La suspension d’une infirmière pour avoir mangé une toast au beurre d’arachide « n’est pas une réaction optimale » dans un contexte de pénurie de personnel, a réagi le cabinet de la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés Sonia Bélanger. La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) de la Montérégie-Est a dénoncé samedi une mesure disciplinaire « démesurée ».

« Tout coule et l’employeur dépense de l’énergie sur [une toast au beurre d’arachide] », s’est insurgée Brigitte Petrie, présidente de la FIQ de la Montérégie-Est.

L’histoire rapportée par le Journal de Montréal a fait grand bruit vendredi. Une infirmière du CHSLD Chevalier-De Lévis, à Longueuil, a été suspendue sans solde pendant trois jours pour avoir mangé une toast au beurre d’arachide destinée aux résidants.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

CHSLD du Chevalier-De Lévis, à Longueuil

Dans sa lettre de suspension, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est qualifie le geste de l’employée d’un « manquement grave à [ses] obligations de loyauté et d’honnêteté ».

Une mesure disciplinaire « démesurée » qui pourrait lui coûter une précieuse infirmière, déplore le syndicat.

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, ce n’est pas une réaction optimale. Nous avons demandé des explications au CISSS.

Réaction du cabinet de la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger

Selon Mme Petrie, l’employée, qui n’a que deux ans d’ancienneté, « a été très brassée » et « se pose des questions sur son employeur ». La perte d’une infirmière est beaucoup plus grande qu’une tranche de pain », laisse-t-elle tomber.

L’employée affirme n’avoir pas eu le temps de déjeuner

L’incident remonte au 2 octobre. L’infirmière, qui n’a pas souhaité être identifiée, a mangé une toast au beurre d’arachide mise à la disposition des résidants.

L’employée affirme qu’elle avait « mal à l’estomac » parce qu’elle n’avait pas eu le temps de déjeuner avant d’arriver au travail. Elle précise qu’elle ignorait que le geste était interdit.

C’est seulement un mois plus tard, le 3 novembre, qu’elle a été rencontrée par son employeur pour livrer sa version des faits. « Surprise et fâchée », l’infirmière n’avait jamais reçu d’avertissement, soutient le syndicat.

Le 1er décembre, elle a reçu une lettre l’informant qu’elle serait suspendue les 5, 9 et 11 décembre. En cas de récidive, elle risque des mesures plus sévères, dont le congédiement.

« Vos manquements ont des conséquences négatives importantes tant sur la réputation de l’établissement que sur votre crédibilité professionnelle », y lit-on.

« C’est de la nourriture qui va à la poubelle après quelques jours. Il n’y avait aucune mauvaise intention derrière ça », déplore Brigitte Petrie.

Pendant ce temps, le réseau de la santé peine à garder la tête hors de l’eau. « Les urgences sont débordées. Tout le monde fait du temps supplémentaire obligatoire. Ça ne marche pas pantoute », lâche-t-elle.

« Les journées où elle sera suspendue, ça va peut-être créer du temps supplémentaire obligatoire pour les autres collègues », dénonce-t-elle.

Le syndicat a déposé un grief pour contester la mesure disciplinaire.

Le CISSS refuse de commenter

Par courriel, le CISSS de la Montérégie-Est a refusé de commenter le dossier « afin de préserver la confidentialité de la salariée ».

« Nous comprenons la perception que cela peut laisser dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre », a répondu la relationniste Caroline Doucet.

« Lorsque des situations problématiques sont dénoncées, nous nous devons de les évaluer dans leur contexte et leur entièreté. Nous appliquons des sanctions en regard des conclusions et de la jurisprudence en la matière », a-t-elle ajouté.

Le syndicat affirme avoir tenté de joindre le CISSS vendredi, sans succès.

« On va se rendre jusqu’au bout, mais je pense que l’employeur aurait intérêt à revenir [sur sa décision]. Il y a des problèmes plus urgents à traiter », lâche Brigitte Petrie.

Avec Lila Dussault, La Presse