuelle, à une ou deux exceptions près, on retrouve des fonctionnaires de carrière, d’anciens employés politiques et des gestionnaires issus du réseau de la santé dans le haut de l’organigramme tentaculaire du Ministère.