(Québec) La crise aux urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont ne se résume pas à une histoire de climat de travail. C’est aussi le résultat d’un achalandage trop élevé pour la capacité des installations, ce qui a accentué la pénurie de personnel.

C’est l’une des conclusions de la médiatrice nommée par le gouvernement Legault pour rapprocher les parties syndicale et patronale en janvier dernier, lorsqu’une centaine d’infirmières des urgences réclamaient le départ de leur cheffe d’unité et menaçaient de démissionner en bloc.

Les infirmières déploraient un climat de travail toxique et la multiplication des quarts en « temps supplémentaire obligatoire » (TSO).

La crise était telle que le ministre de la Santé, Christian Dubé, est intervenu en nommant une ressource « externe » qui pourrait contribuer à trouver une voie de passage entre les parties.

Dans le rapport obtenu par La Presse, la médiatrice nommée par le ministère du Travail, Lise Lavallée, énonce une série de mesures pour favoriser un meilleur climat de travail, comme la nomination d’un « tiers neutre ». Elle conclut en revanche que des actions doivent « en premier lieu » être faites par le gouvernement Legault « pour éviter la répétition des évènements » semblables.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux doit donc poursuivre « ses actions » pour réduire la pression clinique tout en augmentant le nombre d’infirmières disponibles dans les services des urgences et d’hospitalisation, résume-t-elle.

Sans ces actions, les autres pistes de solution ne permettront pas d’éviter d’autres crises puisque la demande en soins et services est nettement supérieure à la capacité des infirmières travaillant actuellement dans les urgences de l’est de l’île.

Lise Lavallée, médiatrice du ministère du Travail, dans son rapport

En effet, Mme Lavallée met rapidement le doigt sur le « déséquilibre » entre les besoins de la population desservie et la capacité des installations du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal (CEMTL), ce qui exerce « une pression clinique accrue au quotidien sur les équipes ».

« Cette pression est une des principales sources de départ des infirmières [du] CEMTL, y incluant la rétention de recrues, écrit la médiatrice. Elle est également un facteur important dans le temps supplémentaire obligatoire effectué par les infirmières. »

Le CIUSSS assure les soins et services de 27 % de la population de Montréal, mais dispose de 19 % des civières et de 16 % des lits.

La médiatrice note que, bien que la pénurie de main-d’œuvre soit présente dans l’ensemble du réseau de la santé, le problème est « particulièrement aigu » dans les secteurs couverts par le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, et l’est davantage aux urgences de Maisonneuve-Rosemont.

Plus de 200 infirmières ont quitté l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) et l’hôpital Santa Cabrini lors de la première vague de la pandémie.

Un « problème de fond » à régler

« Nous sommes satisfaits de constater qu’il y a une prise de conscience importante de la situation à HMR et que tout le monde souhaite travailler ensemble pour régler le problème de fond », a réagi mardi le cabinet du ministre Christian Dubé. Le ministre s’engage à poursuivre, comme l’a demandé la médiatrice, les efforts pour réduire la pression clinique sur l’hôpital.

« Nous allons aussi poursuivre le travail sur le problème de fond pour moderniser HMR et offrir plus de services autour, notamment avec un mini-hôpital », a-t-on ajouté dans une déclaration.

Dans la foulée de la crise, les ambulances ont été détournées pour réduire le volume. Cette mesure a été reconduite. Des efforts ont aussi été menés pour mieux communiquer les options qui s’offrent aux patients avant de se rendre aux urgences. Un appel aux volontaires a aussi été fait.

On prend acte du dépôt du rapport et nous désirons mentionner qu’une série de mesures cliniques liées au contenu du rapport sont déjà en cours d’application.

Christian Merciari, adjoint au président-directeur général du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

Le recours au TSO a diminué au cours des dernières semaines en raison de l’accumulation de ces mesures, selon le syndicat.

Diagnostic sur le climat de travail

Le syndicat et la direction ont accepté de recourir aux services d’un « tiers neutre et impartial » du ministère du Travail qui pourra réaliser « un diagnostic » plus précis sur la situation aux urgences de HMR et l’organisation du travail.

« L’important, c’est que les membres soient au cœur de ces négociations-là. J’ai beau les représenter, je ne peux pas parler de l’enjeu précis de l’urgence comme elles », a fait valoir le président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Denis Cloutier.

On sent qu’il y a des choses qui sont en marche.

Denis Cloutier, président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

M. Dubé se réjouit également qu’une tierce personne puisse faire « le diagnostic complet sur le climat de travail et sur les solutions à apporter ».

Dans son rapport, Lise Lavallée relate par ailleurs que les parties, dès la première rencontre, ont convenu « de l’importance de dépasser le discours vertueux afin de passer à l’action ».

Elle fait aussi valoir les discussions qui se poursuivent entre le Conseil du trésor, la direction et le syndicat vers l’implantation d’un projet-pilote visant à réduire le TSO en favorisant « l’attraction, la rétention et la disponibilité des professionnels en soins ».

Une version précédente de ce texte indiquait que la médiatrice Lise Lavallée est à l’emploi du ministère du Travail. Or, elle a plutôt été désignée par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Nos excuses.