Le nombre d’enfants adéquatement vaccinés est insuffisant pour maintenir une immunité collective face à certaines maladies graves comme la rougeole, la poliomyélite et la coqueluche, s’est inquiétée jeudi la Santé publique de Montréal. Pour prévenir les risques, celle-ci lance une nouvelle campagne de sensibilisation.

« Pendant la COVID-19, les parents avaient beaucoup de choses à gérer. C’est tout à fait normal que certains aient oublié des rendez-vous, surtout que l’accès aux services n’était pas optimal. Ce qu’on leur demande, maintenant, c’est de vérifier si le calendrier de vaccination de leurs enfants est à jour », explique la Dre Catherine Dea, chef médicale jeunesse à la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSPM).

Selon les dernières estimations, la couverture vaccinale de la rougeole à Montréal oscillerait entre 80 et 85 % chez les élèves de la maternelle, alors que la cible pour empêcher la transmission de la maladie est de 95 %. Une couverture vaccinale insuffisante expose la population montréalaise à des situations à risque en cas d’éclosions, prévient la DRSPM.

Consultez le site de la Direction régionale de santé publique de Montréal

En se disant conscient des barrières géographiques et linguistiques, le CIUSSS promet d’offrir des plages horaires étalées, en dehors des heures de travail. Les affichages de la campagne ont aussi été traduits en neuf langues, pour atteindre plusieurs communautés à la fois.

Cette campagne, c’est une première étape. Bientôt, on aura une idée très claire des couvertures vaccinales par école, par quartier. La prochaine étape, c’est donc de déployer des équipes de proximité, avec des opérations un peu plus intensives dans certains quartiers.

La Dre Catherine Dea, chef médicale jeunesse à la Direction régionale de santé publique de Montréal

Mme Dea ne cache pas que la Santé publique est particulièrement « inquiète » de la forte circulation des virus respiratoires et des hospitalisations pédiatriques en hausse un peu partout au Québec. « On ne veut certainement pas se rendre dans une situation inquiétante pour la rougeole également », signale la médecin.

De la nécessité de bien s’informer

Pour le virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM Benoit Barbeau, ces taux de vaccination insuffisants s’expliquent probablement par « une partie de désinformation dans la population, qui fait en sorte que certains parents craignent les vaccins pour leurs enfants ».

Les gens sont peut-être aussi fatigués d’entendre parler de virus, et on les comprend. Mais la réalité, c’est qu’on ne veut absolument pas avoir trop de virus qui circulent. Ça compliquerait encore plus la situation dans les milieux hospitaliers pédiatriques, qui sont déjà assez saturés.

Benoit Barbeau, virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM

D’ailleurs, le vaccin contre la rougeole n’a pas toujours eu bonne presse. En 1998, un gastro-entérologue britannique, Andrew Wakefield, a faussement montré une corrélation entre le vaccin rougeole-oreillons-rubéole et le syndrome autistique. Ces résultats ont été vastement repris et médiatisés. Bien qu’il ait été démontré qu’il avait falsifié ses données et qu’il ait été radié de l’Ordre des médecins britannique, certaines personnes demeurent à ce jour craintives.

M. Barbeau réitère que les vaccins disponibles sont tous sûrs et efficaces, même s’ils ne sont « pas parfaits » contre la transmission. « Ça reste le meilleur élément dont on dispose dans notre coffre à outils présentement », poursuit l’expert, en appelant les parents à s’informer auprès des sources officielles.

Conséquences très graves

« Certaines de ces maladies peuvent avoir des conséquences très graves comme des séquelles neurologiques permanentes ou la mort », souligne quant à lui Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

La rougeole en particulier, dit-il, « est une des maladies infectieuses les plus contagieuses, si ce n’est pas la plus contagieuse ». « On a besoin d’un taux très élevé de couverture vaccinale pour briser les chaînes de transmission et pour que le virus n’arrive pas à trouver des personnes qui sont susceptibles de l’attraper. »

Il faut surtout éviter d’avoir certains groupes de population avec une faible couverture vaccinale qui pourraient devenir des milieux propices aux éclosions, dit M. Lamarre. « Par exemple, on a vu par le passé des communautés religieuses qui ne recommandaient pas la vaccination et ça a entraîné des éclosions de rougeole dans d’autres pays, mais aussi au Canada », dit-il.

« Plus les enfants sont jeunes, plus ils sont susceptibles d’avoir des maladies sévères. C’est aussi le moment où ils commencent à fréquenter d’autres enfants comme dans les garderies, où la transmission peut être importante », conclut le spécialiste.

Montréal, pas un cas unique

Montréal n’est pas la seule ville dans le monde à observer des couvertures vaccinales insuffisantes. La pandémie de COVID-19 semble en effet avoir occasionné un retard dans les programmes de vaccination partout sur le globe, a reconnu il y a quelques jours l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La Santé publique montréalaise a mis sur pied un portail qui permet de prendre rendez-vous pour la vaccination de votre enfant, vérifier si votre enfant est à jour dans ses doses ou obtenir des informations générales sur la vaccination. Pour les parents, il est aussi possible de prendre rendez-vous pour la vaccination habituelle de leurs enfants en ligne sur la plateforme Clic Santé. Rappelons que tous les vaccins en question sont offerts gratuitement.

En savoir plus
  • 81 %
    Proportion des enfants de 2 ans qui ont reçu tous les vaccins du programme habituel en 2019
    SOURCE : Institut national de santé publique du Québec
    1 %
    Proportion d’enfants n’ayant reçu aucun vaccin en 2019
    SOURCE : Institut national de santé publique du Québec