Un médecin des urgences de l’hôpital Fleury à Montréal vient de voir son droit d’exercice révoqué par le Collège des médecins du Québec. Sanjeev Sirpal, qui a été brièvement directeur médical de l’entreprise de télémédecine Olive, a menti sur son parcours universitaire, au cours duquel il a notamment été accusé de plagiat.

Dans la décision du conseil de discipline de l’ordre professionnel, rendue le 11 octobre, on peut lire que Sanjeev Sirpal a « sciemment fourni au Collège des médecins du Québec au moment de sa demande d’inscription des informations incomplètes et inexactes au sujet de ses frasques sur divers campus universitaires américains ». On parle « d’inconduites, de plagiat et de renvois ».

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE L’ASSOCIATION DES MÉDECINS RÉSIDENTS DE MONTRÉAL

Le Dr Sanjeev Sirpal

Sanjeev Sirpal contestait les faits qui lui étaient reprochés, mais le comité de discipline ne l’a pas cru. « Le témoignage de l’intimé est une déclinaison de prétextes invraisemblables qui évoluent au gré du temps, des circonstances et des interlocuteurs auxquels il s’adresse », tranchent les trois membres du comité de discipline dans leur décision.

Le Collège des médecins avait reçu trois signalements contre le Dr Sirpal en 2020 « faisant état d’allégations au sujet du comportement professionnel de l’intimé ».

L’enquêteur qui a interrogé le Dr Sirpal en 2021 a constaté que son parcours universitaire avait été plus chaotique que ce qu’il avait déclaré.

Le Dr Sirpal a notamment étudié en médecine à l’Université de Miami entre 2003 et 2007. Là-bas, il a été accusé de plagiat et a été exclu de son programme d’études en 2008. Interrogé par les enquêteurs du Collège des médecins à ce sujet, Sanjeev Sirpal a d’abord dit qu’il n’avait « rien fait de mal ». Il a ensuite affirmé que son départ était « en partie » attribuable à la maladie de son père, qui aurait été atteint d’un cancer et qui est mort en 2012.

Cacher son passé

En 2011, Sanjeev Sirpal a été admis à un programme de doctorat en biochimie et biologie moléculaire à l’Université Johns Hopkins de Baltimore, mais il en a aussi été expulsé. Essentiellement pour ne pas avoir déclaré son renvoi de l’Université de Miami quelques années plus tôt.

Il a obtenu son doctorat en médecine en 2013 à la Spartan Health School of Medicine de Sainte-Lucie. Il a ensuite travaillé en recherche à l’Hôpital municipal de Brampton, en Ontario, de 2013 à 2015, en plus d’étudier à l’Université de Toronto jusqu’en 2016.

Cette année-là, il a postulé à un poste de médecin résident en santé publique à l’Université de Montréal. Questionné à ce moment pour savoir s’il avait déjà été reconnu coupable d’inconduite durant ses études dans un établissement d’enseignement postsecondaire, le Dr Sirpal a répondu que non.

Devant le conseil de discipline, il a plaidé notamment que le formulaire n’était pas clair, ne permettait pas de faire des ajouts et que ses réponses étaient « basées sur sa compréhension du système d’éducation américain par rapport à celui du Québec qu’il connaît peu ». Mais le conseil de discipline ne retiendra pas cette explication.

Après son passage en résidence en santé publique, Sanjeev Sirpal a fait une résidence en médecine familiale. Il a fait une demande d’inscription au Collège des médecins du Québec en 2019. Encore une fois, il a caché son passé universitaire. Il était encore récemment médecin aux urgences de l’hôpital Fleury à Montréal. Il s’est aussi prononcé à quelques reprises en 2021 dans les médias à titre de directeur médical de l’entreprise Olive, qui offre des services de télémédecine. Chef de l’exploitation chez Olive, Carl Guérard explique que l’entreprise n’était pas au courant de la situation et souligne que le Dr Sirpal n’a été que « brièvement » au service d’Olive en 2021.

Témoignage invraisemblable

L’aspect invraisemblable de plusieurs affirmations de Sanjeev Sirpal est souligné dans la décision du conseil de discipline. On note par exemple qu’alors que son père était mort du cancer en 2012, Sanjeev Sirpal aurait demandé un allégement de tâches en 2019 à la Direction du programme de résidence de l’Université de Montréal pour « consacrer plus de temps pour sa maîtrise et par précaution pour son père qui était âgé ».

Cette contradiction a été soulevée par le Collège des médecins, ce qui a déplu à Sanjeev Sirpal qui a déploré « qu’on ne comprenne pas l’importance des pratiques et croyances au sein de sa communauté au sujet de la place prédominante consacrée à la figure paternelle, qui traduit des traditions millénaires ».

« Pour des raisons culturelles, il laisse donc entendre qu’il n’avait pas à révéler que sa mère, après le décès de son père naturel en 2012, était en relation avec un autre homme, d’où le raccourci qu’il a emprunté dans sa demande d’allégement de tâches, sept ans plus tard, en 2019, en référant à son père plutôt qu’à son beau-père », est-il écrit. Le Dr Sirpal est né aux États-Unis de parents d’origine indienne.

Selon le conseil de discipline du Collège des médecins, Sanjeev Sirpal a été durant ses témoignages « louvoyant », a fait « d’innombrables détours, contorsions et amalgames pour diluer ses réponses au lieu de répondre simplement et clairement ». Sanjeev Sirpal dispose de 30 jours pour porter la décision en appel.