(Québec, Montréal) Les efforts déployés par la cellule de crise des urgences sont affectés par la vague d’influenza – arrivée plus tôt que prévu – qui rend la situation « extrêmement difficile ». Plus de 1000 Québécois par jour quittent ces jours-ci, les urgences sans avoir vu un médecin.

« Aujourd’hui pour n’importe quel Québécois, c’est extrêmement difficile de voir un médecin dans les urgences », déclare le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec le DGilbert Boucher. Environ 16 % des patients – ce qui représente entre 1200 et 1500 personnes par jour – quittent les urgences sans avoir vu un médecin, dit-il.

« C’est beaucoup, beaucoup de monde », déplore-t-il. « Quand on parle de plus de 1000 Québécois par jour qui partent des urgences sans voir de médecins, on peut en manquer », ajoute le DBoucher.

C’est le virus de l’influenza, arrivé au Québec plus tôt qu’à l’habitude, qui vient jouer le trouble-fête. « Il n’y a pas une grosse urgence à Montréal qui est en bas de 140 %. Tout le monde en a par-dessus la tête », ajoute le président de l’ASMUQ.

Le Répertoire Index Santé affichait un taux d’occupation global de 128 % dans les urgences de la province en fin de journée lundi. Dans le Grand Montréal, ce taux est de 139 %.

Les urgences de l’Hôpital général Juif et l’Hôpital Royal Victoria sont occupées à plus de 175 %. La situation était également critique dans les urgences de Lanaudière (184 %), du Centre-du-Québec (160 %), de l’Outaouais (157 %) et des Laurentides (153 %). Six établissements présentaient des taux d’occupation de 200 % et plus, dont deux à Montréal et deux en Outaouais.

Les cas d’influenza sont effectivement en forte hausse, selon les dernières données de l’Institut national de santé publique du Québec, publiées lundi. On y apprend qu’il y a eu plus de 2000 cas d’influenza déclarés la semaine dernière, contre moins de 900 la semaine précédente.

Point positif : le pic de la vague d’influenza pourrait survenir avant les Fêtes alors qu’il y a moins de travailleurs de la santé en congé. Le DBoucher s’attend que la vague dure entre six à huit semaines.

Encore difficile pour les enfants

L’achalandage est encore très élevé dans les urgences pédiatriques, aussi fortement touchées par la circulation des virus respiratoires, selon l’urgentologue pédiatrique Matthieu Vincent. Les retombées de la cellule de crise du ministre Dubé se font toujours attendre, déplore le DVincent, qui pratique notamment au CHU Sainte-Justine, mais des ajustements sont faits localement pour mieux accueillir les patients.

Malgré cela, « les enfants attendent très très longtemps », a soupiré le DVincent. « On voit 10 h, 16 h, parfois même 24 h, parce qu’ils ont épuisé toutes les ressources à leur disposition », et la difficulté d’obtenir un rendez-vous avec un médecin pousse les parents aux urgences. À l’Hôpital de Montréal pour enfants, le taux d’occupation a atteint 275 %, au CHU Sainte-Justine, il est de 169 %.

Un invité « difficile à gérer »

Cette pression ajoutée par l’influenza fait que les urgences ne sont « pas capable d’augmenter [leur] offre de service » actuellement, malgré les moyens déployés par cellule de crise, qui ont permis des améliorations depuis les dernières semaines, indique le DBoucher. « C’est un rajout qui est extrêmement difficile à gérer. On manque de personnel, c’est ce qu’on appréhendait, mais ça arrive plus tôt cette année », dit-il.

L’ASMUQ presse d’ailleurs Québec d’ordonner la recommandation visant à forcer les étages d’un établissement à augmenter leur capacité d’hospitalisation pour répartir la pression lorsque les urgences sont engorgées à plus de 150 %.

« Il faut que ce soit mis en place rapidement parce que c’est là, d’avoir 200 % [d’occupation] aux urgences, c’est dangereux. Il faut trouver un moyen de descendre à 120, 130 % pour nous laisser travailler parce qu’en ce moment le prochain patient malade, on n’est pas capable de le voir », plaide le DBoucher, qui fait partie de la cellule d’urgence créée par le gouvernement Legault.

De son côté, la Dre Judy Morris, présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec, note que malgré les efforts pour faciliter l’accès à la première ligne du réseau, beaucoup de patients se présentent encore aux urgences alors qu’ils devraient plutôt être vus en clinique.

Au cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, on admet que la « situation demeure difficile », mais qu’elle « se stabilise et s’améliore sur certains points », comme pour le nombre de patients sur civière qui ne requièrent plus de soins aux urgences.

« On est conscient qu’on doit en faire plus encore », a-t-on indiqué. Québec planche actuellement à déployer la ligne pédiatrique 8-1-1 dans d’autres régions. Par ailleurs, plus de 93 % des patients qui téléphonent au Guichet d’accès à la première ligne (GAP) reçoivent actuellement un service en 36 heures ou moins sans devoir passer par l’urgence, selon le cabinet de M. Dubé.

« On a toujours dit que tout était sur la table pour désengorger les urgences et on va continuer d’être à l’écoute des solutions proposées par la cellule de crise. On l’a dit quand on a dévoilé notre Plan santé, tout est dans l’exécution et l’implantation. On a réussi avec la vaccination, on va réussir avec les urgences », a fait valoir le cabinet de M. Dubé dans une déclaration transmise à La Presse.