Il manque actuellement 350 maisons au Nunavik pour être en mesure de loger convenablement tous les travailleurs nécessaires pour offrir des soins dans la région. Or, cette année, seulement 42 logements seront construits dans les 14 villages de la côte des baies d’Hudson et d’Ungava.

« Pour continuer de développer les soins, ça prend des logements », a affirmé mercredi Claude Gadbois, représentant de Kuujjuaq qui préside le conseil d’administration du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de Tulattavik. « Les logements, c’est le nerf de la guerre », croit aussi la directrice générale par intérim du CSSS Inuulitsivik, Claude Bérubé.

Les dirigeants des centres de santé de Tulattavik (baie d’Ungava) et d’Inuulitsivik (baie d’Hudson) étaient réunis cette semaine à Montréal en conseil d’administration.

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Claude Bérubé, directrice générale par intérim du CSSS Inuulitsivik

Durant les rencontres auxquelles a assisté La Presse, il a été souligné à plusieurs reprises que le manque de logements compliquait sérieusement le recrutement du personnel de la santé dans le Nord.

L’été dernier, La Presse révélait que la pénurie de travailleurs y était telle que l’armée avait été appelée en renfort.

Lisez l’article « Pénurie de personnel de santé au Nunavik – L’armée réclamée »

La situation s’est améliorée depuis, mais n’est pas entièrement réglée. Par exemple, seulement 60 % des postes à la direction de la protection de la jeunesse sont actuellement pourvus.

Dominic Pelland, directeur des soins infirmiers au CSSS de Tulattavik, a affirmé devant le conseil d’administration qu’il voudrait bien envoyer une infirmière dans la communauté de Tasiujaq. « Mais je n’ai pas de logement ! », a-t-il lancé. L’affichage de postes d’intervenants en santé publique dans chaque village de la baie d’Ungava a d’ailleurs été reporté cette année. Car même si on engageait du personnel, on ne saurait où le loger, a-t-on expliqué.

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Jennifer Munick-Watkins, directrice générale par intérim de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik

En entrevue avec La Presse, la directrice générale par intérim de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, Jennifer Munick-Watkins, dit vouloir faire du dossier des logements une « priorité ».

Financée par Québec, la Régie a le mandat d’accorder les contrats de construction de logements et de locaux pour ses équipes au Nunavik.

Arrivée en poste en juin, Mme Munick-Watkins reconnaît que le manque de logements complique le recrutement.

Mme Munick-Watkins dit vouloir s’asseoir avec le gouvernement du Québec pour discuter de la possibilité d’augmenter le plafond de certains appels d’offres au Nunavik. « Parce que les coûts de construction au Nord sont beaucoup plus élevés qu’au Sud », dit-elle.

Notons que le manque de logements au Nunavik touche aussi grandement la population, qui doit s’entasser dans les maisons, exacerbant plusieurs problématiques sociales. La construction de logements pour la population ne relève toutefois pas du réseau de la santé.

Crise majeure à la DPJ d’Inukjuak

Alors que la pénurie de travailleurs est importante, le village d’Inukjuak enregistre un nombre record de signalements d’enfants depuis le début de l’année. Il manque de familles d’accueil et de places en garderie pour les accueillir. Des enfants (ils sont cinq actuellement), presque tous des bébés, sont donc hébergés depuis des semaines à la maison de la famille du village, où des intervenantes de la DPJ veillent en alternance sur eux.

« Ce n’est pas optimal », a déclaré mardi la directrice de la protection de la jeunesse du Nunavik, Chantale Fournier. Un sanglot dans la voix, celle-ci a poursuivi en disant : « Je me demande s’il y aura un Noël pour ces enfants. »

Deux aides de service ont pu être envoyées temporairement à Inukjuak pour aider. Mais le recrutement « a été limité par le manque de logements », reconnaît Mme Fournier, qui note que le taux d’occupation des logements du réseau de la santé est de 159 %. Plusieurs intervenants doivent cohabiter, et les hôtels sont pleins.

Le nombre de signalements retenus est passé de 91 l’an passé à 107 jusqu’à maintenant cette année à Inukjuak.

« Et on est à la 8e période sur 13 », note Mme Fournier. La hausse est en partie due à une augmentation importante des signalements liés aux abus d’alcool, selon les statistiques présentées.

« L’abus de substance à Inukjuak est très grand », a reconnu Maata Putugu, directrice des services communautaires au CSSS Inuulitsivik. Celle-ci a expliqué que des travailleurs communautaires se sont rendus dernièrement dans le village pour tenter d’augmenter le soutien à la population.

Représentante d’Inukjuak au conseil d’administration, Anna Ohaituq Kasudluak a indiqué que des intervenants locaux se réunissaient régulièrement pour tenter de trouver des solutions « pour ne pas sortir les enfants de la communauté ». « Mais nous avons des problèmes à trouver des familles d’accueil », dit-elle.

Mme Fournier note que les familles du Nunavik s’entassent à plusieurs dans leur foyer. « Certaines pourraient devenir familles d’accueil. Mais elles manquent simplement de place pour prendre un enfant de plus », dit-elle. Cette dernière croit que la situation s’améliorera grâce à l’aide de la communauté, qui « veut aider ». « Plusieurs démarches sont en cours », dit-elle. Mais le temps presse, selon Gailene Thomas, présidente du Syndicat des travailleurs de la baie d’Hudson : « Les congés de Noël s’en viennent. On s’inquiète pour la suite. »